Chapitre 18

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“Oublie pas de lâcher prise, hein !” La voix narquoise de Kano lui parvient juste avant que la faille se referme au-dessus de lui en un claquement sonore. Ce mec est tellement insupportable ! Kai n’en revient pas. Il l’a tout bonnement balancé dans le vide sans la moindre considération. C’est du grand n’importe quoi, son discours fraternel à la con ! Que des belles paroles faites pour se foutre un peu plus de sa gueule, oui ! Bordel, s’il lui sort encore une seule fois, qu’il doit lâcher prise, il lui fait bouffer son sourire de connard ! Et puis, merde ! C’est quoi son problème avec Léo aussi ? Depuis quand il a son mot à dire ? De quoi il se mêle ! S’il arrêtait de se pointer à tout bout de champ comme ça, il n’y aurait pas lieu d’en faire un drame. C’est sa vie, il en fait ce qu’il veut. Que ça le chante ou non d’ailleurs.

Kai est tellement frustré et furax, qu’il en oublie sa chute. Les insultes fusent dans sa tête. Il traite Kano de tous les noms, sa haine pour lui crépite dans ses veines. Jamais il ne lui fera confiance pour un sou. Soi-disant, il voulait l’aider… Bien sûr, comme s’il allait le croire sur parole ! Et puis quoi encore ? La prochaine fois, il va lui sortir qu’il faut faire la paix et se serrer la main, c’est ça ? Le foutage de gueule est à son paroxysme avec lui ! Kai ne veut qu’une chose, qu’il foute le camp ! Qu’il dégage de sa vie, lui et ses mondes imaginaires. Il a été vraiment con de se laisser fasciner par la beauté de ces étendues de glaces ! Ce n’est qu’un tour de plus pour lui faire tourner la tête.

Un brusque changement dans la gravité interrompt son fil de pensée acerbe. De l’air s’engouffre brutalement dans ses poumons dans une violente inspiration et la chambre d’hôtel apparaît subitement devant lui. Essoufflé, il n’ose pas y croire, tellement la transition est brutale. C’est encore un coup monté, c’est ça ? Dans quelques minutes, il va recommencer à tomber et le rire dément de Kano se moquera de lui à outrance ? C’est forcément un leurre.

“Kai?” Cette voix rauque et suave… Kai bondit et s’écarte du lit en fixant Léo assis dessus. Il doute de tout et ne sait plus ce qui est réalité, et ce qui ne l’est pas. Pourtant, c’est la première fois que Léo apparaît dans une de ces illusions… Mais avec ce qu’il a vu aujourd’hui, comment en être sûr ?

“T’es pas réel.” Se persuade-t-il en faisant encore quelques pas en arrière. C’est obligé, il est en train de vivre un autre de ces rêves à la noix. Depuis le début, Kano s’amuse à torturer son esprit. Pourquoi ce serait différent cette fois ? Ils venaient à peine d’arriver au village, il n’y a pas moyens qu’ils soient déjà revenus à l’hôtel, non ? Comment savoir… Combien de temps s’est écoulé ? Une heure ? Une journée ? Plus ?

Kai sursaute lorsque Léo balance le téléphone qu’il avait entre les mains sur le lit et se précipite sur lui. Ses sourcils sont froncés dans une expression inquiétante. Kai est déstabilisé par son regard perçant et le mur derrière lui l’empêche de faire un autre pas. Il est coincé et terriblement intimidé… Ses sens sont en ébullition et il reste paralysé par la hantise que tout s’écroule autour de lui d’un moment à l’autre. Que le sol sous ses pieds se fissure et qu’il recommence sa chute interminable. Il a envie d’y croire… Mais il n’ose pas. Et puis sans prévenir, Léo plaque abruptement ses lèvres contre les siennes et l’embrasse comme si sa vie en dépendait. Il n’y va pas de main morte et enfonce ses doigts douloureusement dans ses cheveux, lui arrachant une série de grognements étouffés. C’est à la limite de la violence, mais c’est tellement enivrant, la façon dont il l’embrasse avec tout ce qu’il a.

Un torrent d’émotions s’abat sur lui, ardent, passionnant, grisant jusqu’au plus profond de son âme. C’est exactement ce dont il a besoin pour confirmer qu’il est bien là, qu’il est bien présent et que c’est bien Léo qui lui dévore les lèvres fiévreusement. Lorsqu’ils s’écartent l’un de l’autre, ils sont tous deux à bout de souffle.

“Tu doutes toujours… ?” Moque-t-il en s’attaquant à son cou avec des coups de dents langoureux. Kai sourit en fermant les yeux. “Je t’ai tant manqué que ça ?”

Le fredonnement approbateur de Léo vibre contre sa peau et le fait frissonner. “T’as pas idée… ” chuchote-t-il avant de se redresser d’un coup et de saisir ses épaules avec un soudain enthousiasme. “Je t’ai acheté pleins de trucs ! Il faut que je te montre !”

Kai le regarde avec des yeux ronds. “Euh…” Comment ça, acheter pleins de trucs ? Quel genre de trucs ? Merde, il s’était dit en sortant du restaurant, qu’il ne se laisserait pas tout offrir !

“Oui, vu comme on était quand même au village, je me suis dit tant qu’à faire, acheter ce qu’il te fallait… ” Franchement, Kai ne sait pas s’il doit partager l’excitation de Léo et lui être reconnaissant, ou s’inquiéter et se sentir mal à l’aise qu’il dépense son argent sans compter pour lui.

“Je t’ai même pris une boîte de teinture noire et du fond de teint !” S’empresse d'ajouter Léo en le délaissant un bref instant pour aller chercher lesdits produits dans le sac sur la commode. Kai observe le tube de fond de teint avec stupéfaction, car il s’agit exactement du même qu’il achète tout le temps, la couleur, la marque, tout coïncide. “Merci… Mais, comment t’as su… Que j’employais celui-là ?”

“Ah…” Hésite Léo. “C’est Kano qui m’a indiqué lequel prendre.” Finit-il par dire en se frottant le début de barbe sur son menton du bout des doigts. Kai va de surprise en surprise et ne sait même pas s’il veut vraiment savoir comment Kano est au courant de ses préférences en la matière. Sans parler du fait qu'il l’a donc bel et bien aidé… C’est assez perturbant comme constatation, après toute la haine qu’il ressentait quelques instants plus tôt.

“Je t’ai aussi choisi une chemise et un jean… j’espère que ça te plaira… ” Reprend Léo en déposant ce qu’il a en mains à nouveau sur la commode.

“Je n’en doute pas. Merci…” Il ne porte jamais de chemise… Mais il sourit néanmoins, car ça lui fait quand même plaisir que Léo pense à lui avec autant de soins. Par contre, vu ses goûts luxueux, il peut être sûr que l’ensemble coûte la peau du cul… Et ça, il ne sait pas trop comment le prendre. En fait, ça le met mal à l’aise et le contraste entre leurs deux mondes lui saute encore une fois à la gueule. Il ne faut pas qu’il pense à ça… Il ne devrait pas, mais c’est comme une petite voix qui lui susurre à l’oreille constamment, qu’il n’est pas assez bien, que Léo ferait mieux de se trouver une belle femme. C’est vrai, non ? Que peut-il bien lui apporter de plus ? Kai secoue la tête et chasse les mauvaises pensées en forçant un air enjoué.

“Tu me donnes un coup de main pour la couleur ? Je crois que t’as plus d’expérience que moi.” Propose-t-il en pointant la boîte contenant la teinture. L’idée plaît instantanément à Léo, car son sourire s’étire comme jamais.

“Tu pouvais pas tomber mieux, j’ai fait ça tellement de fois !” Il est même carrément emballé et son excitation est contagieuse, Kai ne peut s'empêcher de rire de bon cœur en imaginant un Léo plus jeune en train de se teindre les cheveux. Cependant, son sourire s’efface en entrant dans la salle de bain. Le reflet qu’il voit dans le miroir le glace sur place. Premièrement, tout le fond de teint qu’il avait précédemment sur la peau s’est fait la malle, on ne sait comment. Ensuite, de nouvelles marques se pavanent sur son visage et lui donnent envie de gerber. Il touche fébrilement sa joue du bout du doigt et grimace en suivant les contours d’une nouvelle tache. Elle est si grande…

Léo n’a pas remarqué son temps d’arrêt et est déjà en train de vider le contenu de la boîte dans le lavabo. Kai le regarde faire avec confusion. Comment ça ne le déphase pas, qu’il ait ces taches bizarres sur tout le corps ? Comment fait-il pour voir outre, alors que lui ne voit que ça ?

“Par contre, je pense que tu vas devoir retirer le haut, pour ne pas mettre de la couleur dessus… Ce serait bête.”

Non ? Kai sent la panique le submerger. Il n’est pas encore prêt pour se mettre torse nu devant lui. Absolument pas du tout ! En fin de compte, c’est pas si important la couleur… Il pourra très bien le faire tout seul plus tard. Ouais, c’est une meilleure idée. Il n’y a pas moyen qu’il retire son t-shirt maintenant. Non, non, non, c’est juste pas possible. Il faut qu’il se sorte de ce traquenard et trouve une excuse avant que Léo ne remarque son trouble. Vite… N’importe quoi… C’est dans ces moments qu’il aimerait pouvoir sortir un bobard construit de toute pièce que tout le monde gobe sans se poser de questions. Malheureusement pour lui, mentir n’est pas son fort. Quand il essaie, ça se lit en grand sur son front, qu’il est en train de pondre des conneries. Alors, ce n’est même pas la peine de chercher un subterfuge, il sait que Léo ne le croira jamais. Et puis quel genre de mensonge peut-il sortir dans cette situation ? Qu’il aime ses cheveux tels quel ? Absolument ridicule…

“Kai?” Merde, Léo vient de se détourner de la notice du produit et commence à s’interroger sur son manque d’activité. Une plante morte n’aurait pas été plus réactive et il n’a toujours aucune excuse qui lui vient en tête. Ça sert à quoi un cerveau, si c’est pas pour pouvoir s’en servir quand il faut ?

“Euh… On peut pas juste utiliser une serviette ?” Ce n’est pas une excuse, mais c’est pas mal non plus. Enfin, c’est sans compter sur la tête de mule aux cheveux bleus en face de lui qui fronce les sourcils avec un sourire en coin. Bordel, c’est pas permis d’être sexy et intimidant à la fois. S’il continue à le regarder comme ça, il va finir par se transformer en guimauve.

“Tu veux pas enlever ton t-shirt, j’ai bien compris. Mais, on va pas pouvoir utiliser les serviettes blanches de l’hôtel.” Léo s’appuie nonchalamment contre le lavabo et croise les bras sur son torse. “Et puis, tu vas bien devoir le retirer un jour où l’autre, non ?” L’implication transparaît clairement dans son ton enjoué et Kai sent le rouge lui monter aux joues. Il aimerait se fondre dans le décor et disparaître pour échapper à ce regard qui le déshabille ouvertement. Depuis quand s’est-il transformé en animal farouche ? Il ne saurait le dire, mais une chose est sûre, c’est qu’il n’arrive pas à détourner le regard, ni articuler la moindre syllabe.

“Ok, on fait un marché, je ferme les yeux et tu me dis quand t’es prêt.” Il n’attend même pas de réponse et ferme les yeux en basculant la tête en arrière. Ce n’est pas pour autant que Kai arrive à faire le moindre geste pour se déshabiller. Merde, pourquoi c’est si compliqué ? N’importe qui ne se poserait jamais autant de questions pour un simple t-shirt. Et le voilà, en train de se mordre la lèvre à sang, incapable d’affronter la peur qui le ronge. Le reflet qu’il voit dans le miroir derrière Léo, ne l’aide en rien. C’est comme s’il le jugeait constamment. Peut-être que c’est même vraiment le cas… Les sentiments d’infériorités remontent à la surface avant même qu’il ne puisse les boucler à double tour. Les questions qu’il s’est efforcé de mettre de côté émergent et ne demande qu’à sortir. Il sait que c’est futile et que Léo lui répondra la même chose, encore et encore. Mais c’est plus fort que lui. Il n’y croit toujours pas, il ne comprend pas pourquoi… Maudit soit Kano aussi, à lui mettre le doute sur tous avant qu’il ne reprenne ses esprits !

“Pourquoi moi, Léo ? Comment tu sais, que ce n’est pas juste de la curiosité ?”

Léo prend une longue inspiration en fixant le plafond de la salle de bains avant de baisser lentement le regard sur lui. Kai retient son souffle lorsqu’il se rapproche de lui et plaque ses deux mains contre le mur, de part et d’autre de son visage. Il n’a encore jamais vu un regard si foudroyant, aussi profond que les abysses de l’océan et si brûlant à la fois. Il y a de la rage qui y brille tel un reflet dangereux. Il en perd ses moyens. Il a chaud, il a froid. Son souffle est un désastre désorganisé et son corps un ramassis dysfonctionnel.

“Pourquoi toi ? Justement parce que c’est toi et pas un autre, Kai.” Sa voix est tellement rauque et intense. Même son corps tremble lorsqu’il parle. “C’est toi que j’arrive pas sortir de ma tête. Tu crois que j’ai pas essayé de me convaincre au début, que c’était juste de l’intérêt, de la curiosité ? Mais tu sais quoi ? Chaque fois que je fermais les yeux, c’est toi que je voyais. C’est toi qui m'obsèdes. Tu n’as pas idée à quel point tu me rends dingue. À quel point tu me fais vivre. J’ai jamais ressenti tout ce que tu me fais ressentir. T’as peur de te mettre à nu, de me montrer ta peau, et moi j’ai peur de te briser chaque fois que tu te replies sur toi. Mais je demande qu’à te découvrir, d’apprendre à te connaître comme j’ai jamais connu personne. J’essaie vraiment de ne pas te brusquer, de te donner le temps, mais bordel, que j’ai envie de t’arracher ton t-shirt juste pour te prouver que je ne détournerais jamais le regard de toi. Tu me plais, putain ! Chaque fois que tu me provoques avec ton putain de sourire en coin, tu me fais perdre pied. Et t’embrasser… Me fait bander comme un con à chaque fois.”

Kai ouvre la bouche pour répondre, mais Léo ne lui laisse pas l’occasion et l’interrompt avant même qu’il n’ait pu sortir le moindre son. “J’ai pas fini.” Gronde-t-il en rapprochant son visage figé dans une expression grave. “Tu crois que je sais pas ce que t’as dans le froc ? Que je sais pas à quoi m’attendre ? Je te cache pas que je flippe un peu, mais pas pour les raisons que tu crois. J’ai peur de mal m’y prendre, parce que je suis jamais sorti avec un mec. Tu doutes que tu sois assez bien pour moi ? Mais mon choix à moi, t’en fais quoi, bordel ? Putain, je supporterai même ton double des journées entière, si c’est pour t’avoir quelques minutes à mes côtés ! Je sais plus quoi te dire, pour que tu percutes à quel point je…” Il hésite et ferme les yeux douloureusement. “À quel point je… merde, j’ai pas d’autres mots pour te décrire ce que je ressens…” Il replonge son regard bleu sombre dans le sien avec une intensité déconcertante. “Je pensais jamais le dire un jour et assurément pas dans une situation pareille, mais si c’est ce qu’il te faut pour comprendre, alors putain, j’en ai rien à battre des conventions et de la bienséance. Je t’aime Kai, je t’aime comme un fou, comme un con, comme j’ai jamais aimé personne !”

Les mots retentissent dans le cerveau de Kai comme un coup de tonnerre. Il est foudroyé, sidéré, stupéfait, absolument dépassé par ce qu’il vient d’entendre. Léo a le souffle court et le dévisage dans l’attente d’une réponse. Réponse qu’il n’est pas sûr d’arriver à prononcer. Il est autant bouleversé qu’il est choqué. C’est pas juste un - je t’aime - balancer au hasard, pour faire plaisir. C’est dit avec tant de hargne et de tripes que Kai ne sait même pas comment réagir. Tout ce qu’il pourrait dire ou faire, paraîtrait fade en comparaison.

Ces sentiments sont en train d’exploser dans sa poitrine et son cœur bat la chamade au point d’en devenir douloureux. Il a envie de lui répondre, que lui aussi, il ressent toutes ces choses qu’il n’arrive pas à décrire, qu’il se perd dans son regard chaque fois qu’ils s’accrochent, qu’il se bouffe les sangs rien qu’à l’idée de se faire abandonner par la seule personne qui donne de la couleur à sa vie monotone. Il a tellement envie de lui expliquer, mais il ne trouve pas les mots. Il est galvanisé par le déferlement d’émotions.

Tout le monde rêve d’une déclaration d’amour qui vous cloue sur place, qui est intense, fulgurante et vous réchauffe le cœur. Mais personne ne songe à ce que ça fait réellement d’en recevoir une pareille. Elle vous tétanise et vous fait passer pour un con en face de la personne qui vous plaît. C’est juste horrible. Et puis, on y répond comment, bordel ? Son cœur est en train d'exploser et les mots continuent à lui échapper avec brio. Il peut entendre les poings de Léo se crisper contre le carrelage et sa panique monte d’un cran. C’est pas bon signe du tout, il est en train de perdre patience à cause de son mutisme débile. Pour combler le tout, ça le paralyse encore plus. Léo soupire en fermant les yeux et aplatit une de ses mains sur le mur avant de s’écarter d’un coup sec.

“Désolé, j’aurais pas dû te sortir tout ça comme ça… ” Lui marmonne-t-il en balayant ses cheveux nerveusement en arrière avant de se diriger vers la porte. “Je suis dans la chambre, si t’as besoin de quelque chose… ” Si Kai était ébranlé par sa déclaration, il l’est encore plus par sa réaction abattue. Son instinct lui crie que s’il le laisse sortir de la pièce, quelque chose d'extrêmement important risque de se briser entre eux. Et il s’en voudrait toute sa vie, s’il ne se bougeait pas le cul, là maintenant, tout de suite. Et dire qu’il poussait Nakim à déballer ses sentiments pour Mara, alors que lui n'est même pas foutu de sortir un seul mot. C’est clair, dorénavant, il ne lui rabâchera plus le crâne avec ses boutades.

“Attends… ” Léo s'arrête dans le pas de la porte et le fixe en fronçant les sourcils. “T’en fais pas Kai, je te forcerai à rien et j’ai pas envie que tu te sentes obligé de me répondre. T’étais pas prêt à l’entendre, c’est tout.”

Non, ce n’est pas ça du tout ! D’accord, c’est un peu déstabilisant lorsque quelqu’un vous déclare sa flamme de façon aussi brusque. Il ne s’y attendait pas du tout, mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas réciproque ? Qu’il ne l’aime pas ? Est-ce qu’il l’aime… ? Merde, ça fait à peine quelques jours qu’ils se connaissent et il ne s’est pas encore trop penché sur la question ! Pourtant, ça parait tellement évident maintenant qu’il y pense. Cette confiance aveugle qu’il a en lui, ces raz de marée d’émotions qu’il décrit, lui aussi, il les vit chaque fois qu’ils se touchent, qu’ils s’embrassent.

“Non… Tu te trompes…” Parvient-il à bafouiller. Il a même du mal à reconnaître sa voix, tant elle est cassée et fragile. Léo a l’air perdu entre la confusion et la déception. “T’es vraiment pas obligé, Kai. Je peux comprendre… ”

Bordel, qu’il déteste quand il accentue son nom avec cette expression affligée ! Il se plante sur toute la ligne ! La frustration a pour avantage de remettre en route son cerveau. Finis de bredouiller et de rester planté là comme un con à présent qu’il a regagné le contrôle de son corps. Il franchit en quelques pas la distance qui les sépare et lui agrippe le poignet pour le forcer à rester. “Tu comprends que dalle, bien sûr que je t’aime ! Bien sûr que tu me rends dingue avec tes airs de beau gosse rebelle et ta façon d’être si brutalement honnête dans tout ce que tu dis !” Finalement, c’est sortit tout seul… Mais le rictus sournois qui se dessine sur le visage de Léo le déstabilise à nouveau. Il a dit quoi, pour qu’il se mette à sourire comme ça ?

“Beau gosse rebelle ?” Moque-t-il en attirant Kai plus près de lui. Il aurait dû s’en douter, qu’il le prendrait comme un compliment. Ça le fait glousser de rire. “T’as retenu que ça ?”

Léo fredonne en collant son front sur le sien. “Hmm, j’ai surtout retenu que t’as toujours ton t-shirt.” Le sourire de Kai s’efface aussitôt et le stress remonte en flèche.

“Je peux te l’enlever ?” Ses mains se sont déjà glissées le long de ses flancs et s'arrêtent juste au rebord de tissu qui cache tout ce qu’il aspire à garder secret. Il ne va pas plus loin pourtant et ses yeux traduisent le désir qui est bridé par une barrière invisible. Kai retient son souffle en hochant la tête imperceptiblement. Il frissonne quand Léo relève lentement son t-shirt, sans le quitter du regard un seul instant. C’est comme s’il était aux aguets du moindre signe de panique, de remords ou de refus pour tout arrêter. L’effleurement de ses doigts sur sa peau est grisant et alarmant à la fois. Il reprend une inspiration pour trouver le courage de lever les bras. Le t-shirt tombe au sol et Kai se mord la lèvre dès l’instant où le regard de Léo descend sur son torse à présent dénudé. Il a le souffle court et fébrile. Si seulement il pouvait devenir invisible… Malheureusement, ce n’est pas possible, alors il ferme les yeux en retenant une fois de plus sa respiration.

Il frissonne en sentant les doigts de Léo se poser à nouveau contre sa peau et dessiner des arabesques en suivant les contours de ses marques. C’est tellement troublant de ressentir le plaisir en même temps que cette gêne brûlante. Il voudrait pouvoir lâcher prise et se laisser emporter par la sensation, mais des chaînes le clouent encore sur place, figé dans sa honte et son malaise. Une petite voix dans sa tête lui crie que c’est stupide, qu’il n’a qu’à ignorer ses défauts pour profiter de l’instant. Si seulement c’était si simple… Les mains de Léo remontent lentement le long de ses côtes et les frissons le gagnent de plus en plus. L’une d’elle finit sa course dans le creux de son cou et il ne peut s'empêcher de pencher le visage pour s’appuyer doucement contre cette paume chaude et rassurante. Il reprend petit à petit le contrôle de sa respiration et ouvre partiellement ses yeux. Léo le regarde avec un petit sourire charmeur qui fait chavirer son cœur. Il dépose un baiser sur son front avant de s’écarter d’un pas. Le contact se rompt avec douceur, mais la brûlure de son toucher persiste.

“Et si on s’occupait de ta teinture, hmm ?”

"Euh…"

Kai met un certain temps à enregistrer la question. Distraitement, il hoche la tête tout en essayant de regagner un semblant d’aplombs. Il faut dire que la teinture de ses cheveux lui est un peu sortie de la tête. En fait, il ne s’attendait pas à ce que Léo s’éloigne comme ça sans aucune remarque sur son physique… Il est un peu déconcerté par cette réaction et reste un moment à l’observer aligner les composants pour la teinture sur le rebord du lavabo. Perdu, il essaye de déchiffrer l’expression sereine de Léo. Comment fait-il pour être si calme ? Il y a quelques minutes à peine, il explosait tel un volcan. Cela lui donne l’envie de lui faire ressentir la même chose qu’il éprouve, de lui faire perdre le contrôle, de voir ce qui se cache derrière toute cette retenue.

Kai se rapproche de lui, le regard déterminé et le cœur au bord des lèvres à l’idée de ce qu’il compte faire. Il ignore le reflet qui le toise dans le miroir et passe sa main le long de la joue de Léo pour venir ravir ses lèvres d’un baiser intense. Un baiser qu’il espère être déstabilisant…

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