Chapitre 58

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- Tu sais ce qui me fout en rogne ?


- Le fait que tu sois le plus bête des deux ?

Al lança un regard à son frère plein de dédain avant de relever la tête pour retrouver sa fierté. Ils étaient tous les deux sur le chemin menant à la forêt entre le camp 2 et le camp 3. C'était l'un des meilleurs endroits pour chasser.

- Si jeune et déjà si méchant, je suis en rogne parce que tu penses que tu n'as pas besoin de moi.


Phil leva les yeux au ciel, il n'avait pas pour habitude de rassurer son jumeau. Leur lien était bien trop fort pour qu'il ait besoin de le faire.


- Tu parles trop avec Maman toi, grommela-t-il simplement en donnant un coup de pied dans un caillou. Il ricocha jusqu'au pied d'Al qui le renvoya. Les deux jeunes garçons s'échangèrent le caillou plusieurs fois avant que le rouquin reprenne la parole.


- Elle dit que tu veux entrer dans l'armée à tes 20 ans. C'est faux, sinon tu m'en aurais parlé.


Le blond garda le silence n'osant plus regarder son frère de peur de le décevoir. Il n'avait pas envie de revoir ce regard plein de déception que lui avait adressé sa mère et son père lors de son annonce. Il pensait pourtant qu'ils seraient fières de lui et de son engagement.


- Tu as eu cette idée quand ? Lui demanda son frère calmement.


- J'ai... fais une rencontre, un homme..je ne pourrais jamais l'oublier. Il avait tout perdu à cause des sorciers, sa famille, sa cabane. Il n'avait plus rien, Al. J'ai besoin d'agir pour que nous puissions un jour vivre autrement. Pour moi survivre ce n'est pas vivre. J'ai envie d'agir pour sortir notre pays de ce cercle infernale. Tu n'as pas l'impression que l'étau se resserre. Chaque année, un village est détruit par ses monstres. Ils tuent même les enfants. Nous nous sentons protégés, car ce sont les camps prêts de la frontière les plus touchés. Mais un jour, la frontière va disparaître.


- Whoa, tu as bien préparé ton discours. Tu as des convictions, c'est bien. (il fit une pause avant de reprendre la parole d'un ton plus léger) - Je me doutais bien qu'on ne finirait pas aubergiste.


Phil s'arrêta une seconde pour regarder son frère avant de lui offrir un sourire en coin, complice.


- On ? Tu as l'air de t'épanouir dans ce travail. Tu n'es pas obligé de rester avec moi.


Al lui rendit son sourire même s'il laissait paraître autre chose, de l'inquiétude peut-être.


- Je m'y remettrai quand nos parents seront trop vieux. Pour le moment, je ne peux pas te laisser partir à l'aventure sans moi, tu ne survivras pas une seconde seul.


Phil ne répondit rien, divisé entre deux sentiments. Il souhaitait que son frère l'accompagne, bien entendu. Depuis toujours il redoutait le jour où leur chemin se séparerait. Il perdrait alors une partie de lui-même et retarder ce moment ne le dérangeait pas. Mais son frère malgré son agilité, son intelligence et sa capacité d'adaptation n'était pas fait pour être soldat. Il se voyait déjà fonder une famille, reprendre l'auberge de ses parents et y vivre sa vie en la faisant prospérer. Cela devait tout de même rester son choix. C'est pour cela qu'il ne dit rien.


- Attention, un ours n'est sûrement pas loin, fit remarquer le jeune homme en désignant le cadavre encore fraîchement dépecé d'un lapin, qu'ils croisèrent au détour d'un arbre. La pauvre bête n'avait pas eu de chance.


- C'est une lapine, elle a sûrement des bébés pas loin. Si nous les trouvons nous pourrons les garder jusqu'à maturité. Je suis sûr que les parents te pardonneront si tu leur ramènes un lot de viande gratuit.


Phil haussa les épaules, il se moquait bien de l'avis de ses parents. Sa décision était prise depuis longtemps. Il s'accroupit tout de même pour chercher une trace pouvant mener au terrier de cette lapine. Quand il se releva fièrement après avoir repéré un trou, il vit le regard terrifié de son frère.


- Phil...ne bouge pas, murmura-t-il en tentant de garder un ton calme. Il comprit aussitôt, il sentait une présence derrière lui. Un souffle chaud vint parcourir sa nuque. L'ours devait être à un mètre de son dos. Un coup de patte et il était mort.


- Tu ferais mieux de courir, déclara Phil d'une voix tout aussi posée. Il était hors de question qu'il laisse son frère se faire tuer par cet animal. Il sentait qu'il arriverait à s'en sortir seul.


Al haussa un sourcil montrant son désaccord avant d'attraper sa lame préféré. Il s'en servait pour chasser les petits animaux, mais il était un excellent tireur. Il devait simplement ajuster sa force.


- Ne fais pas l'idiot, cours... gromela son frère en posant sa main sur son arc de chasseur. Son jumeau ne l'écouta pas, ne le laissant même pas finir sa phrase, il lança sa lame avec puissance et précision. Phil ferma les yeux attendant le coup de griffe de l'ours, mais rien ne vient. Une seconde après, un grognement se fit entendre suivit d'un bruit de corps s'écroulant sur le sol. L'ours était mort, la lame avait atteint le milieu de sa tête le tuant sur le coup.


- Je t'avais dit que tu avais besoin de moi, regarde ce trophée ! On va être acclamé par les bergers, c'est certain ! Se réjouit Al sur le chemin sur retour.


Ils s'étaient partagés le poids du corps de leur gibier. L'un des deux garçons était ravi quant à l'autre il ne cachait pas sa mauvaise humeur.


- Je m'en serais sorti tout seul, idiot. Tu n'avais pas besoin d'intervenir.


Al leva les yeux au ciel, n'écoutant qu'à peine les marmonnement de son frère. Il savait qu'il l'avait sauvé, et qu'il recommencerait. Même si, Phil ne lui avoua jamais qu'il serait mort s'il n'avait pas été là.


- Phil, je ne remets pas ta parole en doute, mais je l'ai vu mourir sous mes yeux, dit Iris d'une voix douce ne souhaitant pas brusquer son partenaire. Il recula en plissant les yeux peu satisfait de sa réponse.


- Pas de corps, pas de preuve...Iris, s'il te plaît... je sais ce que tu penses. Mais si tu peux survivre à une crémation, pourquoi mon frère ne pourrait pas guérir de ses blessures aussi. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais il est vivant. Il faut que tu me fasses confiance.

Il la supplia du regard voyant l'hésitation et l'incompréhension déformer ses traits fins. Elle finit par fermer les yeux avant de pousser un soupir. Après ce qu'elle venait de vivre, plus rien ne pouvait l'étonner. Elle aurait souhaité croire que son ami était encore vivant, mais c'était bien trop douloureux pour elle de s'imposer cela. Cependant, elle voulait avoir confiance en Phil. Peut-être qu'elle pourrait l'aider à accepter la réalité en acceptant sa propre vérité.


- Quelle serait ta théorie alors ?

Le visage du jeune homme s'illumina. Il déposa un baiser sur sa bouche, la remerciant de croire en lui avant de l'inviter a s'asseoir sur le sol pour lui expliquer ce à quoi il ne cessait de penser depuis des jours.

- Je pense que mon frère a été ramené par les sorciers dans le camp 25. Ils l'ont soigné et ils ont sûrement fait de lui un de leur soldat humain. S'il était mort, ils auraient laissé son corps dans les bois. J'ai passé des heures à rechercher son corps pour lui offrir une sépulture digne de ce nom, mais je n'ai rien trouvé. Il est vivant.

Iris se rendit compte malgré elle que ce qu'il disait n'était pas si dingue que cela. Elle sentit même une émotion remuer ses entrailles, peut-être l'espoir. Ce qui était sûr, c'est qu'elle ferait tout pour aider Phil.

- Nous devons avancer pas à pas, dit-elle. Le camp 11 est notre prochaine destination peut-être que le sorcier pourra nous en apprendre plus. Il faut que tu en parles aux autres.

Il secoua aussitôt la tête, profondément, c'était bien la dernière chose qu'il avait envie de faire.


- Je ne pense pas... ils ne comprendront pas, tu es la seule.

Il baissa les yeux regardant ses doigts effleurer ceux de la jeune femme. Iris ne se sentait pas du tout à l'aise, il était si désespéré qu'il tentait de la séduire pour obtenir ce qu'il voulait. Elle sentit une angoisse serrer son ventre, ses doigts se réchauffèrent en une fraction de seconde trop tard pour qu'elle retire sa main. Phil grimaça en sentant sa peau brûlante. Il recula aussitôt en soufflant sur son doigt légèrement brûlé.

- Je... je pense que si, tu vas leur en parler, je te soutiendrais Phil. Ne me demande pas déjà de rompre ma promesse. Si tu ne leur en parles pas ils seront blessés.

Le chef d'équipe observa son doigt dont la peau avait déjà formé une cloque. Il recula encore d'un pas lançant un regard inquiet à sa partenaire.


- Tu es brûlante, Iris.

Il ne dit rien d'autre retournant dans le dortoir pour commencer son sac. Sa décision était prise, il allait venir pour obtenir des infos. Puis, il partirait. Iris ne le suivrait pas, il l'avait vu dans son regard. Peut-être qu'il n'en avait pas envie. Elle était dangereuse si elle ne contrôlait pas son pouvoir. Cela lui brisa le cœur en y songeant, mais il devait rester focalisé sur son objectif premier. Il devait retrouver et sauver son frère.

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