Chapitre 60

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- La particularité de mon peuple était que nous ne communiquions entre nous que par l'esprit. Nous étions un peuple extrêmement intelligent capable d'apprendre et d'évoluer rapidement. C'est ainsi que très vite le langage ne nous servit plus à rien, notre cerveau était tellement sollicité par ce que nous apprenions, que nous avions accès à de nouvelle capacité. Ainsi va l'évolution, mais ce qui était sûr, c'est qu'autrefois, nous étions humains. Mon frère et moi avons grandi sereinement comme tous les autres Smuainiche, entourés d'un père et d'une mère. Levoy a toujours eut de l'avance sur moi, malgré qu'il soit le plus jeune. Il savait lire et écrire à l'age de 1 an seulement, à 6 ans, il connaissait parfaitement tout le schéma corporel et commença à travailler sur le cerveau et notre façon de communiquer par la pensée. Avec le temps et les nouvelles générations, notre peuple avait acquis cette compétence sans se questionner, mais Leroy voulait savoir comment nous faisions, comment cela fonctionnait. Il a fait des recherches pendant 10 ans, je l'ai soutenu et secondé dans ses expériences. Un beau jour, il perça le secret de notre cerveau. J'ai tout de suite compris que ce qu'il avait découvert n'était pas sain, il savait comment se connecter à notre esprit et le manipuler à sa guise. Bien sûr, il promit de ne pas utiliser cette compétence, mais il ne la partagea pas non plus. Bien vite, il fut élu à la tête de notre peuple, nous ne saurons jamais si le peuple avait réellement décidé de l'élire ou s'il avait manqué à sa promesse. Pendant de longues années, notre peuple prospéra. Levoy n'avait qu'une seule idée en tête, le bien être été bonheur de la population. Cela aurait pu durer encore éternellement, si l'Univers n'en avait pas décidé autrement. Un jour, la terre de notre île commença à disparaître sous l'eau, plus les mois passés et plus l'eau prenait du terrain. Levoy décida alors de l'abandonner. Il était certain qu'une terre plus grande pourrait nous accueillir ailleurs. Alors nous sommes tous partis sauf quelques anciens préférant disparaître avec l'île. Nous posâmes les pieds sur le grand continent après de long mois de voyage. Nous pensions enfin pouvoir reconstruire notre vie sur cette nouvelle terre hors d'autres humains habités déjà les lieux. En échange d'une part de leur terre pour y construire notre village, Levoy proposa au chef du pays dans lequel nous avions accosté, de partager notre savoir avec son peuple. Nous tînmes parole, et toutes nos compétences en agriculture, en science, en médecine, en mécanique... furent partagé avec eux. Malheureusement, une guerre éclata entre notre pays d'accueil et un pays voisin. Cette guerre était le fruit de la jalousie. Nous fûmes très vite un fardeau pour ce pays rongé par la guerre, alors le chef tenta de négocier un départ de no habitants au front. Levoy refusa, nous étions depuis toujours des pacifiques. La guerre nous ne savions même pas ce que cela était avant de la vivre. Aucun des habitants ne savaient se battre. Le chef en avait bien conscience, il avait aussi conscience que si nous décidions de partager ailleurs notre savoir, il perdrait l'avantage. Alors il lança une attaque contre notre peuple, décimant ainsi plus de trois quarts de notre population. Nous fûmes chassés sur la côte, obligé de vivre reclus durant des années dans des grottes sous le niveau de la mer. Il ne restait de nos congénèrent seulement une centaine d'hommes et de femmes assoiffés et affamées. Notre châtiment dura vingt longues années, 20 ans durant lesquels nous ne vivions pas, nous survivions à l'abri des guerres et de la cruauté sévissant sur le continent. Durant ses années, je pris la gouvernance du peuple, Levoy ayant coupé tout contact avec nous. Il était présent physiquement, mais rongé par le désespoir, il ne communiqua plus pendant des années. En faite, il réfléchissait, mais intensément. Un soir, il vint me trouver, surexcité. Il me dit qu'il avait réussi, qu'il était entré en contact avec l'Univers. Je ne l'ai pas cru, mais il était tellement illuminé que je l'ai tout de même écouté. Il m'a expliqué qu'il allait tous nous sauver et nous permettre de vivre heureux à nouveau. Il allait nous venger et récupérer les terres que nous méritions. Je voyais tellement souffrir mon peuple que je l'ai laissé faire. Il était temps pour nous de renaître. Levoy convoqua le peuple, son discours était plaisant. Un nouveau départ, une nouvelle vie pour nous reconstruire, c'était ses promesses. Mais j'ai senti que cela n'allait pas être sans sacrifice. Nous avons...


Le sorcier arrêta de parler avant de poser une main sur son ventre en grimaçant de douleur. Evan fronça les sourcils agacés qu'il arrête son histoire, il n'avait pas envie d'en perdre une seule miette. Il était hors de question que ce monstre meurt avant d'avoir fini. Il voulut s'approcher pour le secouer, mais Iris s'était déjà agenouillée devant lui.


- Je ne prendrais pas le risque de te toucher, dit-elle en le regardant dans les yeux, elle essayait comme elle le pouvait de lui transmettre du courage. Les yeux entièrement noirs du sorcier s'animèrent, il sourit.


-Je sais, tu n'as jamais pris ce risque. Je peux continuer, ne t'inquiète pas pour moi.


Elle se sentit étrangement triste en l'entendant prononcer ces mots. Elle avait l'impression qu'elle n'en comprendrait jamais le sens, qu'elle ne pourrait pas tisser des liens avec ses souvenirs passés. Mais elle garda le silence, le laissant continué tout en restant proche de lui. Elle se sentait en confiance à ses côtés.


- Nous avons perdu l'âme de notre peuple ce jour-là. Levoy nous a tous changé. Il avait dans ses réflexions pu découvrir une puissance dangereuse. Il nous dit que c'était l'Univers lui-même, qui lui avait montré le chemin. Mais je doute que cette entité choisisse de fournir une puissance aussi destructrice à ses créations. Qu'elle en serait l'intérêt ?

Il n'empêche que nous l'avons fait. Notre petit peuple d'une cinquantaine d'individus, c'est réuni dans une dernière cérémonie pour recevoir ce fameux don de l'Univers. Notre seule motivation était de survivre. J'ai très peu de souvenir de cette cérémonie qui a entamé ce changement chez nous, je pense que Levoy y a veillé. Mais je me souviens mettre réveillée, sans aucune souffrance, la faim était un lointain souvenir et je me sentais si fort physiquement et mentalement. Nos cheveux blanchis par le manque de lumière étaient teintés d'un noir intense tout comme nos yeux. Seul notre peau gardé la couleur de trente années passées sous terre. Cette terre qui nous avait protégé, je pouvais la ressentir à travers mon corps tout entier, la sentir bouger sous mes doigts. Je pouvais aussi sentir l'humidité et l'eau s'en dégageant. Levoy nous avait offert la possibilité d'utiliser ce qu'avait créé de plus beau l'univers, les éléments de la nature. Tout le monde était joyeux, heureux de cette chance qui s'ouvrait à nous. J'ai redouté immédiatement cet engouement, et j'avais raison. Il annonçait un bain de sang. Levoy était le plus puissant d'entre nous, il avait cette force en lui que nous ressentions à chacun de ses pas. Notre peuple devant sa divinité, le suivit aveuglément. Il affirma que sa mission était de reconquérir nos terres pour y vivre en paix. Vous vous doutez bien qu'il ne s'est pas arrêté seulement à cet objectif. Cette puissance, qu'il avait en lui... il la déversa sur les humains. Il provoqua la longue nuit en un claquement de doigt, détruisant en quelques jours plus de la moitié de l'humanité. Tout le peuple le suivit, tuant chaque humain se trouvant sur son passage, il nous suffisait de les toucher ou d'user de nos pouvoirs. Je fus effrayé par cet ouragan qu'il avait déclenché. Cette tempête a rasé une part importante du continent. Les humains se sont réfugiés dans les forêts et les montagnes parce que le reste des terres ne furent bientôt plus que de grandes étendues désertiques, portant le poids d'une colère et d'une vengeance dévastatrice. Je dus convaincre, mon frère d'enfermer cette force à nouveau en lui. Il le fit, mais son regard n'était plus le même, il ne pouvait qu'avoir changé après avoir pris tant de vie. Mais sa cause était la nôtre, alors le peuple le suivit. Des humains survivants avaient commencé à construire un campement non loin de leur ancien pays ravagé. Ils ne nous reconnurent pas quand nous arrivâmes, c'était normal. Notre peuple avait été rayé de leur histoire et après 30 ans sous terre, nous n'étions plus dans les souvenirs de ces hommes. Je proposais à Levoy de les chasser sans violence, il allait accepter jusqu'à ce qu'un homme s'adresse à lui. " Êtes-vous responsable de ce fléau ? Êtes-vous les créatures des ténèbres, envoyés ici par l'Univers pour nous faire grandir avec ses épreuves ?" Mon frère lui a souri... je pense que c'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il ne serait plus comme avant, que rien ne pourrait redevenir normal pour nous. Il a souri, et lui a répondu : " C'est moi votre fléau et si l'Univers m'a envoyé, seule votre extermination ne l'intéresse. Courez pour survivre" Il a créé un monstre avec son pouvoir, cette brume noire et pourpre dont je n'ai jamais percé le secret. Le monstre a arraché la tête du pauvre homme avant de tuer son voisin. Levoy a condamné les humains à vivre caché, comme nous l'avons été. Mais cela ne lui suffit pas, il avait besoin de plus. Plus de vengeance ? De souffrance ? De pouvoir ? Je ne sais pas aujourd'hui ce qui l'anime. Mais il a lancé des assauts contre les humains, ne nous laissant aucun répit. En plusieurs siècles, nous avons pu construire notre pays, sauver notre peuple de l'extinction. Mais très vite, nous nous sommes rendus compte que nous ne vieillissons plus. Les enfants grandissaient, puis à l'âge adulte restait tel quel pendant des décennies. Le seul élément capable de nous tuer était le feu. Cette flamme que j'appréciais sentir réchauffer ma peau pouvait me tuer en une fraction de seconde. Je me rends compte après cent ans d'existence que la vie n'avait plus aucun goût, je ne ressentais rien, aucune émotion, aucune envie. La seule chose qui nous animé était la destruction des humains, mais nous avions perdu de vue notre objectif. Beaucoup de sorcier après des centaines d'années de vie prirent la décision de se tuer, enflammant eux même leur corps pour mourir. Levoy fut fou d'apprendre ces suicides, c'est ainsi qu'il rompit sa promesse. Il commença à s'aventurer dans l'esprit de notre peuple pour y insuffler.. Le.. Désir.. De..vengeance.

Je crois qu'il ne me reste pas suffisamment de temps... notre histoire est si longue et complexe.

Le sorcier observa Iris d'un air triste avant de lancer un regard vers le Capitaine. Pour la première fois, il s'adressait à lui directement.


- Vous devez savoir que le mal absolu n'existe pas tout comme le bien. Nous sommes tous des êtres capables de bienveillance ou inversement. Mon peuple, votre ennemi... cette guerre, cela n'est que la surface d'une immensité qui me dépasse. Levoy... il est le seul à en détenir les secrets. Un nouveau problème est venu s'abattre sur nous depuis quelques dizaines d'années..je viens de m'en souvenir. Il y a tant de chose que j'ai perdu avec mon libre arbitre... tant de chose que j'ignorais et que je comprends.


Evan s'approcha les yeux grands ouverts, il voulait en savoir plus. Il sentait le sorcier au bout de ses forces, mais il ne pouvait pas le laisser s'éteindre sans avoir pu finir son histoire.


- Iris... tu as été la raison de ma déchéance... mais ma plus belle rencontre. J'aimerai... t'en dire plus. Je sais que tu arriveras à te souvenir, quant à la fin de cette histoire tout est écrit dans un journal... mon ami le garde pour moi.

La jeune femme l'observa sans rien dire, elle était bouleversée par cette histoire, mais surtout par son agonie lente et douloureuse. Elle se risqua à poser une question. Ce n'était pas dans le but de le forcer à continuer, elle voulait l'accompagner dans son dernier soupire.


- Pourquoi je vous ai appelé Peter ?


Il lâcha un léger rire, avant de grimaces de douleur et de tendre sa main vers la jeune femme. Elle ne comprit pas pourquoi il tentait de la toucher alors elle recula instinctivement et entendit Sam lui ordonner de ne pas se laisser toucher.


- Elle ne craint rien jeune fille, je ne suis plus un danger pour personne... je souhaite juste mourir en tenant la main d'une personne de confiance.

Iris se laissa saisir la main. Il était gelé, ses membres tremblotants à chaque respiration. Il la tira vers lui pour murmure une dernière phrase à son oreille alors que sa main prenait feu petit à petit sous les doigts de la jeune femme.


- Peter dans le vieux langage des humains et un dérivé de parrain... père, c'est ce que j'ai tenté d'être pour toi... mais j'ai échoué. Pourtant, j'éprouve un immense plaisir en me nommant ainsi. Je sais que tu ne comprends pas ce que je te dis, mais sache que je te remercie.

Il tourna ses yeux vers le ciel, qu'il ne pouvait pas voir. Un soupir douloureux s'échappa de sa bouche en même temps que ses derniers mots.


- Quelle longue vie, je suis heureux de la quitter enfin. Si seulement mon frère pouvait comprendre à quel point mourir est nécessaire.


Ses yeux se fermèrent et sa main carbonisée retomba le long de son corps alors que l'officier bouleversée reculait pour observer le cœur serré, le corps du sorcier disparaître dans les flammes. Elle sentit une part d'elle-même, pleurer la mort de cette personne dont elle ignorait presque tout, mais c'était comme si elle avait perdu encore un ami. Des yeux se mouillèrent quand elle prit conscience de ce qu'il venait de se passer.


- Malgré les fils et les liens que nous tissons depuis des siècles, cette histoire montre et vient appuyer sur le fait que nous ne savons strictement rien. Nous avions jusqu'à présent un côté de l'histoire et cela nous a suffi pour faire la guerre durant des siècles. Nous ne savons rien... murmura-t-elle à genoux à côté du cadavre carbonisé dont il ne restait que quelques cendres. Elle posa sa main sur la trace qu'avait laissé la mort de Peter. Il avait partagé son histoire sans rien omettre sans se cacher derrière un embellissement. Il avait dit simplement sa vérité et elle était terrifiante. Si les sorciers n'étaient pas juste les monstres qu'ils affrontaient tous les jours, alors les humains avaient une part égale de culpabilité. Ils ne valaient pas mieux qu'eux. Elle lança un regard vers Evan tout aussi interloqué qu'elle. Phil, Louis et Sam observaient aussi la scène le regard emprunt de doutes et d'hésitation. Plus rien n'avait de sens, ils allaient devoir reconstruire leur représentation en incluant le fait que les sorciers étaient des humains comme eux, avec un pouvoir en plus. Cette histoire qui remontait à des siècles dans l'histoire venait montrer la cruauté toujours plus grande de l'humain. Tout cela semblait être un cercle vicieux. Iris se tourna vers son Capitaine.


- Que faisons-nous à présent ?

Il la regarda, les yeux ronds et vaguement surpris. Pour la première fois de sa vie, il ne savait ni quoi faire, ni quoi dire.

Note de Mel : Voici le dernier chapitre du tome 1 de cette histoire ! L'épilogue arrivera dans la semaine. J'ai hâte de continuer à écrire cette histoire même si je ne pense pas avoir beaucoup de temps pour le faire. J'ai tenu à séparer l'histoire en deux...je n'ai pas vraiment de raison je l'ai toujours imaginé comme ça. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez...vos hyptohèses pour la suite et si vous allez continuer à me lire ! Encore merci de lire cette histoire.

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