La décadence

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Loan, qui ne peut s'avouer à lui-même qu'il est gay, mais à qui le manque d'amour fait cruellement défaut tombe amoureux de chaque garçon qu'il croise — pour peu qu'il ait du charme ou alors une fragilité qu'il pense être le seul à déceler... Mais il ne va jamais plus loin... sauf dans ses rêves.

Mais la vie ne peut se résumer à un rêve! Ce n'est qu'une illusion, pas du vécu. Et lui, il a terriblement besoin de sentir la vie couler dans ses veines.

Il tombe alors amoureux d'une fille. Un garçon manqué. La grande soeur d'Alex.

Elle, elle lui trouve beaucoup de charme — mais il est bien trop jeune. Pourtant, elle lui permet de révéler au grand jour un sentiment, un besoin. Elle devient une passerelle. Mais, au fond de lui, Loan le sait : c’est Alex qui le comblerait vraiment.

Sa taille l’aide à faire illusion. Il paraît plus âgé, au moins quatre ans de plus. Alors, comme ses camarades de classe ne sont que des bourreaux, il lui arrive de traîner avec des plus grands.

Un jour, après une partie de gamelle avec eux, l’un d’eux, Simon, lui dit :

— Tu sais, je suis souvent seul à la maison. Passe quand tu veux.

— Ok, c’est gentil, je m’en rappellerai.

Loan range l’info dans un coin de sa tête. Il ne sait pas encore qu’il s’en servira très bientôt.

C’est une belle après-midi de printemps, un mercredi. Loan l'a passé avec Alex et Anne, sa sœur. En dehors du collège, Alex redevient un camarade, presque un ami. Loan en profite pour se livrer un peu :

— Je me sens souvent seul.

Anne, touchée, lui propose :

— Si tu peux sortir le soir, samedi, je vais garder la petite fille de tes profs de cathé. Rejoins-moi là-bas, une fois qu’ils seront partis, vers vingt heures.

— Je demanderai à mes parents. Vu que c’est avec toi, pour faire du baby-sitting chez les profs, ça devrait le faire.

Et comme il l’espérait, ses parents acceptent.

Le samedi venu, il part tôt. Trop tôt. Il est 18 h passées à peine. Sur le chemin, il repense à l’invitation de Simon. L’immeuble est juste en face. L’envie de tuer le temps… Et peut-être autre chose. Sans trop réfléchir, il y va.

Il sonne.

— Oui ?

— Simon t'es là ? C'est Loan, comme tu m’avais dit que je pouvais...

Brrrrt... Simon déclenche aussitôt l’ouverture du hall.

Loan grimpe les marches quatre à quatre, la boule au ventre. Il ne sait pas ce qu’il fait là. Mais il y va.

Simon lui ouvre. Il lui explique qu’il est seul, que ses parents sont partis pour une compétition sportive de sa petite sœur. Une gêne s’installe. Puis Simon propose :

— Mon père a une collection incroyable de liqueurs. Ça te dit de goûter ?

— Ouais, pourquoi pas...

Simon, dévissent les bouchons des mignonettes et des bouteilles, les unes après les autres. Il sert une larme de chaque.

Pas de bol. Loan trouve ça bon. Très bon. Il enchaîne les verres, sans vraiment compter. Des petites gorgées, mais cumulées, ça fait un bon verre à 40°. Très vite, les deux commencent à voir les meubles bouger. Ils rient. Loan ne saura jamais si Simon avait autre chose en tête. Il s’en va avant.

— Merci, pour la dégustation !

— De rien, à la prochaine, n'hésite pas !

Loan dévale les escaliers, trébuchant parfois et se retrouvant sur le cul.

Loan dévale les escaliers, trébuche, tombe sur le cul. Dehors, les immeubles tournent, se déforment. Il fixe ses pieds pour ne pas perdre l’équilibre. Suit une ligne sur le trottoir, comme un fil à ne pas rompre.

Il fait le tour du pâté de maisons. Vingt minutes à marcher en boucle sans se rendre compte qu’il a raté le moment de traverser. Il rebrousse chemin et alors il atteint sa destination.

Il est 20 h 30 quand il sonne. Anne répond :

— C’est bon, monte. Ils viennent juste de partir. Deuxième étage.

Loan attend l’ascenseur. Quand les portes s’ouvrent… il tombe nez à nez avec ses profs de cathé.

— Bonsoir Loan, tu vas bien ?

— Oui, oui, j’ai juste trop couru, dit-il en mettant une main devant la bouche pour masquer son haleine.

Ils ne posent pas de questions. Loan monte. Anne ne le reconnaît pas : il est guilleret, sourit trop, parle en chantant.

Ouf, il partent sans plus de questions. Loan pénètre dans la cabine et appuie sur le bouton 2Et.

Quand il arrive, Anne ne le reconnaît pas. Il est guilleret. Souris plus qu'à l'habitude et chante même au lieu de parler.

Il lui raconte son “aventure”, rigole, dit tout et n’importe quoi. Puis, soudain, les larmes montent.

— J’crois… que j’t’aime. Et que j’suis bourré.

Anne reste interdite.

— Dis pas n’importe quoi. J'te crois pas.

Alors, Loan, dans un geste de désespoir, prend sa cigarette encore allumée, tire dessus, et se l’écrase lentement sur le dos de la main.

L’odeur de chair brûlée est saisissante !

— Mais t’es malade ou quoi ? T’es complètement cinglé !

Elle l’attrape et l’emmène dans la salle de bain. Elle lui penche la tête dans la baignoire et ouvre l’eau froide.

Loan revient un peu à lui. Elle lui sèche la tête et ensemble, ils retournent au salon.. C'est le premier samedi du mois. Le fameux. Et ses profs de cathé ont canal +. 

Il en a souvent entendu parler mais n'en a jamais vu. 

— Anne… on regarde ? s’il te plaît…

— Non. Franchement, j’aime pas ça. C’est écœurant. Dégradant.

— Je dis plus rien. Promis. S'te plaît…

Il prend un air de chien battu. Elle cède.

Son premier films de boules. Il n'en oubliera jamais le nom : Diamond Baby. Une scène le marque à vie : un homme frappe une fille avec son sexe, aussi long qu’un bras. Loan est fasciné. Bouleversé. Il n'aurait jamais imaginé que cela puisse être si long !

Loan s'amuse du film et fait rire Anne par la candeur de ses réflexions.

Pas d’érection. Pas une seule.

L’alcool ? L’absence de scènes qui lui parlent ? Les deux, sûrement.

Ce jour-là, Loan a fait une découverte. L'alcool lui permet d'exister. Enfin... c'est ce qu'il croît.





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