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Paola*
Le soleil levant rougissait l’horizon, éclairait les proches montagnes. Ces coquettes s’habillaient d’automne, se paraient d’or et de roux. L'air, ce matin, embaumait le feu de bois, le champignon, le raisin et la châtaigne. Ça sentait l'été qui filait en pente douce, ça sentait les premiers frimas qui lentement arrivaient.
Une brise fraîche et guillerette montait de la rivière un peu plus bas. Elle caressait tendrement les courbes de mon corps et souffletait les petits poils de mes bras qui dansaient. J’aimais ces moments hors du temps où la ville dormait encore. Paisiblement, je me réveillais ainsi. Tous les jours, même lorsqu'il gelait à pierre fendre, je sortais sur le minuscule balcon de notre appartement, dans le plus simple appareil. J'en avais besoin. Je devenais un petit animal vivant qui se connectait à nouveau avec notre mère, la nature. Invariablement, le regard lubrique du premier passant me chassait de mon promontoire. Je filais alors sous la douche, laver cette souillure obscène.
Habillée, parfumée, je préparais le café. A l’odeur de ce doux breuvage Marcello, l’amour de ma vie sortait de son lit. Je le trouvais fatigué aujourd’hui, je lui demandais s’il avait bien dormi, il me répondait d’un air espiègle.
— Serata perfetta per fuoco e rum caldo al burro !
Un vers qu’il avait du lire quelque part, Marcello était un fin lettré; pour chaque moment de la journée, de l’existence, en toute occasion, il avait sa phrase. Oh ! Je n’étais pas dupe, cela lui permettait de ne jamais complètement livrer sa pensée. C’etait pourtant comme cela que je l’aimais.
Mais ce matin, son sourire ne brillait pas de mille feux comme d’habitude. Alors que j’insistais, il me prit la main et planta dans mon regard son œil de séducteur !
— Va bene ! va bene ! Mieux qu’hier et moins bien que demain !
Je lui ébouriffais les cheveux, je n’en tirerais rien de plus. Il était tout pour moi Mario. Il était mon père, mon frère, mon ami, mon amant, mon mari…
Alors que je n’avais que quinze ans, mes parents m’avaient laissée, avec un chagrin immense. Je voulais les rejoindre et j’y serais sans doute parvenu sans lui. Avec une patience infinie, il m’avait ramené de ce no man’s land qu’est la dépression morbide. L’amitié, puis l’amour tendresse, l’amour passion, étaient arrivés plus tard. Il avait trente ans de plus que moi, mais il était un ancrage dans ce monde, une boussole sur la mer de mes émotions, un sextant pour naviguer dans des eaux troubles, au-delà des apparences. Sans lui, je ne serais qu’une bouteille vide jetée dans l’océan , un SOS pathétique !
Dans un élan de pur bonheur, je l’embrassais, sa bouche avait le gout de l’arabica et de la brioche au beurre frais, sa barbe naissante me piquait. Il sentait l’homme, le mâle dominant, il posa ses immenses paluches rugueuses sur mes avant-bras, j’étais déjà transie. J’avais chaud, j’avais froid, du fin fond de mes tripes, une envie irrépressible montait ! Un tsunami de désir balayait tout sur son passage. Je portais une courte jupe tulipe, sans culotte dessous, je n’en supportais pas le contact, mes fesses étaient comme moi, elles aimaient vivres libres sans contraintes inutiles. Brutalement, à la hussarde, je tentais d'enfourcher mon bel italien !
Gentiment, il me repoussa. Si j'en étais frustrée, oui sans aucun doute, mais je m'appliquais à n'en rien montrer.
— Pas maintenant, mon amour, je ne suis pas trop en forme ce matin.
Puis, le naturel reprit le dessus, son ton contrit céda la place à un ton badin, comme si rien n'était jamais grave !
— Che va piano, va sano, ché va sano, va lontano !
À force d'insister... Ah ! si j'avais su ce jour là, sans doute n'aurais-je pas agi ainsi !
À force d'insister donc, j'arrivais à tirer quelques étincelles de mon bel étalon un peu sur le retour, mais que j'aimais à la folie. comme je le désirais si ardemment, il me fit l'amour.
j’écourtais les préliminaires. Je voulais du rapide, du brutal. J'aurais voulu qu'il soit plus percutant, je dus me satisfaire de ce qu'il m'offrit. Ne m'avait il pas dit qu'il n'était pas en forme ce matin ?
Il haletait comme un homme épuisé qui peinait à monter quatre étages alors que nous venions tout juste de commencer, je n'en avais cure ! Il me fallait ma dose de sexe journalière, il en était ainsi, depuis toujours, il avait toujours assouvi mes désirs.
Je le voyais bien qu'il faisait ce qu'il pouvait, le pauvre, pour me contenter. Mais ce n’était pas suffisant, peut-être etai-je trop exigente.
Avec force attention et pas mal de tendresse, trop à mon goût il arriva enfin. Enfin, j'aurais plutôt dit déjà, car je restais, un peu, beaucoup, sur ma faim. Il reprenait son souffle péniblement. Je n’aurais pas été contre une autre cavalcade, il rit en se dégageant.
— Tu es volcan, tu es lave et pouzzolanes, brulante comme l’Etna, explosive tel le Stromboli. Je me voudrais Capri, je ne suis plus que Pompéi, un champ de ruines que tu finiras par fuir.
Je n’étais pas d’accord avec lui ,naturellement, quelle femme le serait, je n'avais eu que très partiellement ce que je voulais aujourd'hui, et alors, était-ce suffisant pour jeter aux orties l'homme de ma vie ? Pourtant au fond de moi, même si je l'aimais encore comme une folle, je savais qu'il avait raison ! Cette pensée me fit mal, pour cacher une larme, je le bousculais et lui intima gentiment l’ordre de se préparer.
— Allez Marcello, tu dois aller au travail, tu ne peux pas partir avec une tache de café sur ta belle chemise blanche. Quel cochon tu fais ! Comment as-tu pu renverser ta tasse ?
Et c’est en riant que je l’accompagnais à la salle de bain. Moi aussi, je devais me préparer, mon mascara avait coulé, ma jupe poissait, je ne pouvais sortir ainsi !
Inutile de dire que j'avais encore à ce moment-là envie de croquer dans ses fesses bien fermes ! Mais nous n'étions pas sur les mêmes longueurs d'ondes ce jour-là, je m'astreignis à penser à autre chose pendant que je me débarbouillais en contemplant ce corps d'athlète. A presque soixante ans il n'avait pas un poil blanc sur son torse musculeux où se dessinaient encore de fort belles tablettes de chocolat . Malgré moi je me mis à chantonner in petto cette vieille chanson de Serge Réggiani qu'il sifflotait quelques fois !
— Elle est jolie, comment peut-il encore lui plaire. Elle au printemps, lui en hiver…
Je dus sortir de la salle de bain pour pouvoir finir de me préparer, je ne voulais pas qu'il voie cette larme furtive que je cachais à tout prix.
Sais-tu combien je t'aime Marcello ?
Pour me rassurer, je me récitai un mantra :
— Je t'aimerais toujours, je t'aimerais toujours, je t'aimerais toujours... mon amour !
* ce texte est en perpétuelle évolution, dans l'état, je n'en suis pas encore content... donc je cherche...
Les prénoms seront remplacés au fur et à mesure de mes corrections... Paola remplaçera Bianca... sûrement une héroïne ailleurs
idem pour Mario ( ça fait trop jeu Vidéo ou carricatural... bien que ce prénom doit exister pour de bon dans la vraie vie !) Je le remplaçerait par Marcello
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