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Claudio Luciano ( Claude Lucien)

Et ensuite, qu’allait-il se passer, je n'en avais pas la moindre idée, ma petite voix intérieure me disait, contente-toi de ce que tu as eu. Mais depuis quand écoutait-on les petites voix intérieures, depuis quand, la raison, l'emportait-elle sur la passion ?

Des sentiments contradictoires traversaient mon corps, je venais de passer un moment merveilleux avec une femme fantastique. Elle et moi, nous avions laissé nos corps parler. Ils en avaient bien eu besoin, autant le sien que le mien.

Son corps n'avait plus aucun secret pour moi à présent, j'en connaissais le moindre grain de beauté, le moindre recoin, la moindre imperfection. Il ne s'agissait là que de géographie corporelle, ce qu'elle était vraiment, je n'en savais foutrement rien. C’était une femme mariée, elle n'avait pas même fait l'effort d'ôter l’ alliance de sa main gauche. Qu’étais-je pour elle, une demi-journée d’embrasement, quelques heures de liberté ?

C'était bien moi, tout ça, dés le premier jour, dés les premières heures, j'étais déjà fou amoureux. N'avais-je pas déjà assez souffert ?

Mais était-ce vraiment de l’amour ?

Nous avions tout juste échangé dix mots au cours de l’après-midi, ce n’est vraiment qu’au moment de nous séparer que j’ai tenté maladroitement de nouer un dialogue autre que sensuel. Elle à fui alors, elle paraissait pressée de rentrer chez elle à ce moment-là. Pauvre idiot que j’ai été moi qui croyais que ce moment magique n’aurait pas de fin.


Alors que, mon corps enfin rassasié après une longue traversée du désert, j'aurais dû être rayonnant de bonheur, ces paroles ne me laissaient pas de repos. Pourtant, je le savais, n'en avais -je pas l'expérience, souvent la bouche d'une femme ne disait pas ce qu'elle pensait vraiment. Elle s'était donnée à moi avec tant de hargne qu'elle devait sûrement elle aussi dans son coin ruminer tout ça.

Le sommeil finalement me faucha en plein milieu de la nuit. Lorsque le réveil glapit, gémit, hurla à me vriller les tympans, je fus bien obligé de me lever, d'ailleurs je n'étais même pas couché, j'avais dormi là tous habillé sur un fauteuil inconfortablement installé. Ma toute première pensée fut pour elle, pensait-elle à moi elle aussi en ce moment ?

Rouillé, courbaturé la journée promettait d’être être longue. Alors que j'aurais dû commencer par prendre une bonne douche, me faire couler un café... j'errais sans but dans l'appartement, cherchant mon portable, essayant de l'allumer pour voir si elle ne m'avait pas laissé un message. Je trouvais mon appareil,gisant sous le canapé, éteint, d'ailleurs, où était donc le câble d'alimentation pour le recharger ?

Il était introuvable, j'eus beau réfléchir comme un forcené, mon esprit embrumé n'avait aucun souvenir de l'avoir vu récemment. Je passais tout mon temps, bêtement à le chercher comme si ma vie en dépendait, d'ailleurs, c'était le cas. La seule chose que je réussis à faire ce matin-là, ce fut de partir au travail, en retard, sans m'être ni lavé ni changé. L'estomac vide criait famine, je ne l’entendais pas, seules ses dernières caresses résonnaient encore en boucle dans mon corps.

Une sourde angoisse me tarauda : Si elle m’avait appelée, si elle avait cherché à me joindre, si elle voulait me voir à nouveau, si voyant que je ne répondais pas, elle s'en serait désolée et se serait méprise pour les sentiments que j' entretenais à son égard ?

Étais-je donc bête, ne m'avait-elle donc pas dit que nous ne devions plus nous revoir ?

C'est dans un état d'excitation et d’énervement extrême que je rentrais dans l'entreprise où une rude journée de travail m’attendait. J'avais bien entendu oublié mon badge, je dus héler une collègue pour qu'elle avertisse un supérieur que j'étais coincé à la réception. Vraiment, la journée commençait mal. Heureusement, ce fut Françoise, ma responsable qui vint me chercher, j'avais de la chance dans ma malchance elle m'avait à la bonne !

  • Tu n'auras qu'a m'inviter au restaurant ce soir pour te faire pardonner, Claudio belle gueule tête en l'air, me dit-elle avec un large sourire en me tenant galamment la porte d'entrée.

Elle m'accompagna jusqu'à l'ascenseur, je sentis son regard posé sur moi dans mon dos, se pouvait -il qu'elle me mâte, je pensais que seuls les hommes savaient faire ça, à priori, je me plantais.

Françoise, loin d'être moche, était divorcée depuis peu, le bruit courrait dans le service qu'elle était à la recherche de l'âme sœur.

Je trouvais enfin le chargeur dans le tiroir de bon bureau, c'était là que je l'avais oublié en fait. Fébrilement je branchais le portable. Il faudra que j'attende un moment pour consulter son menu, la batterie étant complètement déchargée, il refusait de s'allumer.

Je me consacrais enfin à mon travail. Me consacrer à ma tâche me fût salutaire, je ne pensais pas une seule fois de la matinée à la journée d'hier, Clélia-Louise de rénal, avait momentanément cessée de m'obséder.

Françoise par contre passa la matinée à me provoquer, exhibant tantôt le petit papillon rouge qui ornait son omoplate, tantôt son piercing au nombril elle enchaina poses suggestives et regards en coin. Elle me rappela également que je devais l'inviter ce soir, en rajoutant qu'elle adorait le chinois. Poliment, l’esprit ailleurs j'acquiesçais. Le savait-elle que je n’étais pas intéressé, que j’en avais une autre dans la peau ?

Nous avions le même âge, elle et moi, elle était de mars et mois de juillet, nous avions échangé la semaine dernière lors d'une soirée karaoké organisée par l'employeur, je n'avais pas remarqué sa sollicitude à ce moment-là. Je m'en rappelais maintenant elle avait constamment recherchée ma compagnie lors de cette soirée, c'est drôle, cela ne m'avait pas marqué outre mesure à ce moment-là.

Je ne sais si elle se contenta de ma réponse, à mon avis , elle fit semblant de s'en contenter. Je devrais rester sur mes gardes ce soir, si je ne voulais pas être en difficulté.

Momentanément, elle me ficha la paix, j'en profitais, maintenant que mon portable était rechargé, pour visiter ma messagerie. J'avais de nombreux mails et spams en attentes, aucun texto ne provenait de Paola , la mort dans l'âme, je pris le taureau par les cornes et décidait de lui en envoyer un !

J'hésitais entre un texte banal, passe-partout ou un truc plus intello, Stendahlien ! Il faudrait que je me soigne, je voyais de la Chartreuse de Parme partout autour de moi, même dans cet open space moderne et fonctionnel j'en voyais.

Prudemment, j'optais pour un texte banal, du style:

  • Tu vas bien ce matin ? On pourrait déjeuner ensemble ?

Aussitôt elle me répondit, mon coeur battit la chamade le temps que j'ouvre son SMS

  • On avait dit qu'on ne se reverrait pas il me semble, oublie-moi, c'est mieux pour tout le monde !

Avant de rajouter :

  • Ne m'écris plus, ne me téléphone pas, oublie ce numéro...

Sans que je m’en aperçoive, Françoise s'était approchée de moi, cette fille possédait soit un flair de limier, soit des ultrasons de chauve-souris. Depuis l'autre bout de la boite, elle avait capté qu'un truc ne tournait pas rond chez moi. Pile à l'instant où dépité, je posais mon téléphone de malheur sur mon bureau.

Elle me toucha l'épaule, surpris, je ne l'avais pas vue s'approcher, je sursautais, mes yeux devaient parler pour moi... Elle me dit, tout bas en me prenant une de mes mains dans la sienne, celle qui n'était pas posée sur mon épaule :

  • Tu veux qu'on en parle, tu veux prendre ton après-midi, tu as des heures à récupérer ?

D'une petite voix, toute petite, la gorge serrée, les larmes au bord des yeux, je voulus répondre un petit oui timide . Sans que je ne rajoute rien ni n'y consente, elle rajouta: :

  • si tu veux partir maintenant tu le peux, ferme ta session, il n'y a rien d'urgent sur ce dossier, au pire, un autre salarié, Mado ou Éric pourront l'ouvrir de leur bureau, file, va prendre l'air, tu as une tête de déterré .

Alors que je me levais, m'habillais et repoussais ma chaise de bureau, elle pressa mon épaule pour que je me retourne et la regarde et me lança, assez fort pour que j'entende, pas assez pour que les autres comprennent :

  • Ma présence, à moi aussi cet après-midi n'est pas indispensable, attend moi dans le hall de l'immeuble, je t'y rejoins dans un instant, tu me diras ce qui ne va pas, si tu le souhaites, je te prêterais mon épaule pour que tu puisses pleurer dessus tant que tu le désires .

Avant qu'elle ne s'éloigne, j'acquiesçais, sans un mot de plus, sans un autre regard, je sortis... Je n'étais plus moi même, je m'en fichais qu'elle sois là ou pas de toute façon.

Quand Françoise me rejoint un instant plus tard, j'étais installé sur un banc, dans un petit square à trois pâtés de maisons de la boite et je pleurais comme un enfant. Comme un chat elle se posa à côté de moi, doucement elle frôla mon épaule. Elle me laissa me vider de toutes les larmes qui habitaient mon corps depuis si longtemps, aussi longtemps que j'en eut besoin elle laissa mon chagrin fuir mon corps, sagement assise à mes côtés, silencieuse.

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