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Paola
Le soleil était levé depuis un moment, je paréssais sous les draps et les couvertures, dehors un soleil radieux éclairait le Vercors. Je n’avais pas le coeur de sortir sur le petit balcon ce matin, ni nue, ni en nuisette, ni même en pyjama. Je le voyais d’où j’étais, un liseré blanc recouvrait le sommet des montagnes, la premiére neige annonciatrice de l’hiver était tombée en avance cette année. Je n’avais pas besoin de sortir pour savoir que dehors, la température devait être fraîche. Même dans l’appartement je ressentais ce rafraîchissemment, même sous les draps et les couvertures, ça tombait bien, je n’avais aucune envie de me lever.
En me contorsionnant je réussit à atteindre la télécommande des rideaux automatiques, j’appuyais frénétiquement sur la flèche du bas, ça y était, ce fichu soleil arrogant et provocateur disparaissait de ma vue, dans la pénombre, c’etait là où je serais encore la mieux.
Je me tassais dans mon grand lit triste où j’avais dormie seule, cette nuit, pour la premiére fois depuis très longtemps. J’avais beau savoir qu’il n’y avait personne d’autre à mes cotés, mes pieds tiédes, cherchaient l’autre, avec insistance.
Alors je pensais à lui, je pensais à eux.
Hier, j’avais accompagnée mon mari à son premier rendez-vous à l’hopital, je haïssait déjà ce lieu froid lugubre austére. Un proffésseur nous avait reçu dans son minuscule cabinet, tout était petit chez lui, ses mains fines, presques féminines ses yeux tristes d’un gris bleu germanique, ses oreilles sans lobes, … Déjà, sans le connaître, je n’aimais pas cet homme, il m’avait paru distant, sur ses gardes. je m’en voulais d’avoir abandonnée Marcello à ses bons soins. Pourtant je me dois de l’avouer, il à tout tenté pour me paraître agréable, sans doute, dans d’autres circonstance j’aurais pû le trouver charmant.
Le sourire mécanique, les parôles doucereuses, mielleuses, tout sonnait faux, il avait même essayé un semblant d’humour. Alors que j’aurais dû me concentrer, écouter la moindre de ses paroles insignifiantes qui se voulaient rassurantes, mon esprit s’était enfui, mon coeur s’était contracté. A la fin de l’entretient quand le petit homme gris aux yeux trop bleus m’annonçat qu’il allait garder Marcello je ne réagis pas, sidérée. Je m’en suis voulue ensuite d’avoir réagis comme ça, comme une fille trop gatée à qui on retirait son jouet, mais je n’avais qu’une hâte alors, fuir, fuir le plus loin possible.
Tout juste si je pris le temps d’embrasser ensuite, sans chaleur, l’homme de ma vie, je lui en voulais, à lui aussi de m’abandonner pendant trois longues journées.
Groggy , j’avais marché, déambulée telle un automate plutot pendant de longues heures, sans buts, dans la ville d’abord, puis en montagne ensuite. Seule la marche ou la course à pied avaient se pouvoir là, vider la tête, occuper le corps.
Je me souviens, tout le discours de ce brave docteur me revint à l’esprit. A coeur vaillant, rien d’impossible avait il cru bon de rajouter, soyez confiante madame, je ferais l’impossible pour le guérrir avait il renchéri… Plus il en rajoutais, au plus profond de moi mon esprit fuyait… qu’avions nous fait pour mériter ça !
Je me remémorais alors, un vieux poéme, enfoui au plus profond de moi. Spleen de Charles Baudelaire ; ah ! les fleurs du mal, ça avait été longtemps un de mes livres de chevet dans mes tristes années d’adolescence :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits
Je verrais son corps changer, ses muscles fondre, il deviendras triste, aigri peut être, mais en serrant les dents il faudra que je sois forte, que je n’étale pas ma douleur, que je la cache. il m’avait soutenue pendant toutes les nuits noires de ma jeunesse, quand je pleurais mes chers parents trop tôt disparu, je lui devais bien ça.
Quand la terre est changée en un cachot humide
Où l’Espérance, comme une chauve-souris
s’en va battant les murs de son aile timide
en se cognant la tête à des plafonds pourris
Allez, assez lambiné au lit, il me faudrait m’activer un peu… même si je n’en ai pas envie, même si un chagrin muet ravage ma poitrine, une douleur sourde, pire qu’une rage de dent taraude ma volonté, il faudra faire contre mauvaise fortune bon coeur .
Fare buon viso a cattivo gioco, dirait Marcello !
Quand la pluie étalant ses immenses trainées
d’une vaste prison imite les barreaux
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux
Et allez, Baudelaire continue à chialer dans ma tête, j’ai bien peur qu’à me morfondre ainsi tout le receuil des fleurs du mal ne défile :
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
prennent des albatros, vastes oiseaux de mers,
qui suivent, indolents compagnons de voyage
Le navire glissant sur les gouffres amers
L’albatros, tiens, ces couplets sont moins tristes
A condition d’occulter les quatres strophes de la fin :
Le poéte est semblable au prince des nuées
qui hante la tempête et se rit de l’archer
exilé au sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher
Alors, bien malgrés moi,malgrés mon spleeen, telle un albatros tombé sur un bateau, moqué par les marins, je me lêve. sans déjeuner car la faim me fuit, je m'habille.
Enfin, je tente de le faire. Ce sweet canelle me rapelle cette journée à Florence, un tendre souvenir. Marcello avait une faim de loup ce jour là, nous venions de visiter le Pallazzo Vecchio... Il s'était taché en mangeant goulument un raghu de cinghiale, le vin rouge, ça ne pardonne pas, c'est peut être pire que la sauce bolognaise sur une chemise claire. Nous avions fait des emplêtes plus tard, il ne pouvait décemment pas rester comme celà, j'étais tombée sous le charme alors d'un petit haut brun, écorce de canelier.
Ce jean, nous l'avions acheté à San Rémo, ce pull, à Marseille, de retour d'un périple en Ligurie.
Le jean qui séchait sur l'étandage, un " Les temps des cerises", surtout pas, c'était celui que j'avais, celui que l'autre m'avait brusquement retiré... pourrais_je le remettre celui là !
En petite culotte, je le pliais, le rangeait dans un coin du placard, ainsi que ma veste trois quart commandant de marine, que je remisais sur un cintre. Ces vêtement, je m'en débarasserais, je les offrirais à Emaüs surement.
j'optais finalement pour un vieux velour informe et un pull en cachemire... ça me rappellais des souvenirs également, forcément, mais bon, il fallait bien que je tranches, il fallait bien que je mette quelque chose sur les fesses.
tiens, et si j'y allais aujourd'hui à la remise, confier ces vétements, ceux là et ce blouson qui était devenu trop petit, à mon mari.
Alors, sans que je m'y attende, le souvenir de cette aprés-midime sauta à la gorge, que fesait il, pensait il à moi en ce moment...j’essayais de chasser ces idées de ma tête, elles n’étaient pas convenables, pas concevables. Mais vous le savez comment ça fait, au plus vous les refoulez, au plus elles revenaient preignantes, vives. J’avais le souvenir de sa peau tant caressée… conservait il mes griffures dans le dos ?
Il avait été un amant fort convenable, fort convenable ? Non, le mot était faible, il avait mis le feu à tous mes sens ce jour là, je fermais les yeux pour oublier ce corps, me forçant à me focaliser sur le torse musculeux et bronzé , cousu de fils blancs, de mon mari, pauvre de lui, le ventre d'albatre de l’autre m’apparaissait alors,, telle une statue de marbre du collisé Romain.
Je laissais ces affaires là où elle étaient, j’ irais commencer l’inventaire du magasin, ça n’avait rien d’urgent, nous n’avions pas encore posté d’annonces pour le vendre, mais au moins, ça m’occuperait l’esprit.
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