13

7 minutes de lecture

Allessandra

Un petit vent frais courait dans les rues du centre historique , dés qu’il tombait un doigt de neige, dans le Vercors, en Chartreuse ou en Belledonne, l’hiver commencait. Le pire, viendra bientôt, quand les grenoblois commençerons à allumer leur chaudiéres ou leurs cheminées, l'air chaud s'echappant de toutes ces conduits, sera piégé par l'air froid de l'atmosphére, ce sera alors la soupe à la grimaçe tous les jours.

La ville sera triste alors, triste humide et froide, engoncée sous une épaisse couche de brume gluante et tenace qui bouchera tout horizon, façon Fogg londonien. Marcello disait dans ces mpoments là :

  • Il y a deux saisons à Grenoble, l’été lourd comme une chappe de plomb qui te tombe sur les reins et la mer de coton ( Mer de s'écrivant parfois en un seul mot), d’octobre à mars, entre les deux, c’est la pluie.

Moi, j’adorais la mer de nuage. Je prenais alors le bus des gamins qui partait dans la montagne, du Charmant Som, Du col de Porte ou du fort Saint Eynard, j’avais l’impression d’être au bord de la mer. Parfois la Bastille était sous l’eau également, ça donnait à l’agglo un petit air, vu d’en haut de fjord norvégien.

Une amie Sarcenaise m’avait dit une fois :

  • C’est le pied, notre petite vengeance d’habitants des piemonts sur les gens de la capitale de Alpes qui nous meprisent ; nous, le soleil en hiver, eux sous la purée de pois ils se les gélent.

Elle avait rajouté peu aprés :

  • ça te donne pas envie de déménager, viens vivre en montagne ma chérie, l’été les nuits sont fraiches et l’hiver on a du soleil… Regarde ça, tu n’as pas l’impréssion qu’un Drakkar viking va s’échouer sur le Rachais ou le Néron ?

Je lui avais répondue à l’époque :

  • Ta montagne, tu peux te la garder, elle est belle en passant mais pas pour y vivre, pour acheter un pain, un paquet de pâte ou un litre de lait, tu es obligée de prendre la voiture… et ta chaudiére fonctionne 9 mois sur 12 .

Et je ne lui avais pas parlé des joies de conduire sur sol enneigé et gelé… même si avec le changement climatique, la poudreuse se faisait rare et était remplaçée par une gadoue blanchâtre au début... Grise, couleur merde de chien ensuite .

Marcello, lui le massif qu’il préférait, ce n’était pas la Chartreuse, comme moi, mais la chaine de Belledonne ( qu’il prononçait à l’italienne Bélladonna ) et le Vercors, pour y faire de longues balades de ski de fond par temps de grand froid, comme au Canada, précisai t’il.

Mais aujourd’hui, ce premier froid humide est juste tristes, je ne suis pas assez couverte, je grelotte. Mais il est trop tot pour enfiler une doudoune fourré aux plumes d’oies, quand au trois quart commandant de marine, il vaut mieux que je l’oublie, ça me rappellerais les gestes déplacés avec ce bel inconnu, ce petit baiser au café qui nous avait conduit à l'irréparable, à un aprés midi de trahison. Je m'en veux tellement, je m'en veux, mais je ne regrette rien, c'était si bon, je m'étais sentie tellement femme, tellement désirée.

Ah, voila, c’est malin, en essayant de l’oublier, de le chasser de mon esprit, j’y pense à nouveau, j'ai encore le gout de sa langue de son palais, j’aurais bien besoin, là qu’il me prenne dans ses bras, qu’il m’insuffle un peu de sa chaleur, tiens, le seul fait de penser à lui me fait frissoner encore plus, mais le petit vent du nord n’y est pour rien ce coups ci.

Je me morigéne, quelle gourde je suis, mon mari, l’homme de ma vie est à l’hopital, il vient de commençer un long combat contre la bête qui le ronge et moi pauvre fille, sale garce que je suis, je pense à l’autre à ses mains qui l’autre jour me pétrissaient la poitrine, me labouraient les fesses, me griffaient les cuisses. Oui, je m'en veux et je ne regrette rien pourtant.

Immobile, Place du tribunal, sous la statue de Pierre de Terail , le chevalier Bayard sans peur et sans reproches, je me géle, je pleure, je ris. Fort heureusement pour moi et mon égo, la terrasse de la table ronde est vide, nul curieux n’est attablé a cette heure du jour. Nul passant non plus n’est témoin de tout ça, de ma démarche hésitante et saccadée de mon allure de folle. Je ne sais plus où je dois aller, j’erre perdue dans ce quartier que je connais pourtant si bien et qui n’a plus aucun secret pour moi depuis longtemps. J’aime ces pierres grises patinée par le temps et l’histoire, les façades saumon, rafraichies récemment de ces immeubles sans doute millénaires. C’est ici, dans ce vieux centre historique, qu’est née Grenoble du Temps des Allobroges Cularo d’abord, Gratianopolis ensuite, ma ville. J’avais pensé autrefois moi l’agrégée d’histoire ancienne et de littératture moderne, devenir guide conférenciére. Ça ne s’était pas fait, Marcello m’avait fait remarquer, à raison, qu’il gagnait sa vie correctement, que je n’avais nul besoin de me casser la tête.Il pourvoyais à tout mon prince charmant, une femme d’aujourd’hui n’aurais pas trouvé cela convenable, mais moi ça me convenait de me faire entretenir.

J’étais partie pour sans doute ouvrir le magasin de mon mari, la trattoria Milanaise, je m'en souviens maintenant. Il y vend surtout du fromage de la charcuterie et du vin, on vient de Lyon, d’Annecy et de Gap pour son Pécorino Romano , un fromage fascinant au goût unique et son Fiano di Avellino… un vin napolitain confidentiel au gout divin.

Mais laissons parler Marcellino il parle tellement bien de tout ça moitié avec ses mains, moitié avec les yeux :

  • Tu bois une gorgée de Fiano, c’est comme si le petit Jésus vient te caresser la gorge, alors pour l’accompagner tu prend une bouchée de Gorgonzola, une tranche de piancetta, et une petite olive de Lucque, ma pour le Pécorino, accompagné d’une goutte d’huile d’olive de Toscanne, il fait chanter les pâtes, c’est meilleur que le Parmiggianno, le Parmiggiano c’est un duc, le Pécorino, c’est un prince.

Celui qui entrait innocent dans son échoppe, pensant qu'il métrisait sa bourse sa consommation, sortait invariablement avec de grands sacs à la main . Comment ais-je fait pour garder un tour de taille convenable avec un tel gourmet ?

Je m’engoufre comme s’il s ‘agissait du salut de mon âme dans la collégiale Saint André, la plus vieille église de la ville. Que fais-je ici, moi quI ne crois plus ni en Dieux ni en diable depuis bien longtemps, Voila que j’amorce un signe de la croix, que je cherche fébrilement une piéce ou deux que j’achéte un ciérge…. Je m’agenouille à droite, sous une représentation de la Madonne, la maman du bon Dieu, et je me souviens :

  • Ave, o Maria, piena di grazia,

il Signore è con te.

Tu sei benedetta fra le donne e benedetto è il frutto del tuo seno,

Gesù. Santa Maria, Madre di Dio, prega per noi peccatori,

adesso e nell'ora della nostra morte. Amen

J’étais croyante autrefois, si mon pére était un mécréant, un communiste tout rouge, comme son ami, mon mari de maintenant, ma maman elle était une " mange bon dieu ". Je connaissais alors toutes les priéres, tous les cantiques, j’adorais l’ accompagner à la messe, on priait Maria, la Mama alors, à l'unisson. lorsque la quête arrivai j'étais heureuse de glisser dans la corbeille une poignée de piéce ou le billet que ma mére me tendait.

Quand elle est morte , as-t’elle rejoins son bon dieu, la haut?

J'ai céssée de croire.

Quand Papa l’a rejointe, quelques temps aprés, ça ne s'est pas arrangé, j'ai coupé tout contact avec ce la haut !

Mais aujourd’hui, j’éprouvais le besoin de renouer le contact avec le spirituel, peut-être, qui sait, qu'en savais-je, en haut lieu entendrait on mes priéres sûrement ?

Oh je le savais bien que mon Marcello était un diable rouge, un coco de satan, je priais pour lui cependant, pour sa guérison. Que deviendrais-je ici bas sans lui ? Je demandais à Dieu de me pardonner mes écarts, moi qui n'avais jamais péchée par la chair jusqu'à ce jour.

  • Ma, aurait ironisé Marcello, tou n'es pas mariée à la chiésa, tou es oune pécheresse, oune Marie-Madeleine.

Dieux comprendra ce qu'il faudra comprendre, pardonnera. Ma mére me répétait que s'il était si bon, le petit jésus c'était parceque sa mama était une santa , qu'il fallait toujours écouter les méres, qu'elles portaient toute la détresse du monde dans leur ventre.

Mon chagrin aprés ça était toujours tapi dans mon ame, mais je me sentais, mieux, soulagée d'avoir enfin fait la paix avec mon passé. Je me relevais, me signais à nouveau, au non du pére, du fils et du saint esprit et quittais ce sanctuaire, enfin apaisée.

Boire un espresso à l'angle de la rue me donna le courage de continuer, il fallait que j'occupe ma journée, que je sois utile. Bien mal me pris, lorsqu'aprés avoir bue ce doux breuvage, au moment de payer ma consommation je fis le tour de l'établissement avec les yeux, comme d'habitude, je tombais sur un couple d'amoureux qui, morts de faim, laissaient leur corps exulter. L'homme, le Roméo, n'était il pas mon Roméo ? celui qui m'avait comblé de plaisir dans cette chambre d'hotel morne l'autre jour. Mon corps en eut assez de toutes ces montagnes russes émotionnelles, il choisit de choir au sol, je ne pus qu'entendre la voix fluttée de la Julliétte s'inquietter de mon sort  avant de tourner de l'oeil :

  • Madame, madame, vous allez bien ?

* Aimez vous ce prénom Allessandra, mieux que Bianca ou Paola ? je n'ai toujours pas choisi !

Commentaires

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 13 versions.

Vous aimez lire Etienne Ycart ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0