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Claudio
Groggy, j'étais groggy, sonné, K.O debout !
Pourquoi n'aurais-je pas droit au bonheur moi aussi ? Mais, qui était le bonheur, Alessandra, celle qui m'entrainait dans un hotel borgne un jour et m'abandonnait quelques heures aprés le coeur battant, la bouche séche. Alessandra qui revenait dans ma vie comme un chien dans un jeu de quille alors que la partie était entamée depuis un bon moment . Alessandra encore, jouant l'endormie, pour trompant mon attention, m'entrainer chez elle, me manger des yeux et m'embrasser... pour me laisser partir une minute plus tard, pantelant, haletant, perdu, amoureux transi, quel idiot !
Mais quel baiser de cinéma ! un baiser à rendre fou ou amoureux, ce qui revenait au même. Elle savait jouer avec les sentiments la belle Clélia de Rénal ! une femme fatale de roman papier glacé voila ce qu'elle était, et moi, j'en étais fou amoureux, j'avais essayé de résister pourtant, pensant à Naëlle, à sa bouche cerise, ses yeux de velours et ses bras douceur. Pensant à Naëlle et son petit sourire aprés l'amour, à sa langue rose qui attrapais les miettes de vienoiseries sur la petite assiette en porcelaine et à son rire clair comme un ruisseau du printemps quand elle était heureuse, et avec moi elle l'était tout le temps. Naëlle qui s'endormait sur mon bras le soir, qui était venue récurer mon appartement de célibataire. Elle en avait eu du courage, plongeant ses douces mains blanches et fines dans le sale évier de ma cuisinne pour en retirer des verres ébréchés, des assiettes sales. Naëlle encore qui terminait mon travail le soir, baclant le sien au risque de se faire sermonner pour pouvoir se reposer enfin dans mes bras le soir sur mon canapé. Notre canapé, puisque c'était devenu notre appartement. En si peu de temps, elle était devenue essentielle, primordiale, irremplaçable.
Alors que je sortais des ruelles sombres du centre ville, que je traversais à pas de géant la passerelle Saint Laurent qui enjambais la riviére, je m'accoudais un instant sur la margelle du pont. En face de moi c'était magnifique, déjà un an que j'habitais ici, déjà un an que tous les jours à cet endroit je m'accoudais en pensant à Stendhal :
A chaque bout de rue, sa montagne.
En face de moi ,était le vercors, derriere aprés, le musée de peinture, les trois tours, Michallon était Belledonne et ses stations de sport d'hiver: Chamrousse l'olympique et les sept laux ( les sept lacs). Sur ma droite, juste aprés les derniéres maisons du quai des Allobroges, aprés la bastille sur laquelle grimpait un téléphérique iconique, s'étagait les premiers contreforts de la Chartreuse... étais -ce à cette Chartreuse que réva Henry Bayle en écrivant la chartreuse de Parmes ? la haut, dans les bois se cachent de merveilleux petits villages, Mont Saint Martin, Quaix, Proveysieux, Sarcenas, Le Sappey, plus loin encore, en dessus Saint Pierre, des moines fabriquent avec des plantes, un nectar. Qui vient à Grenoble et n'a jamais bu sa... Chartreuse, n'a rien bu, jaune ou verte, il faut la déguster avec modération.
Le petit vent frais de ce matin et les brumes cédaient la place à un grand soleil, la neige coté Vercors ne subsistait plus que sur le pic Saint Michel et les hauts du plateau de Gêve , et encore, plus pour longtemps. C'était comme ça, les prémisses de l'hiver et nous n'étions que mi octobre, il y avait encore le temps.
Je jetais un oeil à mon portable, non seulement j'étais trés en retard, mais en plus j'avais reçu déjà trois sms de Naëlle, elle devait s'inquieter, le savait elle que sans le savoir, sans s'en douter un instant, elle m'avait litérralement jetée dans la gueule du loup. Qu'allais-je faire ? non, pas maintenant, la je me dépéchais d'aller pointer au travail ou m'attendait ma chérie. Non, plus tard, quand Alessandra m'enverra un Sms, oh non, ce n'est pas la peine que j'y réfléchisse, je sais ce que je ferais, malgrés les risques, j'irais !
« Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, Mme de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette. Mme de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait l’arrivée du précepteur. Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. Il tressaillit quand une voix douce lui dit tout près de l’oreille :
— Que voulez-vous ici, mon enfant ? *
Ah, Alessandra, ta veste n'est pas de ratine violette, mais ta peau est soyeuse, tes joues fraiches, tes cuisses chaudes... j'aime t'entendre feuler lorsque tu plante tes griffes dans mon dos... je le sais qu'avec toi aprés les voluptées et les plaisirs du jardin d'eden viendront les larmes améres de l'enfer de Dante. J'ai tout à perdre entre tes draps, c'est avec bonheur que je le perdrais.
Alors que j'arrivais en vue de la C.M.C.S.T j'échafaudait mille et un pretexte, pour justifier la durée de mon retard, une grosse heure :
L'ambulance avait mis du temps à arriver ce pretexte semblait plausible. La dame allait mieux je l'avais raccompagné jusqu'a chez elle, non , je ne sentais pas cette réponse qui pourtant était la plus proche de la réalité. A force d'y réfléchir, j'avais la bonne excuse, enfin je pensais l'avoir... Nous avions attendus avec Mr Bernard que la dame aille mieux, quand je l'ai quittée elle pouvait marcher et elle a pris congé de nous, je n'avais pas vu l'heure filer. Et puis, surtout, ce n'est pas comme si on m'avai demandé de Jouer au bon samaritain.
C'était donc d'un pas alerte que je franchis le seuil de la boite, Naëlle m'y attendait les mains sur les hanches, un large sourire éclairait son visage, j'en fus soulagé. Le sourire était trompeur ou de façade, ou l'un ou l'autre, ou les deux a la fois, d'une voix mielleuse elle m'aborda
- Tu en as mis du temps, la direction voulait te coller un avertissement, c'était la deuxiéme fois ce mois ci que tu as un retard significatif, fort heureusement j'ai pu te couvrir, tu devras récupérer ton retard, mais tu t'en tirera à bon compte, tu devras m'inviter au restaurant ce soir.
Elle me regarda regagner ma place dans l'open space, elle me suivait des yeux, ses joues étaient rouges, son souffle paraissait court, elle me mangeat du regard une minute encore, avant de s'enfuir, pour se barricader dans son bureau.
Pour donner le change, je me jettais à corps perdu dans mon travail, enfin donna l'impréssion de le faire, je n'avais pas du tout la tête à ça pourtant .
L'une était blonde, l'autre chatain claire, l'une était mariée, l'autre pas, l'une avait les yeux noisette, l'autre les yeux vert d'eau. J'aurais été bien embêté d'avouer laquelle était la plus jolie car je n'en savais fichtrement rien. L'une embrassait comme si l'air aller lui manquer, comme si plongeant en eau profonde elle devait happer une derniére goulée d'oxigéne, l'autre mangeait la bouche comme s'il se fut agi d'une patisserie, elle caressait de la même façon, comme si j'étais un petit chou à la créme et qu'elle devait me dévorer.
Maintenant, alors que les fesses de Naëlle dansaient sous mes yeux...Que le petit papillon tatoué sur sa hanche semblait s'envoler à chaque rond de cuisse, je n'étais plus sûr de rien. Peut-être, sans doute même, devrais-je réfléchir à deux fois avant de faire une bétise.
Peut être sans doute, la nuit avec l'une valait la nuit avec l'autre
Mais je ne le savais que trop bien, lorsque le SMS de l'autre sera reçu, que mon coeur dansera la guigue... Que ferais-je ? qui choisirais-je ? dans quel lit irais-je ?
Le coeur a sa raison que la raison ignore
* Stendhal extrait du rouge et le noir ( la rencontre de Julien et de Louise )
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