18. Quand les derniers rayons de soleil éclairent les Trois Pucelles.

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Claudio

La journée de travail s'avéra fastidieusement longue, cerise sur le gateau, j'avais l'impréssion que Naëlle tirait la gueule. Nous n'avions pu débriffer encore l'épisode de ce matin, car j'avais récupéré l'heure de retard sur ma pause repas, je restais sur mes gardes, attendant avec circonspection le questionnement de ma partenaire qui forcément allait fuser . Dans cette attente, tendu comme une arbalette, le carreau enclanché dans la corde, je me préparais à défourailler comme un gueux sous ses attaques. Je lui rappelerais, s'il le fallait, que c'était elle qui m'avait jeté dans la gueule du loup, que tout était donc de sa faute.

Je m'appretais à fermer ma session lorsque cette derniére tomba sur mes genoux , littéralement, telle un boulet de canon, un typhon tropical, un cheval au galop. Le siége, un fauteuil de bureau, gémit, ployat crissa mais tint bon, il était de bonne constitution finalement. Non, je devais me tromper, elle n'avait pas du tout l'air de me battre à froid, ou alors, ce qui était fort probable, je ne maitrisais pas complétement la psychologie féminine. Pour l'instant, un baiser de cinéma, le second de la journée me clouat le bec, m'empêchant de respirer, alors que son corps me broyait la cage thoracyque. Et dire que ce matin je pensais que les deux femmes, elle et l'autre, n'embrassaient pas de la même façon, que le baiser derniére goulée d'air avant le grand plongeon dans le vide sidéral était l'apenage d'Alessandra... Avant que je ne meurre éttouffé, elle me laissa un peu respirer, avant de claironner, des trémolos dans la voix :

  • Mon amour, j'avais hâte de t'embrasser, tu me raconteras plus tard ta matinée, as tu des nouvelles de la femme de ce matin, va t'elle bien ?

Alors que je m'appretais à répondre, soulagé de ne devoir apparement pas me justifier auprés d'elle sur cette heure de retard car elle ne me posais pas la question. Je reprenais ma respiration avant qu'un second baiser, plus Naëllien celui-là, c'est à dire, que non seulement elle me coupait la respiration, la belle devait être apneïste, mais en plus elle m'aspirait les lêvres comme si j'étais le plat entrée dessert de la cantine et qu'elle jeunait depuis trois jours.

Puis, à brûle pourpoint, alors que je ne m'y attendait plus du tout, elle lança, l'air de rien :

  • C'est drôle, ce matin l'espace d'une seconde j'ai eu l'impression que tu la connaissait la fille qui s'est évanouie. Tu me l'aurait dit si tel avait été le cas. Non, ce n'était qu'une fugace impression n'est ce pas ? J'étais inquiéte ce matin, je ne sais pas trop de quoi mais j'étais inquiéte ! puis tu es revenu et mes angoisses ont disparues .

A nouveau, ne me laissant pas répondre, fort heureusement, et avant de m'embrasser encore, cette fois si plus posément, elle me dit :

  • Tu devras rentrer seul à la maison, j'ai du travail à faire, je suis un cadre, je te rapelle, nous nous ne comptons pas nos heures, ensuite et je n'en ai pas eu le choix, je dois diner avec la boss, elle veut parler stratégie... ne m'attend ni pour manger, ni pour dormir... on se rattrappera plus tard, tu ne dois pas t'inquietter pour ça.

Puis elle m'enlaçat, me regarda intensément, sans sourire et alors que je me préparais à retenir mon souffle, enticipant son prochain élan, elle se contenta de dire, le ton grave, solennel presque :

  • Oh, ce que je t'aimes, ça fait longtemps que je n'ai aimé comme celà, même mon ex mari que j'ai pourtant aimé au début de notre relation, je ne sais si je ne l'ai jamais aimé comme toi .

Et, sur cette derniére affirmation, elle se leva, me tourna le dos et s'éloigna dans un déhanchement exagéré, me lançant, sans se retourner :

  • Je t'aime, ne m'attend pas ! sans rien rajouter d'autre.

Aprés celà, les mains moites, le souffle court, le coeur battant , je dûs me gourmander pour ne pas la rejoindre, j'aurais pu la contraindre à faire des bêtises. Dire que ce matin j'ai failli... n'y pensons plus, ça ne s'est pas fait, ça ne devait pas se faire, ça ne se fera probablement pas .

le sourire aux lêvres, je me sentais le plus heureux des hommes, je quittais enfin cet open-space vide et froid maintenant que Naëlle avait quittée la piéce. La plus jolie des femmes m'aimais, etais-je conscient de mon bonheur ?

En sortant, je me jetais sur la premiére pizzeria venue et en commandait une à emporter, une Royale... jambon, fromage, olive, champignon... sans oeufs mais non sans piment. Cette soirée en solitaire, je ne la percevait pas seul au coin du feu dans mon appartement qui me semblerait vide sans celle qui, en si peu de temps, apportait tant de joies et de lumiére à ma triste vie . Je renouais ainsi, ponctuellement avec mes habitudes de célibataires, la pizza, je l'accompagnais d'une bierre et la mangeais telle quelle sur un banc, tout prés de l'isére.

Le soleil était bien bas, dans une heure environ, il se couchera, derriere le Moucherotte, dans le bras des trois pucelles. Je me souvenais l'avoir lu, à mon arrivée dans cette ville, l'histoire de ces rocher, sans doute est elle inventée, trop belle pour être honnéte, je vous la conte néamoins :

Un jour arriva du sud, un parti de Sarrasins, ils avaient fiére allure avec leurs turbans ornés d'escarboucles -J'ai vérifié, les Escarboucles, sont, des pierres fines comportants une variété de grenat rouge foncé d'un éclat très vif. L'escarboucle, la pierre portée par une vouivre- leurs casques damasquinés- Le damasquinage (de damaschino, mot italien dérivé de Damas) est une technique de décoration qui consiste à enchâsser un fil de cuivre, d' or ou d' argent sur une surface métallique, généralement en fer ou en acier- leurs cimeterres à poignée d'or, les chefs arabes éperonnérent leurs chevaux noirs jusque dans la vallée du Grésivaudan .

Sire de Naves, le seigneur du plateau de Saint Nizier et de tout le versant du Vercors qui regarde Grenoble, reçu ces braves guerriérs, se moqua d'eux et les renvoya. Ces derniers ivres de colére mirent la région à feu et à sang. Nave les mit en déroute, mais hélas, ils emportaient avec eux dans leur fuite un trésor inestimable, ses quatres filles, quatres pucelles - Nom qu'on donnait aux jeunes femmes à cette époque- Roland, le légendaire Roland-dés qu'il y avait des sarrasins dans un coin, il y avait Roland- Roland donc, rattrappa les infidéles et délivra les quatres pucelle.

Que se passa t'il, je vous le donne en mille, Les quatres aimérent Roland leur sauveur... Nave, dans sa grande générosité offrit au héros, la benjamine, entiérement sous le charme.

Le sauveur, étant déjà marié refusa, on ne badinait pas avec le mariage à cette époque

« A Dieu ne plaise, répondit le preux, qu’il soit dit en France que j’ai trahi l’amour de ma mie, la belle Aude ! »

et il s'enfuit!

Les quatres pucelles pleurérent des torrents de larmes, elles étaient inconsolables, alors qu'au lointain résonnait le son du cor comme un adieu... elles le pleurérent des jours, des mois, des années et dépérirent, tant et si bien qu'on ne les retrouva pas .

A la mort du pére, sire de Nave, sous la clarté lunaire, on apperçut se dresser au dessus de Saint- Nizier trois formes voilées, trois fantomes de pierre, mortes d'amour prisonniéres du roc cachant aux yeux de tous, la quatriéme, la plus jeune, celle qui, pauvre timide adolescente prise dans les bras de Roland gardait pieusement un immense espoir de bonheur, hélas contrarié. *

De mon banc révassant, j'admirais les beautés du Vercors alors que les derniers rayons de soleil carréssaient le blanc calcaire de cette citadéle de roc. Je restais asssis là, attendant l'ultime lumiére du dernier rayon de soleil. ça y était, la nuit enfin enveloppait la ville de son noir linceul, L'astre supréme était parti voyageant à l'ouest, dans un instant il réveillera la nouvelle Angleterre, la nouvelle France, il ne réveillera pas New-York cependant, la grosse pomme, disait-on, ne dormait jamais.

Alors que, remontant ma veste car il commençait à faire froid, pas froid, humide plutöt, mon téléphone dans ma poche, oublié, négligé, vibra. Ce devait être ma douce, ma tendre qui m'envoyait un mot d'amour, machinalement j'ouvrit le SMS....qui n'était pas du tout signé par ma mie.

  • Claudio, David, Fabrice , Julien

Le baiser de ce matin m'a laissée pantoise, réveuse...

c'était soit bien trop ou bien trop peu !

c'est pour cela que je te convie , ce soir à l'heure qu'il te sied,

pour comme dirait Johnny !

Allumer le feu !

ou plutot éteindre le miens !

Je t'en supplie, ne me dit pas non, je te promet que tu n'auras pas à le regretter !

Oui, j'ai vu, tu n'es pas seul, tu est superbement bien accompagné, mais ce n'est pas à un mariage

que je te convie, mais à une soirée coquine... voire plus... toute la nuit ou moins si tu as peur que ça fasse trop...

alors, que diable, de l'imagination, tu n'as qu'à dire qu'une vieille tante que tu n'as pas vu depuis trés longtemps se languit de toi et ne va pas bien... Allez, viens me prodiguer tes baisers de Belle au bois dormant

a tréés bientot ! Mmmmm !!!

Alessandra

Le portable me glissa des doigts, alors qu'il ya peu je jurais mes grands dieux de ne plus m'y laisser prendre, je me levais comme un zombie, comme Ullysse écoutant chanter Circé, comme Ullyssse encore attaché au mat subissant le chant des sirénes. Je savais où la belle habitait.

Conscient du danger, pas fier du tout, j'envoyais un SMS à Naëlle qui devait manger à cette heure avec la patronne, brave formi travaillant pour l'avenir, et moi pauvre cigale, s'en allant danser... j'irais crier famine quand l'hiver sera venu, je quémanderais des douceurs et des baisers, oh le mal ambouché que je suis !

  • Naëlle, à l'heure qu'il est, ne voulant pas me morfondre seul sans toi dans un triste appartement vide, je renoue temporairement avec de vieilles habitudes d'autrefois, je rode en ville, buvant une biere de la, admirant le reflet de la lune dans l'isére, écoutant la musique dans un pub... Je t'aime, tu es la plus belle chose qui me soit arrivé !

Je tremblais comme une feuille, secoué par une aigre bise, se pouvait il que je sois si ladre, jusqu'a quand... Que cherchais-je dans les froufrous d'une autre que Naëlle n'avait pas, je n'en savais rien, ce que je savais, c'était que j' irais, que demain je regretterai et que je me detestais. Mais comment pouvais-je refuser un SMS pareil, c'était mission impossible.

*Sous le signe des Dauphins, contes et légendes du Dauphiné, Paul Berret édition des régionalismes.

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