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Claudio
Assis sous l'auvent de la maisonette de plein pied, nous regardions la pluie continue, froide doucher les orangers, bientot la récolte allait commençer, c'était des Najanjas de table qu'on cultivait ici, de grosses oranges juteuses, douces et acidulées, des navelinas . J'avais lu que Navel venait de nombril, car une petite orange poussait à l'intérieur du fruit et créait une petite bosse à la base du mini ballon de rugby à l'ovale presque parfait. Moi, quand j'épluchais ces gros agrumes du soleil, juste avant de croquer les longues gousses juteuses et sucrées, je déchirais le bébé fruit à la base, à ras de l'écorce et recrachait la seconde peau jaune pale, puis, je laissais le jus couler dans ma gorge.
une nuée de mouches colonisait le mur sud de la bicoque, couvrant une partie du crépi. Ennervées, survoltées, sursautant au moindre courrant d'air elles attendaient impatiement qu'une porte une vitre s'ouvre, le pays des humains étaient leur Graal. Abrités de la pluie sous la faitiére sur le mur sud, bien a l'abri de l'eau, les mouches n'aimaient pas la pluie c'etait une donnée universelle tout le monde savait cela.
Tia Magdalena fut la premiére à ouvrir la bouche, moi je ne savais pas quoi dire et Naëlle se taisait, elle écoutait la pluie tomber m'avouera t'elle plus tard, mais étais-ce bien ça ?
- Ah ces mouches, elles avaient disparue autrefois en Octobre, presqu'en novembre, et il y en a de plus en plus, autrefois c'était les animaux qui emmenaient avec eux ces insectes, maintenant il n'y a plus d'animaux dans la région, il faut aller dans la montagne pour en voir, du coté de Caudiel en allant vers Terruel.
- Et il pleut souvent comme ça ? Je pensais que l'espagne était toujours ensoleillée, dis-je, juste pour parler.
je me sens un peu géné par cette vieille dame, tout de noir vétue qui ne parle que rarement mais qui semble manger des yeux mon amoureuse. Je me doute un peu qu'il doit pleuvoir quelques fois sinon le pays ressemblerait à un désert.
- Oui, tu as raison, il n'y a que peu de journées comme celà, où il pleut toute la journée, mais le climat change, le changement climatique nous l'observons ! Tu viens d'où mon petit, tu viens du Var, c'est Naëlle querida qui me l'a dit ! Je connais la France, le sais tu ? Le Var , le Gard, l'Héraut l'Aude est bourré d' Espagnols qui ont fui en 39 et ne sont jamais revenus, Le var ça ressemble un peu à ici, c'est sec comme chez nous l'été, et il pleut de moins en moins, mais quand il pleut... là c'est une pluie d'hiver, alors qu'il y a quinze jours il faisait encore une chaleur a crever, c'est à ne plus rien comprendre, elle t'a emmenée à Valencia déjà ? on y voit encore les dégats de la grande inondation de l'année derniére, surtout en banlieue, on avait jamais vu ça avant !
- Bon Tia Magda, on ne va pas parler du réchauffement climatique jusqu'à pas d'heures, à Grenoble il y a des cigales maintenant, et certaines années il y a des feux de forêt en Bretagne, tu imagines ? Rajoute Naëlle qui sort enfin de sa contemplation. Montre nous un peu les photos, tu as vécue à Douarnenez autrefois toi aussi, loin de l'Espagne, raconte à Claudio ce que vous étes allés y faire ? perdus, loin des vignes et des oliviers... car il y a des vignobles et de oliveraies ici, en allant à l'intérieur des terres. Tu connais la vigne Claudio, tu m'avais dit que ton pére fabricait du vin .
- Non, il ne le fabriquait pas, on dit vinifier d'abord, et puis, il emmenait le raisin à la coopérative agricole, il n'a jamais vinifié, mais j'aimerais comprendre ce que des espagnols faisaient en Bretagne, que je comprenne d'où vienne ce prénom de Naëlle, Naëlle Giméno, c'est pas courrant ça ! Elle m'a dit également que vous aviez encore de la famille dans les terres, du coté de Pavias, un tout petit village m'a telle dit.
- Et bien mes enfants, il est tant de sortir les albums... euh le bambinos, le premier qui laisse rentrer une mouche, je la lui fait manger.
C'est ainsi, que je vis, Naêlle bébé, Naëlle a l'école, Naêlle à l'université, Naêlle nourrissant les poules...Elle ne rougissait plus, elle rossissais de plaisir, elle s'était enfin détendue. Je parie que moi, a notre retour dans la capitale des Allobroges, j'aurais droit à un :
- ça c'est bien passé, c'était super, le test de Tia Magdalena est réussi haut la main, il manque deux trois bricoles et ce sera bon !
Mais moi, pendant que passaient les albums Bretagne, vacances à Castellon, dans le Var à Cavalaire... j'étais ailleurs, je ne pouvais pas m'empêcher d'être ailleurs. Les gorges du Verdon, le lac de Sainte Croix, Douarnenez et le chemin des douaniers, la costa Daurada, la costa Azahar, la méseta, Madrid, Valencia, je voyais les photos, m'enthousiasmais quand il fallait le faire, riait quand elles riaient, mais malgrés moi je pensais à l'autre, qui devait avoir retrouvée son mari à l'heure qu'il etait. Qu'avait elle de plus que n'avait pas Naëlle, rien !
Elle n'était pas plus jolie, je crois l'avoir déjà dit. Naëlle avait même des avantages, des seins superbes, plus gros, plus ibériques que sa concurrente doux comme deux pésségues*, Juteux comme des melocotons*. Ce n'était ni les cuisses ou les fesses que toutes deux portaient superbes.
Alors, qu'étais-ce, je ne sais pas, un petit rien sans doute. Ah si, je pense savoir... L'homme veut toujours avoir, ce qu'il ne peux possséder complétement. Naëlle me donnait déjà tout, je n'avais plus rien à espérer.
Bientôt viendra le temps de la recherche d'un appartement commun, le miens ne fera sans doute plus l'affaire, ensuite ce sera l'achat de meubles en commun, la fameuse armoire où deux étagéres me seront dévolues, deux pour moi, quatre pour elle. Les femmes ont toujours plus de fringues, c'est de notoriété publique. Le lit aussi, le canapé et la déco, la déco surtout, la femme est un petit animal d'intérieur... si l'homme doit pisser à tous les coins de rues pour marquer son territoire, la femme elle doit déposer ses férromones dans tous les coins de son appartement, sur les rideaux des fenêtres et de la douche, sur les vases de fleurs, sur les tapis d'entrée les sets de table, la petite horloge de porcelaine, achetés ensemble lors des premiéres vacances communes...
Ensuite viendra le désir d'enfant, un soir aprés une dispute, la premiére petite dispute de rien du tout, mais qui durera plus qu'il ne faut, pour terminer sur l'oreiller trés tendrement, par la petite phrase innocente :
- Et si on essayait sans le préservatif ? Je prend la pilule, ne t'inquiete pas !
A ce moment là, l'autre sait, que la prochaine question qui n'en sera pas une sera :
- Et si j'arretais de prendre la pilule ?...
Je regarde Naëlle, elle est heureuse, elle en a l'air. J'admire son nez fin, sa bouche rouge aux dent si blaches. j'aime quand elle souris, j'adore quand elle rit, je suis aux anges lorsque taquine elle me cherche, me provoque, me pousse dans mes retranchement et abuse de moi. J'adore ça. Et alors, ça ne me suffit pas ? Que pourrais-je demander de plus ? qu'elle ai des seins en or, des fesses de soie et un cul de diamant... Ma mére, que vient elle faire dans ma tête à ce moment précis, dirait :
- La plus belle fille du monde ne peux donner que ce qu'elle a, rien de plus !
Je sais que tout à l'heure quand nous seront seul elle s'offrira à moi, franche généreuse, sans retenues, elle me demandera si j'ai passé une bonne journée, si j'ai aimé le repas. Cette femme là, je le pressens sera toujours aux petits soins pour moi. alors pourquoi cette retenue ?
Trouverais-je mieux ailleurs, je n'en suis vraiment pas sûr !
A force de me poser des questions, de tourner autour du pot, elle arrive la réponse, sous forme de question bien entendu, mais c'est The Question, la question :
Suis-je amoureux ?
j'ignore alors le vide qui se creuse sous mes pieds... suis-je amoureux de l'autre, la revérais-je ? quitteras, quitterais-elle plutôt son mari pour moi ?
Je regarde Naëlle a nouveau, elle est belle, non pas belle, replendissante... Malgrés la Tia, je l'embrasse dans le coin du cou, juste dérriére l'oreille, je crois que le soir quand nous jouons, elle adore que je fasse ça, surtout quand mes doigts courrent ailleurs. Mais là, je la dérange, elle ne me repousse pas, oh non... Mais la Tia, génée détourne brievement la tête, je ne saurais si elle rougit, elle a la peau bien trop halé la vieille dame, mais elle bat des paupiéres et ricanne doucement et chantonne Carmen
l'amour est enfant de bohéme qui n'a jamais, jamais connu de loi...
J'ai peur, j'ai peur, comme jamais je n'ai eu peur, j'ai peur de me tromper, pourtant tous les signes sont là, Naëlle est la fille que le destin à prévu pour moi... L'autre, ce n'est qu'une ombre, une vision, un fantasme, un coup de vent, un orage d'été quand il fait trop chaud dans la journée.
L'Amour est un oiseau rebelle
que nul ne peut apprivoiser
et c'est bien en vain qu'on l'appelle
s'il lui convient de refuser
rien y fait menace ou priére
l'un parle bien, lautre se tait
et c'est l'autre que je préfére
il n'a rien dit, mais il me plait
*pêche en Provençal
* en Espagnol !
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