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Claudio
Angélo, le nez dans le vent, la tête dans le ciel traversait la rue. Il ne vit pas arriver le danger, une jolie fille qui le percuta de plein fouet... Cétait une jolie blonde aux joues roses qui plissait des yeux lorqu'elle admirait le soleil, au lieu de regarder la route. Mais...Naëlle n'est pas blonde, Alessandra non plus, qui est donc cette blonde le nez dans le vent ?
Une ex...?
Non, je ne pense pas, est elle née de mon esprit ?
Possible !
N'est ce pas la boulangére, la jolie boulangére et sa jolie frimousse qui a toujours un mot gentil le matin. Le fait-elle exprés de se baisser pour me montrer le début de sa jolie poitrine ?
Je ne le pense pas, ou alors pas consciement. Pourtant je l'ai surprise quelque fois à me faire un joli sourire en rossissant un peu. Le fait-elle à tous les clients ? Je n'en sais rien, toujours est il que...
Je dois me faire des films, sûrement.
Et pourtant qu'elle était belle...*
C'était la seule blonde que je voyais pour l'instant dans mon entourage, enfin, mon entourage, c'était vite dit. Et pourquoi pas la bouchére, la serveuse d'un bar où nous allions quelquefois avec ma chérie ou la passante dont le parapluie s'était fait retourner par un vent fou. Non, la passante, je m'en souvient avait les cheveux d'un roux pétant, une irlandaise m'étais-je dit à l'époque. Je m'en souviens, je l'avais aidée, chevalier servant desintéréssé, à traverser la rue, empétrée qu'elle était par son sac cabas qui s'était déchiré, comme un de ses bas, elle m'avait remercié d'un trés joli sourire.
Non, la seule blonde aux joues roses qui plissais les yeux quand elle regardait, non pas le soleil mais le néon de l'entrée de la boutique semblait être la boulangére, sophie si je m'en rapellais bien.
J'avais osé ce matin, je l'avais salué en lui disant :
- Bonjour, sophie, je voudrais deux baguettes . Avant de continuer en parlant de tout et de rien, de la pluie et du beau temps.
Il faudrait que je me fasse soigner, dés qu'une fille à mon goût me souriait, je me racontais des histoires. Et Naëlle, que devenait elle la dedans ?
Non, Naëlle était devenue bien trop importante à mes yeux. Je l'aimais. Je l'aimais, mais elle était de moins en moins présente, même quand elle était avec moi, assise à mes cotés. Même quand nous faisions l'amour, ou alors, c'était moi qui me racontais encore des histoires. J'étais le spécialiste du racontage d'histoires. Ce n'était pas pour rien que je m'étais adonné à l'écriture avec autant d'ardeur.
Ma jeune blonde aux joues rouges donc, plaisait à Angélo... Angélo ! Etais -ce le héros de Jean Giono, ce jeune Carbonari, colonel des hussards qui tuant un officier autrichien devait fuir en France ? Ma jeune blonde s'appelerait-elle donc Pauline ?
Oui, Je la verrais bien, la jolie boulangére en jeune noble voyageant auprés d'un jeune aventurier dont elle ne pourrait gouter le gout de ses lêvres. Non, ça ne colle pas, juliette Binoche, dans le Hussard sur le toit est plutot du genre brune. appétissante certes, aux joues rouges et à la peau claire, mais brune.
Non, tout ça ce n'est qu'invention d'auteur, cet Angélo, jeune italien, un peu timide n'est pas plus carbonari* que moi-même et cette jolie blonde qui le percuta de plein fouet n'est pas plus boulangére que de Théus.
J'avais lu ces textes de Jean Giono autrefois: Un Roi sans divertissement, Le joueur de carte, Le Grand troupeau, Que ma joie demeure, Un Hussard sur le toit, le chant du monde... j'aimais cette écriture Vivante et chantante, plus noire que celle de Marcel Pagnol avec qui il à tissé des liens trés forts, toujours proche de la nature, où l'homme a toute sa place cependant.
Je connais cette région qu'il décrit, séche mais jamais dépourvue d'eau, chaude, mais jamais brulée par le soleil, froide et venteuse l'hiver. L'eau, justement avec la Durance, le Verdon et tous les ruissseaux qui dévalent de la montagne aux alentours est centrale à son oeuvre. Jean Giono disait de la Durance: Ce n'est pas qu'elle est méchante, mais pour elle, le bien et le mal, c'est pareil. Le térritoire qu'il décrivait s'étend du haut Var, jusqu'aux confins du Dévoluy, du Triéves et du Vercors, tout prêt de Grenoble. Et ne me dites surtout pas que Giono était un écrivain régionaliste comme je l'ai entendu quelque fois ou je mordrais.
Il est vrai que Son oeuvre à largement été adaptée au cinéma par son compli ce Marcel Pagnol qui lui était le maïtre de la galéjade. Pagnol lui est un vrai régionaliste, pas Giono... Pourtant me diriez vous, Giono y était attaché à sa Provence. Et alors Georges Sand etait attachée à son Berry, Maupassant à sa Normandie et Connely à la Californie du sud, est ce que ça en fait des auteurs régionalistes ?
Aprés tout, je m'en fous, pensez ce que vous voulez !
Allez vous balader du coté du Contadour, mangez donc un de ces petits fromages de chévres enveloppés dans une feuille de chataignier*, Poussez jusqu'à Redortiers vieux village de pierre sêche abandonné sur les hauteurs, vous verriez comme la vie y fut dure autrefois. le cheval y était remplacé par le mulet les vieux y faisaient pousser de l'épeautre de l'orge, ils n'étaient pas gourmands et se contentaient de pas grand chose.
Je m'égare, j'y vois mal, ma blonde platine s'y user les mains à couper le lavandin avec une faucille sur cet aride plateau .
Angélo donc...
Le cul dans le ruisseau, et ce n'était la faute ni de Voltaire ni de rousseau, c'était taché ses beaux vétements. Sophie ( oui, c'est ça , Le prénom de sophie lui va comme un gant à ma blonde ), se releva et, un sourire au bord des lêvres, pour ne pas dire un fou-rire qui ne demandait qu'à sortir de son joli corsage, abandonna son vélo à terre et vint à la rescousse du pauvre passant malmené.
Comment Angélo va-t'il réagir ?
Est-ce qu'il va laisser la colére guider ses actes ? Non, je ne le pense pas, c'est un tendre cet Angélo, un sourire et il est déjà amoureux de ces yeux rieurs, de ce petit menton rapé dans l'accident et de ces jambes nues, qu'aucun bas ne cache, tachées par la chaine de vélo.
Est-ce réciproque ?
Dans mon imagination de romancier, ça l'est, mais il faut toujours se méfier de la premiére impréssion. Sophie est elle mariée, est-elle libre de ses actes et des battements de son coeur ?
J'entend des pas dans l'escalier, Je sauvegarde mon texte, ma chérie est là, je vais l'acceuillir comme il se doit, pendant qu'elle prendra sa douche, se changera... je lui concocterai un petit repas comme elle les aime. J'aime la voir manger de bon apétit, j'aime la voir rire et sourire même si c'est moins souvent en ce moment, j'aime voir ses jolis yeux pétiller de plaisir, ses mains déchirer le pain, couper les légumes et sa bouche gourmande aux dent de louve déchirer la viande cuite à point.
*Le petit pain au chocolat, Joe Dassin
*Carbonari(s), Révolutionnaire(s) italien du 19eme siécle , de tendance plutot anarchistes, ayant, pour certains aidés à l'unification de l'Italie.
*Il ne s'agirait pas d'un Banon au lait cru de chévre et AOP !

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