46 Bis
Alessandra
Je suis de retour à Parme. Parme la ville qui m'a vue grandir, Parme la ville qui à entendu mes rire de gosses mes pleurs d'adolescentes mes cris déchirants d'orpheline. Et maintenant à pas quarante ans, j'étais veuve. Non, ce n'est pas du Zola, c'est la vie, c'est ce qui arrive lorsqu'on épouse un homme rassurant et plus vieux que soi. Marcello, je ne te pardonnerais jamais ta dérobade, tu n'avais pas le droit de me quitter ainsi . Et moi, je fais quoi maintenant.
Quand les gendarmes ont toqués à ma porte pour m'apprendre ta forfaiture Je n'avais plus qu'une envie alors, me couler dans cette même eau, du haut de ce même pont que toi, mon Marcello et sombrer dans l'eau noire de ce Styx. Depuis, je fuis les ponts, si d'aventure je me dois de traverser une riviére, un fleuve, je me refuse de regarder ailleurs que droit devant, l'envie de sauter étant trop forte.
Que deviendrais Fabrizio alors ?
La lacheté m'est interdite, il n'a rien demandé, il n'a pas demandé de venir au monde, pour l'instant, il dort et ri aux anges, innocent, il ignore encore tout de cette boue qui nous entoure, de cette glaise qui se colle à nos pieds et nous force à marcher comme des palmipédes maladroits.
Je n'ai pas encore eu la force de réintégrer l'appartement familial Via Carlo Pisacane, les cartons empilés, les meubles en vracs attendent mon arrivée, peut être ne reviendrais-je jamais dans ces lieux, ma belle soeur m'a proposée de venir habiter chez elle, dans une ferme à quelques minutes du centre bourg de Brusseto. Je ne lui ai pas dit oui, je ne lui ai pas dit non, pour l'instant nous créchons, Fabrizio et moi dans une location airbnb, c'est un peu cher mais j'en ai les moyens.
comme tous les jours depuis que je suis ici, je dépose des fleurs sur la tombe de celui qui fût ma vie, parfois je pleure, parfois je ris, parfois je l'insulte :
- Tu n'avais pas le droit de partir, de nous laisser
La tombe de mes parents, quelques patés de tombes plus loin n'a jamais été aussi fleurie. J'enrichis les fleuriste de la ville en ce moment.
Je connais le chemin par coeur maintenant, à trente cinq ans je suis devenue une vieille femme attifée en corneille qui parle a un cube de béton .
Ne reste pas la à pleurer devant ma tombe, je n'y suis pas, je n'y dort pas... je suis le vent qui souffle dans les arbres. Je suis le scintillement du diamant sur la neige, Je suis la lumiére du soleil sur le grain mur, je suis la douce pluie d'automne... *
Le trajet retour quotidiénement est le même. Je descend du bus Ponte di mezzo et je termine à pied. je termine mes journées toujours de la même façon, je m'abime à la contemplation des nombreuses églises Parmigianas, tantôt c'est la cathédrale le Duomo, tantot Santa Maria della stecatta... aujourd'hui ce sera chiese della Santa Croce à deux pas du jardin ducal et je me souviens quand nous allions, avec maman prier la sainte viérge elle et moi.
- Prie pour tous ces mécréants, qu'ils n'aillent pas bruler en enfer, disait elle en parlant de papa et de Marcello qui se moquaient de nous.
Un jour je m'étais confiée à mon mari, je lui avait dit qu'enfant j'avais si peur de voir papa bruler en enfer, si peur qu'il soit séparé de sa femme, car elle irait au paradis à n'en point douter. Je lui ai confiée que dans mes priéres enfantines je l'oubliais lui, systématiquement, alors qu'on me demandait de prier aussi pour lui, ils étaient toujours fourrés ensemble mon pére et lui.
Il riait en m'ébourrifant les cheveux, je riais moi aussi avec lui, il avait rajouté alors :
- Le petit Jésus et Maria sa mére, c'est comme la Béfana ou Bebbo Natale, des contes pour enfants, des légendes, des bétises, la religion c'est l'opium du peuple disait Marx . Ton pére et ta mére je leur avait affublés de surnoms : Peppone et Don Camillo .
J'avais fait mine de m'en offusquer, mais ça m'avait fait rire cependant.
Puis soudain j'en eu marre de tout ça, mon chagrin était encore là vif profond mais je descidais de le surmonter, de ne plus hanter ni les églises ni le cimetiére et d'aller me vétir de façon convenable. La femme corbeau se révoltait, voulait vivre.
Agenouillée encore, je me levais un peu brusquement, marmonnais une vague priére et sortit. Du haut de son ciel auquel il n'avait jamais cru, Marcello souriait, je le voyais sourire, je sais que c'est ce qu'il voudrait, qu'il aurait voulu, pardon.
arrivée en tremblottant sur un pont, le ponte Guiseppe Verdi, il me semble, je fit l'effort de m'arreter au milieu de celui ci et de défier le Torrent Parma du regard
- Je n'ai plus peur de toi désormais, arrivais-je à murmurer tremblante.
D'un geste rageur je relevais le menton, je vivais tête baissée comme une pauvre vieille depuis quinze longs jours, il était temps de me relever. Un poing rageur dressé contre le ciel je beuglait alors :
- Tu as tué mon mari, tu ne m'a pas tué moi, nous sommes bien vivants Fabrizio et moi
Demain je retournerais au cimetiére, je dirais adieu à mon mari, je le laisserais partir, il n'est pas fait pour rester enfermé dans ce cube de béton où nous l'avons enfermés. Je sens le vent qui souffle sur ma peau, le soleil qui me caresse... dans les arbres des oiseaux chantent, je suis revenue dans le monde des vivants, mon coeur peut continuer de battre:
. je suis le vent qui souffle dans les arbres. Je suis le scintillement du diamant sur la neige, Je suis la lumiére du soleil sur le grain mur, je suis la douce pluie d'automne...
* Marie Elisabeth Frye

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