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Alessandra
Avais-je retrouvé le bonheur ?
C'était un peu tôt pour en parler, je riais un peu plus tous les jours, souriais aussi un peu, rire est plus facile que sourire. Pour rire, il suffit d'ouvrir la bouche, de fermer les yeux de pencher la tête en arriére et de se laisser aller, parfois ce sont des pleurs qui sortent, parfois des éclats de rire, parfois les deux emmélés.
Puis, par imitation Fabrizio riait aussi, avez-vous entendu un enfant rire ?
Son rire, comme un torrent, une cascade, une avalanche emportait tout sur son passsage, mon chagrin y compris et je riais avec lui. Au plus je riais, au plus il riait, c'était sans fin. Je riais alors jusqu'a en avoir mal au ventre, mal à la machoire, il parait qu'on peut mourir de trop rire. Il parait qu'on peut mourir de trop pleurer également. Alors je pleurais moins et je souriais plus souvent, à n'importe qui, n'importe quand.
Je souriais à la vieille dame, je souriais au postier, je souriais au ciel, au soleil, à la pluie et aux inconnus qui passaient dans la rue. Les inconnus me souriaient en retour, certains étaient... mignons, mais le temps d'aimer à nouveau n'étais pas encore venu. Je n'avais pas envie encore de sentir des mains caresser mon ventre, mon dos.
Les fleurs au cimetiére étaient fanées, je ne les remplaçait plus. Je n'avais plus besoin de me coucher sur cette tombe ou je m'étais tant apitoyée sur mon sort, Marcello n'était plus là de toute façon, il ne devait y avoir que sa carcasse, son âme avait dû s'envoler. Marcello était avec moi, jour et nuit, parfois il me parlait, comme ce matin où je buvais mon café bien trop doucement :
- Ma, m'aurait-il dit, tou bois le café comme oune française, tout doucement, tout doucement, comme si tou avais peur de brûler.
Je lui aurais passé la main dans les cheveux, sans doute lui aurais-je tiré la langue... seul le sourire de Fabrizio me répond, alors je lui souris en retour, cet enfant est un vrai bonheur.
Je suis restée six mois chez Antonia, j'en ai eu assez, j'ai arangée mon appartement, oui mon appartement, ce n'est plus celui de mes parents, je l'ai arrangée à ma façon; j'ai abattue des cloisons, changé peinture et tapisserie, acheté de nouveaux meubles, l'endroit est gai à nouveau, habitable.
J'ai trouvée du travail également, je traduis des livres, d'italien versu français et vice -versa, je donne la main a l'offici di informazione également.
Quand je leur ai dit que j'avais vécue quelques années à Grenoble, ils m'ont parlé de Stendhal en riant, je devais avoir entendu parler de cet écrivain.
j'ai menti, je leur ai répondu que je le connaissais trés mal. Et j'ai pensé à l'autre, à celui qui est sans doute le pére de mon fils. j'ai menti, je ne voulais pas que le passé me saute à la geule, je n'étais pas encore prête à ça.
Je me souvenais bien pourtant :
Il avait en main la derniére édition d'un célébre chef d'oeuvre de Stendhal, non pas le Rouge et le Noir mais la Chartreuse de Parme il criais haut et fort
-Non ce n'est pas le Rouge et le Noir le meilleurs livre de Stendhal...
J'ai eu la bétise de lui répondre, mais étais-ce vraiment de la bétise, quand je regarde mon fils, je ne pense pas.
- Ah oui, mais lequel est-ce ? lui avais-je répondu, je ne savais pas alors que je foutais mon doigt dans un engrenage où j'aurais pû passer toute entiére.
Il brandissait victorieusement l'exemplaire qu'il avait en main et cria, presque !
-Mais c'est la Chartreuse, la Chartreuse de Parme, le personnage de Fabrice est bien plus abouti que celui de Julien ! ne trouvez-vous pas ?
J'aurais dû fuir à ce moment là, mais je ne l'ai pas fait, je savais que j'étais cuite.
je ne me souviens plus du bar où nous sommes allés boire un café, par contre je me souviens bien de cette aprés midi à l'hotel, la premiére, il y en eu d'autres.
Un moment je fûs tentée d'aller me réfugier dans une église, à quoi bon, je sais que ces souvenirs reviendront me hanter à nouveau
En parlerais-je un jour à Fabrizio ?
Lui dirais-je qui est sans doute son pére ?
Pour moi, le pére de Fabrizio c'était Marcello, enfin , je m'en étais persuadée, faudrat-il un jour que je fasse un test de paternité, faudra t'il vraiment en arriver là ?
A chaque quart d’heure de la nuit qui suit la naissance des doutes, après un moment de malheur affreux, l’amant se dit : oui, elle m’aime ; et la cristallisation se tourne à découvrir de nouveaux charmes ; puis le doute à l’oeil hagard s’empare de lui et l’arrête en sursaut. Sa poitrine oublie de respirer ; il se dit : mais, est-ce qu’elle m’aime ? Au milieu de ces alternatives déchirantes et délicieuses, le pauvre amant sent vivement : elle me donnerait des plaisirs qu’elle seule au monde peut me donner.
C’est l’évidence de cette vérité, c’est ce chemin sur l’extrême bord d’un précipice affreux, et touchant de l’autre main le bonheur parfait, qui donne tant de supériorité à la seconde cristallisation sur la première*
Et moi, l'aimais-je ?
L'aimais-je toujours ?
Que ferais-je s'il était là ?
Et puis, j'ai pensé à l'autre, je me suis rapellée qu'il n'était pas seul, comment s'appelait elle déjà ?
Ce n'était pas important, il appartenait au passé, à un passé qui ne sera plus jamais, il appartient au passé comme Marcello et d'abord, Marcello est le pére de Fabrizio, Fabrizio n'aurat jamais qu'un pére. Fabrice, Julien, David, aussi bel amant qu'il fut, aussi bon amant qu'il fut appartient au passé
N'en parlons plus. Il me faudrat oublier.
* Stendhal, De l’Amour, Hypérion,

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