Alessandra

Ce matin au marché, j'ai eu droit à un vrai sourire, un vrai beau sourire . Il a les yeux noirs, mais d'un noir, une vrai belle gueule de bad boy, sûr de lui, sûr de son charme... C'est beaucoup trop tôt pour moi... et pourtant, j'ai accepté son invitation à boire un café.

Nous nous reverrons, j'en suis certaine.

Je ne me suis pas attardée, je suis encore endeuillée, même si je ne suis plus habillée de terne, comme autrefois les veuves. c'était trés codifié le veuvage dans le temps, le noir écrasait tout, le noir enveloppait tout, comme si on reprochait à la femme de ne pas être morte en même temps que son mari, comme si on lui reprochait d'y survivre.comme si on l'enterrais vivante.

De nos jours ce n'était pas pareil, mais le temps de l'ouverture aux autres n'était pas encore arrivé, c'était trop tôt... Et pourtant j' y serait encore restée à écouter yeux noirs essayer de me charmer, peut être aurais-je laissé trainer ma main qu'il aurait saisie, peut être pas. Je me suis contentée de remercier pôliment les yeux fixés sur le sol, de peur de rester scotchée à ces yeux sombres.

Mais pensais-je, ais-j'ai bien fait, les bads-boys sont de bons amants dit-on, mais de mauvais maris, de bien piétres péres. Sans doute, un jour je me laisserai glisser dans un lit, juste pour ressentir encore une fois la chaleur de la peau d'un autre, mais rien de plus, mon fils, c'est seule que je l'éléverai .

Marcello n'est plus, Marcello ne sera pas remplacé, jamais ?

Je n'en jurerais pas, mais qui peut être sûr de ça ?

On est jamais sûr de rien : Ne dit on pas fontaine je ne boirais pas de ton eau, quand cette phrase est prononcée, c'est souvent qu'on à déjà la bouche collée au jet d'eau. Il ne faut jurer de rien, c'est plus prudent.

J'avais laissé ce jour là Fabrizio à une nounou, une jeune femme avec qui j'avais sympatisée et en qui j'avais confiance, de toute façon je n'avais pas trop le choix, si je voulais travailler, il me fallait faire garder Fabrizio, et , il me restait quelques heures de libre.

Je redécouvrais Parme, ma ville natale que j'avais si vite fui, trop de fantômes vivaient ici, la vie venait de m'en en rajouter un. C'était comme ça, on ne peut fuir toute sa vie. Parme pour le commun du mortel est lié à Stendhal, mais Stendhal était un beau parleur, un français tout à fait charmant qui ne voyait dans Parme qu'un décors de théatre

Il y a bien une citadelle, construite par Alexandre Farnése, mais la ressemblance s'arette là. allez donc à Marseille, au bout du vieux port- où se dressait autrefois le pont transbordeu- part des petits bateaux qui traversent la rade et vont dans les iles, visitez donc le Chateau d'If, cherchez la céllule d'Edmond Dantés, le comte de Monté-christo, elle n'existe pas. Alexandre Dumas n'était ni un menteur ni un affabulateur, il racontait des histoires c'est tout.

Il en est de même pour Stendhal, la célébre tour ou a moisi Fabrice ressemble beaucoups plus au Chateau Saint Ange que j'ai visité récemment avec un Marcello encore vivant mais déjà un pied dans la tombe.

Mais laissons parler Fabrice qui rencontra le bonheur enfermé entre quatre murs, tombé amoureux de Clélia la belle geoliére :

Il courut aux fenêtres; la vue qu'on avait de ces fenêtres grillées était sublime : un seul petit coin de l'horison était caché, vers le nord -ouest, par le toit en galerie du joli palais du gouverneur, qui n'avait que deux étages ; le rez de chausséétait occoupé par les bureaux de l'état-major; et d'abord les yeux de Fabrice furent attiré vers une de ces fenêtre du deuxiéme étage, ou se trouvaient dans de jolies cages, une grande quantité d'oiseaux de toute sorte.*

C'est là qu'il imagine, ou bien le voit il pour de bon, la lune qui se lêve majestueusement à l'horison à droite au-dessus de la chaines des Alpes, vers Trévise, de l'autre coté de la botte. Comment peut il donc voir Le monte viso et l'arc alpin de Nice à Turin en passant par le Mont-Cenis

Sans songer autrement à son malheur, Fabrice fût ému et ravi par ce spectacle sublime.

• C'est donc dans ce monde ravissant que vit Clélia Conti !**

Stendhal, gai luron, s'il en est- mais les Romantiques n'étaient pas des comiques- Imagine son héros, epris de liberté, comme tout bon français qui se respecte, heureux d'être dans une prison- non pas un cul de basse fosse, un tombeau-mais une cellulequi s'ouvre sur l'horizon

Fabrice est un oiseau, enfermé dans ces cages qu'il apperçoit de sa fenêtres au deuxiéme étage. Cette histoire me fait penser à Marcello, il avait toujours au coin de la bouche une vieille chanson

Ma liberté, pourtant je t'ai quittée une nuit de décembre,
J'ai déserté les chemins écartés que nous suivions ensemble.
Lorsque sans me méfier les pieds et poings liés je me suis laissé faire,
Et je t'ai trahie pour une prison d'amour et sa belle geôlière.***

Que dire d'autre de Parme, qui est une fort belle ville au démeurant, que c'est la ville natale de Toscanini, qu'il y a de belles et grandes églises un peu partout dans la ville, comme dans n'importe qu'elle ville italiénne, remarquez,en France ce n'est pas mieux.

Ah oui, Parme est séparée en deux par la riviére Parma, qui ira se jeter dans le Pô

Comme capitale, il lui revenait un fleuve, mais comme Parme est une petite capitale, elle a reçue un torrent, souvent à sec****

attilio exagére, j'ai déjà vue le Parma en crue, c'était pas beau à voir, il est vrai, je l'ai vue à sec l'été parfois.

Je termine ma balade devant le Pallazzio Della Pillotta, vaste complexe qui abrite deux musées une Bibliothéque et un théathre

* et ** Stendhal, la chartreuse de Parme

*** Georges Moustaki, serge Réggiani, Ma liberté.

**** Attilio Bertolucci