Le bureau du professeur Rogue était aussi glacial que son ton de voix. De longues étagères recouvertes de bocaux contenant des ingrédients inquiétants tapissaient les murs. Une faible lumière verte émanait de fioles posées sur un coin du bureau.

Rogue ne leva même pas les yeux quand Drago entra.

— Asseyez-vous, Mr Malfoy, dit-il en traçant une ligne de potion sur un parchemin.

Drago s’exécuta, droit comme une baguette, les mains jointes entre ses genoux. Il inspira, puis expira, lentement.

— C’est à propos de Louise Potter.

Un silence. Rogue s’immobilisa une seconde.

Puis, d’un ton plat :

— Continuez.

— Elle… Elle n’est plus comme avant. Elle est distante, froide. Même avec moi. Elle… Elle s’enferme dans quelque chose. Et j’ai l’impression que ça empire.

Rogue leva enfin les yeux. Ses pupilles sombres se plantèrent dans celles du jeune Serpentard.

— Et que voulez-vous que je fasse, exactement ?

Drago soutint son regard.

— Je sais que vous vous souciez d’elle.

Un tressaillement presque imperceptible passa dans les traits du professeur.

— Vous croyez tout savoir, Mr Malfoy. Cela vous perdra.

— Elle a des visions, admit Drago à demi-voix. Elle entend des voix. Elle ne le dit à personne, mais je l’ai compris. Et ça la ronge.

Il se tut. Il avait rarement été aussi sincère.

Rogue resta silencieux un moment, puis se leva lentement, faisant le tour de son bureau.

— Ce que vous décrivez n’est pas inattendu.

Drago fronça les sourcils.

— Vous saviez que ça allait arriver ?

Rogue ne répondit pas tout de suite. Il marcha jusqu’à l’un des bocaux, regarda distraitement un œil de salamandre flotter dans une solution violacée, puis reprit :

— Louise a toujours été... différente. Exceptionnelle, même. Mais cette différence a un prix. Et il semblerait que ce prix commence à se manifester.

Drago se leva légèrement de sa chaise, le cœur battant.

— Vous parlez de quoi, exactement ?

Rogue le fixa avec intensité.

— Ce n’est pas à vous de le découvrir, Drago. Pas maintenant.

— Je veux l’aider. Je ferai ce qu’il faut.

Le regard de Rogue devint plus pénétrant encore.

— Et jusqu’où seriez-vous prêt à aller ?

Drago hésita, puis répondit sans détour :

— Aussi loin qu’il le faudra.

Un long silence s’installa. Rogue sembla peser cette réponse comme on jauge une potion instable.

Finalement, il reprit, plus bas :

— Gardez un œil sur elle. Ne la forcez pas à parler. Mais soyez là. Elle aura besoin de vous plus tôt que vous ne le pensez. Et si elle venait à faire… quelque chose d’étrange, ou d’inhabituel…

Il marqua une pause.

— Prévenez-moi. Immédiatement.

Drago acquiesça lentement.

— Est-ce qu’elle est en danger ?

Un très bref frémissement passa dans les traits fermés de Rogue. Puis il détourna le regard.

— Je vous dirai ceci : ce n’est pas toujours celui qui semble le plus fort… qui est le plus maître de lui-même.

Lorsque Drago quitta le bureau, son cœur était lourd, mais déterminé.

Il savait que quelque chose approchait.

Et il savait, plus que jamais, qu’il devait être là pour elle.

Coûte que coûte.