01 Les retrouvailles
Quelque part dans le nord de la France, dans un futur lointain.
6h30.
Jin Wu, la quarantaine, fixait l'écran de son bureau dans la pénombre matinale. Le planning des patients défilait sous ses yeux fatigués, une routine devenue aussi mécanique que les membres qu'il remplace quotidiennement. Son regard s'arrêta net sur un nom : Théo Garnier.
Sa main se crispa imperceptiblement sur sa tasse de café synthétique.
Remplacement de la cheville droite. 10h-11h.
Vingt ans. Cela fait vingt ans qu'il n'avait pas vu ce nom. Grâce à la puce directement connectée à son cortex cérébral, Jin envoya un message instantané à sa collègue Sofia, l'interface neuronale traduisant ses pensées en mots : “Salut, je ne serai probablement pas disponible à 11h pendant environ une heure.”
La réponse de Sofia s'afficha directement dans son champ de vision, superposée à la réalité comme un fantôme lumineux : “Salut Jin, pas de souci. Rien de grave, j'espère ?
- Normalement non. Je te raconterai.
Les opérations se déroulèrent comme prévu dans cette modeste clinique de quatre étages.
11 h. Un homme mince en costume trois pièces sortit de l’ascenseur de la clinique. Il avait un teint extrêmement pâle, mais, grâce aux avancées biotechnologiques, rien dans sa démarche ne laissait penser qu’il venait de subir un remplacement de cheville. Il s’approcha de la réceptionniste humanoïde et demanda à voir le Docteur Jin Wu.
La réceptionniste répondit : “Bien sûr. Qui dois-je annoncer ?
- Théo Garnier.”
La réceptionniste inclina la tête avec une précision robotique : “Le Docteur Wu va venir vous chercher. Veuillez patienter dans la salle d'attente.”
En marchant vers la salle indiquée, Théo laissa son regard balayer méthodiquement les murs du couloir, comme s'il pouvait voir à travers la matière. Une fois seul dans la salle d'attente vide, il se mit à tourner en rond, les yeux rivés au sol, analysant, calculant.
Non loin de là, Jin observait Théo sur un écran de surveillance. Son ancien ami n'a pas changé : toujours cette manie de tout scruter, de tout analyser. Il se leva de son bureau, le cœur battant d'une appréhension qu'il ne parvenait pas à définir.
Dans la salle d'attente, Théo s'était finalement assis près de la fenêtre. La lumière du soleil filtrait à travers les stores, créant des barres d'ombre sur son visage blême.
Jin entra, un sourire forcé aux lèvres : “Théo Garnier... ça fait combien de temps ?”
Le visage de Théo s'illumina d'un sourire qui semblait sincère : “Je dirais au moins vingt ans.”
Les deux hommes se serrèrent la main. La poigne de Théo était ferme, presque trop ferme.
- Allons dans mon bureau”, proposa Jin. “Ce sera mieux pour discuter.”
Ils traversèrent le couloir en silence, leurs pas résonnant dans l'air recyclé de la clinique.
Prochainement : découvrez la réponse de Jin à la proposition de Théo : rejoindre le plus grand groupe biotech du moment.
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