15 Le parfum
Une jeune femme, la trentaine passée, était assise dans le bureau de Nathan en face de lui.
- Non, non, Andrea, vous ne pouvez pas quitter Omni maintenant, dit Nathan d’un ton neutre.
- Je vois que les nouvelles vont vite, répondit Andrea.
- Ne me dites pas que c’est pour aller travailler chez AuraSun.
- Non n’ayez crainte, ce n’est pas cela.
- Puis-je vous demander pourquoi ? demanda Nathan curieux.
- Pour des raisons personnelles, répondit malicieusement Andrea.
- Pardonnez ma maladresse. Avant de prendre une telle décision, n’y a-t-il rien que je puisse faire pour vous faire changer d’avis ?
- Non, pas vraiment.
- Je savais que ce jour arriverait.
- Ah, vraiment ? demanda Andrea, curieuse.
- Il me semble que vous êtes une de ces rares personnes à être complètement qualifiées, dit Nathan en insistant sur le mot complètement.
Andrea fut choquée que Nathan eût cette information mais ne le montra pas. Elle savait que Nathan cherchait un levier de négociation, même si Nathan avait raison. En effet, en ces temps avancés, plusieurs pathologies, liées à l'usage continuel de produits chimiques dans l'industrie agro-alimentaire, avaient affecté la fertilité des humains, femme ou homme. Les changements de mœurs à travers les décennies n'avaient pas contribué au redressement du taux de natalité, conférant ainsi un statut privilégié aux êtres humains capables et désireux de procréer. Malgré la pénurie, un système de qualification avait été mis en place, rendant le renouvellement des générations élitiste, tant sur le plan intellectuel que physique. Andrea avait passé tous les filtres de ce système, auquel Omni avait largement contribué.
- En toute modestie, je ne pense pas être la seule à être compétente, tenta Andrea.
- Ma chère Andrea”, répondit Nathan en souriant, “vous savez exactement à quoi je fais référence. Sans chercher à faire de la psychologie de comptoir, je pense que vous traversez une période à vide, vous avez eu des bons résultats, sans toutefois remplir complètement la mission que je vous ai fixée.
Andrea ne dit rien, mais elle était de moins en moins à l’aise. Nathan continua : “Permettez-moi de vous renouveler la confiance que j’ai en vous. Vous êtes si proche de réussir, je pense que vous regretterez d’être partie si près du but. Vous êtes sur le point, non seulement d’apporter la plus grande innovation à l’humanité, mais aussi, par voie de conséquence, marquer l’histoire de votre nom.
- Il est vrai que les derniers résultats sont frustrants, répondit Andrea.
Elle pensa alors : Ne lui donne pas de levier Andrea, tu veux partir, et se reprend en ajoutant : “Mais veuillez bien me croire lorsque je vous dis que mes raisons personnelles sont bien réelles.
- Je vous crois sur parole ma chère Andrea. Tout ce que je vous demande c’est un peu plus de temps de votre part, car si pour vous il s’agit davantage de fierté personnelle ou de gloire, pour moi il est question de survie.
- Comment cela ? demanda Andrea surprise.
- Andrea, vous me connaissez depuis plusieurs années maintenant, vous avez vu mon apparence physique se dégrader jusqu’au stade actuel. Les médecins ne me donnent plus longtemps à vivre sauf remède miracle, expliqua Nathan.
Andrea fut choquée par la nouvelle et un silence peu plaisant s’installa. Nathan voyant le malaise grandir, transforma alors le moment négatif en opportunité et dit : “Donnez-moi cinq ans et vous ne le regretterez pas. Ma demande est très égoïste je le sais, mais ce n’est rien cinq ans en notre époque. Après quoi, je vous libérerai et vous pourrez pouponner tant que vous voudrez, lança Nathan de façon espiègle.
- Ce n’est pas qu’une question de materner, vu que vous abordez le sujet de façon aussi osée et franche. J’ai d’autres exigences et puis si j’apprécie votre confiance, il n’y a aucune certitude à trouver prochainement.
- Veuillez excuser mon côté direct, vous savez que j’ai du mal à tourner autour du pot. Je comprends votre scepticisme, et pour cela, j’ai recruté un des plus brillants neurochirurgiens du monde. À vous deux, je suis certain que vous y arriverez dans peu de temps.
Andrea, qui connaissait tous les neurochirurgiens qui comptaient, s’interrompit net dans ses pensées : “Le Docteur Wu rejoint Omni ? demanda Andrea à la fois surprise et intriguée par l’opportunité de travailler avec un des plus grands esprits mondiaux.
- Tout à fait, il est arrivé hier. Je l’ai installé à côté de votre laboratoire. Peut-être que vous pourrez faire une pierre deux coups, sans mauvais jeu de mots.
Andrea sembla alors gênée par la remarque de Nathan et celui-ci ajouta : “Je vais être transparent avec vous : Docteur Wu est arrivé hier mais rien ne dit qu’il soit enclin à rester. Il n’est pas convaincu du bien-fondé des actions d’Omni, aussi je compte sur vous pour tout faire pour m’aider à le convaincre.
Andrea reconnaissait le côté jusqu’au-boutiste de Nathan mais se retint pour voir ce que Nathan entend par là. Elle demanda :
- Qu’entendez-vous par tout faire ?
- Vous avez carte blanche.
- Monsieur Jackson, les scientifiques ne sont pas des êtres humains qui tombent amoureux face à la première venue.
- Vous avez raison Andrea, mais ils restent des êtres humains, sensibles à certaines phéromones bien choisies.
En même temps que Nathan prononça ces mots, il ouvrit le tiroir de son bureau et sortit un flacon de parfum. Il le posa devant Andrea qui fixa du regard la jolie bouteille et dit : “Quelque chose pour vous aider à séduire le Docteur Wu, plus longtemps il restera, meilleures seront nos chances de succès.
Un mélange de colère et de honte envahit Andrea qui continuait de regarder le flacon sans le prendre. Elle se sentit rabaissée au rôle d’escort girl de luxe et finit par dire : “Je dois y réfléchir, je souhaitais quitter la Plaine demain soir.
- Je comprends, dit Nathan. “Réfléchissez-y, je vous demande seulement 5 ans, peut-être moins. Et si le flacon ne fonctionne pas, vous aurez quand même appris des choses à travailler avec quelqu’un comme le Docteur Wu.
- Merci pour votre temps Monsieur Jackson.
Andrea se leva en prenant le flacon à contre-cœur et sortit du bureau.
À peine sortie, Andrea resta figée devant la porte en observant le flacon. Elle s’apprêta à injurier Nathan à haute voix en disant : Pauvre… puis se retint par crainte d’être entendue. Elle hésita à ce stade à jeter le flacon directement à la poubelle. Elle se dit qu’elle ne l’utiliserait jamais. Elle n’était pas certaine de le croire. Elle finit par le mettre dans sa poche et s’en aller.
De l’autre côté de la porte, Julios sortit de la pièce voisine : “Dois-je intervenir ? demanda Julios.
- Pas encore, dit Nathan. “Elle doit se sentir insultée à ce stade, mais ça va redescendre. Mais suis la situation de près.
- Bien compris, répondit Julios.
Prochainement : Sinesol semblait déserte. Jusqu'à ce qu'une voix inconnue s'adresse à Xiao et Mei.
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