17 Confession interdite
Appuyé contre un meuble de l'espace détente du centre R&D des interfaces Cerveau-Machine, Jin tenait une tasse de café fumante. Son regard restait accroché à un point flou, ailleurs. Il se demandait ce qu'il faisait là, dans l'antre d'une entreprise dont il exécrait les valeurs profondes. Il pensait à Xiao et Mei : avaient-elles déjà reçu son dernier message ? Il tenta d'initier une connexion par puce neuronale avec Sofia, mais l'établissement échoua, sans doute à cause des profondeurs.
Il porta la tasse à ses lèvres, en but une gorgée, puis resta fixé sur la céramique chaude. Il n'entendait pas les pas qui s'approchaient.
- Docteur Wu ? La voix féminine le tira de ses pensées. Il leva les yeux vers une femme blonde au sourire ouvert. Son visage resta fermé. Il s'étonna qu'une personne au physique irréel évoluait dans ce laboratoire austère.
- Oui ? dit-il, la mâchoire à peine détendue.
- Je suis la professeure Olsson.
- Oh.
Jin relâcha légèrement les traits, sans pour autant sourire.
- C’est un honneur de faire votre connaissance, ajouta Andrea en lui tendant la main.
- Enchanté. J’ai beaucoup entendu parler de vous.
Andrea rougit légèrement. Elle ne pensait pas que ses travaux en biotechnologie soient suffisamment visibles pour attirer l’attention. Pire, elle se souvint de certaines discussions douteuses, voire graveleuses, entre collègues. Jin poursuivit : “J’ai trouvé votre dernier papier sur le connectome très intéressant. Il m’a fait envisager des pistes auxquelles je n’aurais pas pensé spontanément.
Andrea resta un instant sans voix. Elle qui croyait Jin simplement poli, au vu de son expression fermée, fut surprise touchée par la remarque.
- Merci beaucoup, Docteur. Je ne pensais pas que ce papier serait lu.
- Je vous en prie. Et on peut se tutoyer, si tu es d’accord.
- Bien sûr, Docteur.
- Appelle-moi Jin, s’il te plaît, dit-il, avec un mince sourire en coin.
- Très bien. Moi c’est Andrea.
Le ton resta professionnel, mais le contact passa. Andrea enchaîna : “Tu es arrivé hier, c’est bien ça ?
- Oui. L’arrivée a été un peu chaotique, mais maintenant je suis prêt à travailler.
- Chaotique ? À quel point ?
- J’ai perdu connaissance à un moment donné. Je ne me souviens pas comment je suis arrivé à mon bureau. Apparemment, c’est lié aux profondeurs.
- Ah. Intéressant.
- Tu n’as pas eu ce genre de réaction à ton arrivée ?
- Non, pas que je sache. Mais… ça va maintenant ?
- Oui, oui. Très bien.
La réponse d’Andrea ne fit qu’accentuer l’étrangeté que Jin ressentait depuis son arrivée à la Plaine. Il ignorait encore que sa perte de conscience était liée à l’implant que Nathan avait fait poser dans son dos, et que tout était enregistré.
- Je te laisse prendre tes marques, dit Andrea. “On peut faire un point demain, si tu veux. Surtout si tu as des questions sur le centre.
- Demain… je pensais rentrer à la surface.
- Tu as gardé un point d’ancrage là-haut ?
- Oui. C’est là que se trouve la clinique que mon épouse et moi avons fondée.
- Tu es marié ?
La question lui échappa. Jin hocha simplement la tête, sans commentaire.
- Et… la vie à la surface, ça se passe comment ? demanda-t-elle, en masquant sa déception, ou plutôt la petite trahison de Nathan, qui a omis ce détail.
- Ça fait combien de temps que tu n’es pas remontée ?
- Environ dix ans.
Intrigué, Jin remarqua qu’elle n’a pas perdu ses couleurs, contrairement à Théo.
- C’est de plus en plus difficile, dit-il. “Le fossé entre oligarques et populations s’est encore creusé depuis les dernières révolutions. Mais certaines initiatives émergent, pour tenter de vivre autrement, à l’écart de cette course effrénée. Et puis l’air y est meilleur.
Les propos de Jin renforcent l’image qu’Andrea se faisait de lui. Elle le savait compétent, elle le découvrit engagé. Peut-être que Nathan avait raison. Mais ce n’est pas le moment pour séduire. D’ailleurs, elle n’avait pas mis le parfum qu’il lui avait donné.
- Une dernière question : tu sais où se trouve ton bureau ?, demande Andrea
- On m’a installé dans celui du professeur parti. Juste à côté du tien, je crois.
- Le professeur parti ? Tu parles de Nasir Badaoui?
- Oui… c’est ce qu’on m’a dit.
- Ah je ne devrais peut-être pas te le dire, dit Andrea, hésitante. Elle marque une pause, mais finit par ajouter : “Bon, tu l’aurais appris tôt ou tard. Il n’est pas parti. Ils l’ont interné. En bas. Dans les sous-sols du centre.
Jin, déjà surpris que Théo eut éludé le sort du professeur et la fonction réelle des sous-sols, ne s’attendait pas à un tel aveu.
- Mais qu’est ce qu’il s’est passé? Demanda Jin.
- Je n’en sais pas plus, je n’ai jamais réussi à savoir et j’ai vite compris qu’il ne fallait pas poser trop de questions, avoua Andrea
Prochainement : Humilié par Nathan, Théo reçoit Mila. Venue l'aider... ou autre chose ?
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