18 Vertige dans un ascenseur

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Mila avança dans un couloir désert du siège d'Omni. Les lumières, discrètes mais précises, découpaient son ombre sur les murs vitrés. À part le claquement rythmé de ses talons, le silence était total.

Arrivée devant le bureau de Théo, elle l'aperçut à travers la vitre : penché sur son écran, concentré. Avant de frapper, elle sortit un flacon de parfum, et d'un geste précis, en vaporisa une touche sur ses poignets, puis sur son cou. Elle rangea le flacon, toqua, puis entra dès qu'elle entendit Théo répondre : “Oui ?

Aussitôt, en voyant Mila, Théo se leva immédiatement pour l’accueillir en souriant : “Mila, quelle agréable surprise, que puis-je pour vous ?

- Vous avez quelques minutes à m’accorder ? demanda Mila.

- Oui bien sûr, installez-vous. Vous désirez boire quelque chose ?

- Non ça va, merci, dit Mila en s’asseyant dans le fauteuil devant le bureau de Théo, qui s'asseya à son tour.

- Que puis-je pour vous, Mila ? demanda Théo, à la fois intrigué mais ravi de voir un membre du Conseil d’Administration dans son bureau.

- Je voulais juste voir comment vous vous sentez après le point avec Nathan.

- Disons que je n’ai pas compris l’urgence soudaine.

- Oui, c’est Nathan et sa manière de faire, mais il ne faut pas le prendre personnellement.

- Oui, disons que je commence à le connaître aussi, dit Théo en souriant.

- Et puis il traverse une phase pas facile d'un point de vue personnel.

- J'ai cru entendre, oui.

- Les médecins ne lui donnent pas longtemps, dit Mila, sa voix se faisant plus douce. “Six mois, peut-être moins. Cela explique pourquoi il pousse tout le monde si fort ces derniers temps.

Théo sent un frisson le parcourir.

- Je ne savais pas que c'était si... grave, dit-il.

- Il préfère que cela reste discret. Mais cela change sa façon de voir les projets, les priorités. Mila marqua une pause.

- D'où le contexte tendu de ces dernières semaines., ajouta Théo.

- Vous savez donc tout. Donc mon message est de ne pas vous en vouloir et soyez compréhensif envers Nathan, le Conseil d’Administration a toujours confiance en vous.

- Oui, merci, donc vous également ?

- Oui, tout à fait, moi la première même. J’ai dit à Nathan qu’il avait manqué de justesse et de mesure avec vous.

Théo ne fut presque pas surpris que Mila eût fait le déplacement jusqu'à son bureau pour lui faire passer ce message. Après tout, Mila avait toujours publiquement fait preuve de bienveillance, si ce mot pouvait être utilisé pour des membres d'un conseil d'administration et surtout en comparaison avec Nathan.

Théo répondit alors : “C’est très gentil à vous, mais vous n’aviez pas besoin de faire le déplacement.

- Je pensais qu’un échange de vive voix était davantage approprié, au cas où vous aviez des doutes et que vous vouliez discuter.

- Ça va, je vous rassure.

- Très bien, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

- J’étais en train de lire le rapport complet de mon entretien avec Jin, répondit naïvement Théo.

À ce moment-là, l’air semble neutre. Il ne perçut pas encore le parfum de Mila.

- Des faits saillants, je peux voir ? demanda Mila.

- Oui bien sûr.

Alors que Théo s’apprêta à tourner son écran, Mila se leva et rejoignit Théo de son côté, en s’appuyant sur le bureau.

- Qu’est-ce que je regarde ? interroge Mila, debout directement à côté de Théo.

- Ce sont les sous-sols de la clinique. Mais attendez, je vous apporte une chaise.

- Non, c’est bon, je peux rester debout. Vous avez fait un scan du sol ?

- Oui, répondit Théo qui commença à ressentir les effets enivrants du parfum. Il trouvait déjà que Mila était une belle femme, là tous ses sens furent en éveil.

- C’était malin, d’y avoir pensé, souffla Mila, les yeux plantés dans les siens.

- Merci… murmura Théo, vacillant entre lucidité et vertige.

- C’est une information intéressante à creuser avec le Docteur Wu, maintenant qu’il est chez nous.

- Oui, répondit Théo nerveusement.

- Surtout cette zone-là, montra Mila du doigt en passant sa main devant le visage de Théo, augmentant la teneur de parfum autour de Théo.

- Oui, Mila.

Mila retourna s’asseoir de l’autre côté du bureau.

- Dites, vous allez trouver ma demande pas professionnelle, mais je me demandais si cela vous disait d’aller prendre un verre.

- Euh là maintenant ? demanda Théo, sous le choc de la demande, même si dans ce futur éloigné, les femmes faisant le premier pas n’avaient plus rien d’osé ou de scabreux.

- Oui pourquoi pas, sauf si vous n’avez pas le temps.

- Si, si, répondit Théo complètement subjugué.

- Super, laissez-moi juste prendre mon manteau, et je suis tout à vous, ajouta Mila.

Sur ces derniers mots, l'esprit de Théo se brouilla. Une confusion délicieuse l'envahit, balayant toute tentative de réflexion rationnelle.

Peu de temps après, Théo sortit de son bureau et arriva devant l'ascenseur de l’étage. À ce même moment, Mila arriva à son tour : “Eh bien, parfait, j’allais vous écrire que j’étais devant l'ascenseur.

Théo sourit. Mila continua : “Je pense que j’aurais pu crier vu qu’il n’y a plus personne dans le building.

L'ascenseur arriva et les deux y entrèrent. Théo appuya sur le bouton du rez-de-chaussée et les deux montèrent dans l'ascenseur. Il se tint à côté de Mila : ni trop près, ni vraiment loin. Juste dans cette zone trouble où le corps hésitait. Du jazz était joué dans les hauts-parleurs cachés de l'ascenseur, mais le silence entre eux était assourdissant. Théo finit par craquer.

- Cela faisait partie de votre plan ? demanda Théo regardant le sol pour éviter le regard de Mila.

- Quel plan ? demanda Mila d’une voix douce et veloutée.

- Me faire vous suivre de cette façon.

Mila se tourna légèrement, la tête inclinée : “Peut-être que je suis juste de bonne compagnie.

Théo finit par la regarder et dit : “Je ne pense pas avoir jamais rencontré quelqu’un comme vous.

Mila lui sourit, presque amusée, et répondit : “Vous avez rencontré des femmes qui ont souri à vos blessures, je ne suis pas de celles-là.

Les yeux de Théo s’attardèrent une seconde de trop sur les lèvres de Mila. Elle le remarqua, évidemment, et dit : “Vous me regardez comme si j’étais dangereuse.

- Vous l’êtes, rétorqua Théo.

- Oui. Et vous aussi.

L’ascenseur arriva au rez-de-chaussée. Les portes s’ouvrirent. Mais aucun des deux ne sortit. Les portes finirent par se refermer.

Mila s’approcha alors de Théo. Sa main effleura à peine sa manche, descendit jusqu’à son poignet. Théo ne bougea pas, ne respira pas. “Si je vous embrasse maintenant, est-ce que vous feriez comme si ce n’était jamais arrivé ?

Théo serra ses dents. Puis lâcha : “Non.”

Un court silence s’installa et Mila dit : “Alors embrassez-moi.”

Théo embrassa Mila, posant ses mains sur ses hanches. Elle entoura sa tête de ses mains, prolongeant le baiser avec une douceur impatiente. Lorsqu'ils se détachèrent, Mila souffla, un sourire dans la voix : “La soirée commence bien.”

Les deux sortirent alors de l'ascenseur et se rendirent dans un bar non loin de là. Au bar, entre deux verres, ils échangèrent des confidences sur leurs blessures anciennes, ces amours qui les avaient fuis ou trahis.

Mila raconta ses déceptions avec une vulnérabilité qui semblait authentique. Théo se surprit à partager des détails qu'il n'avait jamais confiés à personne.

- Je ne devrais probablement pas vous dire cela, murmura Mila, sa main effleurant celle de Théo sur la table.

- Nous ne devrions probablement faire rien de ce que nous faisons ce soir, répondit-il.

Quand le bar commença à fermer, aucun d'eux ne voulut que la soirée se terminât. Ce fut Mila qui suggéra, presque timidement : “Il y a un hôtel discret près d'ici.”

Théo hésita une seconde, une seconde où la raison tenta un dernier combat contre le désir, puis acquiesça. Le reste leur échappa presque. Leurs gestes devinrent plus francs, leurs souffles plus pressants. Ce qu'ils vécurent alors n'eut rien de réfléchi. Ce fut une parenthèse ardente, passionnée, une étreinte qui consuma autant qu'elle libéra. Ce n'était pas qu'un désir, c'était un besoin.

Deux heures plus tard, ils quittèrent l'hôtel, les corps encore frémissants, mais les visages illuminés par cette complicité nouvelle. Un silence tendre les enveloppa.

Et Théo sentit, au creux de lui, quelque chose de nouveau s'allumer. Une flamme. Fragile, mais vive. Peut-être même dangereuse, parce qu'elle faisait battre son cœur autrement.

Au fur et à mesure qu'elle arriva chez elle, le sourire de Mila s'estompa. En sortant de la voiture, elle envoya un message à Alfonso : “Envoyez un poly pour inspecter le sous-sol de la clinique du Docteur Wu, priorité basse”. Puis elle entra dans sa maison et se dirigea dans une pièce où la lumière était allumée. Un homme était assis derrière un bureau. Elle s'approcha de lui et l'enlaça. L'espace d'une seconde, elle ferma les yeux, l'image de Théo flotta encore dans son esprit. Elle l'embrassa sur la joue avec une tendresse retrouvée et lui dit : “Désolée chéri, une affaire de dernière minute.

- Qu’est-ce qui t’a retenue si tard ? demanda Nathan.

Prochainement : Le groupe visitant Sinesol s’apprête à retourner sur la Communauté 5. Que vont faire les survivants de la Communauté 3, qu’ils ont rencontrés sur Sinesol, la planète errante? Ils ont une information terrifiante à partager…

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