Chapitre 29 : Monsieur l’arbre ?
Quand les nuages n’eurent plus en réserve ni goutte d’eau, ni étincelle d’électricité, ni pet de vent, l’orage tomba, le ciel se tut et les étoiles reprirent leur place autour de la lune. Quant à Ernie, son petit corps exténué, froid et trempé se mit à grelotter doucement. Petit à petit, son esprit et son âme le réintégrèrent mais quelque chose avait changé en eux, quelque chose s’était cassé. Ernie n’était plus Ernie ou, tout du moins, plus le même. Pour autant, il ne s’en rendit pas compte et se laissa dormir d’un sommeil lourd.
Malgré les heures de nuit qu’il restait encore, son repos ne fut pas long car un drôle de mouvement le réveilla. En bas, quelqu’un faisait descendre son filet. Dans le clair de lune désormais limpide, Ernie reconnut un Hylve ; ce devait être celui qui avait promis de le délivrer de son funeste sort. Enfin !
Le cœur d’Ernie se mit à galoper et, ne fût-ce pour son bâillon, il aurait souri de toutes ses dents à son sauveur. La descente semblait interminable. Où ce pin avait-il cherché l’idée d’être si haut ?
Soudain, un reflet argenté attira l’œil d’Ernie et ses entrailles se glacèrent aussitôt. Derrière l’Hylve, Vergne avançait, brandissant un couteau dont la lame brillait dangereusement. Ernie tenta d’avertir son bienfaiteur en baragouinant des alertes étouffées mais celui-ci lui fit signe de se taire en murmurant :
« Chut, tu vas nous faire prendre, idiot ! »
Si seulement Ernie avait été l’idiot… Ernie redoubla d’efforts mais quand enfin l’Hylve se retourna pour jeter un œil aux tentes, il eut un hoquet de stupeur. Vergne lui avait déjà mis le couteau sous la gorge.
« Grégoire, tu me déçois beaucoup.
— Mais je… bredouilla ledit Grégoire. Ce n’est pas ce que vous croyez, chef…
— Oh, Grégoire, ne me prends pas pour un jambon s’il-te-plaît, poursuivit Vergne en gardant un ton compassé. Je vois ta trahison dans tes yeux depuis que nous avons attrapé l’évadé. Tes regards pleins de pitié, tes prises de paroles timorées quand nous discutions de la manière de le traiter… Tu croyais vraiment être discret ?
— Non mais…
— Chut, chut, chut, Grégoire. Tu n’as pas trouvé suspect que je t’envoie monter la garde seul ? Tout seul ? Que tu es naïf… J’imagine que c’est pour cela que tu as retourné ta veste, non ? Tu as cru qu’il était innocent, tu t’es fait embobiner par ses larmoiements et ses jérémiades…
« Je vais être obligé de réveiller tous les Vengeurs à cause de toi et il va falloir que je demande à deux d’entre eux de monter la garde à ta place… et de t’enterrer aussi. »
Dans le lointain, deux chats sauvages feulèrent longuement. Ni Grégoire ni Vergne ne parlaient. Ernie regardait sans rien pouvoir dire ni faire.
« Tu sais Grégoire, je n’ai pas le choix. Même nos chers amis anti-captistes procèdent ainsi en cas de trahison… Je vais demander aux autres mais je sais qu’ils penseront comme moi. »
Ernie admirait le flegme de Grégoire. A sa place, il aurait crié, hurlé, supplié, peut-être pleuré, mais jamais il ne serait parvenu à cette dignité suprême, à ce courage indicible de l’homme qui affronte sa mort sans ciller.
« Vengeurs ! Vengeurs, réveillez-vous ! Ce soir, un homme est mort à notre cause ! »
Dans un concert de grognements, les Vengeurs sortirent un à un de leurs abris pour former un arc de cercle autour de Vergne, de Grégoire et d’Ernie. En attendant que tous soient là et que Vergne veuille bien éclaircir la situation, ils échangèrent des remarques à mi-voix en bâillant et en se frottant les yeux.
Une longue harangue s’ensuivit, au cours de laquelle Vergne exposa les crimes de Grégoire avant de conclure :
« C’est pourquoi je vous demanderai, amis Vengeurs, de le condamner à immédiat trépas. »
Ernie grimaça. « Condamner à immédiat trépas », les Géants usaient de la même formule avant d’envoyer un Homme se balancer au bout d’une corde.
« Que ceux qui votent en faveur de sa culpabilité lèvent la main. (L’unanimité donna raison à Vergne.) Que ceux qui votent son immédiat trépas lèvent la main. (Certains bras tremblèrent mais tous se dressèrent.) Grégoire, as-tu un mot à dire avant de mourir ?
— Mon sang ne coulera pas inutilement, il retombera sur vos têtes et…
— Quelles fadaises ! » coupa Vergne en soupirant et en enfonçant la pointe de sa dague dans la carotide de Grégoire.
Au petit jour, Ernie n’avait toujours pas fermé l’œil. La mort de Grégoire l’avait harcelé toute la nuit. Il s’en sentait moins responsable que de celle de l’autre Hylve puisqu’il n’avait pas tenu le couteau mais il la regrettait beaucoup plus. Ce défunt-là avait révélé ses vraies valeurs au moment de nourrir et, certes un peu égoïstement, Ernie en attendait beaucoup pour sa propre vie.
Désormais, il n’avait presque plus aucune chance de s’échapper. Il serait captif jusqu’à Elfcureuil ou, pire, il mourrait. Mais tout ceci n’était qu’une question de détails et Ernie s’affolait surtout des conséquences : sa vie allait s’arrêter sous peu ou devenir tellement douloureuse qu’elle ne vaudrait plus la peine d’être vécue, il ne reverrait plus jamais ni Perto ni sa famille, et les Hommes resteraient dans leur esclavage pour encore très longtemps.
Ernie attendit le réveil de ses ennemis avec anxiété. Encore peu de temps et il saurait quel genre de traitement ils lui réservaient pour le reste du voyage. Il espérait que les Hylves prendraient des précautions pour le garder en vie aussi longtemps que possible mais il ne pouvait être sûr de rien et l’ignorance le terrifiait.
A part les deux Vengeurs qui montaient la garde, les autres s’octroyèrent quelques heures de sommeil supplémentaires après le lever du soleil. Puis, à la façon des fleurs qui éclosent pour profiter du soleil, les tentes s’ouvrirent et les Hylves sortirent peu à peu pour prendre leur petit-déjeuner en discutant tranquillement. Si Ernie n’avait pas assisté à la scène ligoté en haut d’un arbre, il aurait sans doute demandé à se joindre à cette mignonne petite colonie.
Une fois repus, les Vengeurs s’intéressèrent à lui et le descendirent lentement de son pin.
« Tu n’es pas à l’hôtel, Lampadaire, l’accueillit Vergne, mais je sais bien qu’il faut que tu manges un peu et que tu fasses sortir les restes si on veut te garder jusqu’à Elfcureuil en bon état – en état de fonctionner et de sentir la douleur au moins. Donc, je vais te détacher les mains et t’ôter ton bâillon. Attention ! ce ne sera pas l’occasion de s’enfuir, compris ? »
Ernie approuva. Il avait faim, sa vessie était pleine et il rêvait se masser les poignets.
« Je te préviens, dit Vergne, si tu tentes quoi que ce soit, on te donnera la becquée jusqu’à la fin de ta captivité et tu perdras toute intimité pour ce qui sera de te soulager. »
Après ces menaces dont Ernie devinait qu’elles étaient plus que sérieuses, l’Hylve passa derrière lui et dénoua son bâillon. Ce fut une véritable délivrance pour la bouche et la gorge desséchées d’Ernie qui fit plusieurs mouvements de mâchoires pour tout remettre en place. Pour les liens qui avaient entaillé ses poignets quand il s’était débattu comme un forcené, le moment fut plus dur à passer car Vergne, en les décollant, arrachait le sang séché et rouvrait toutes les plaies. Un mal pour un bien, pensa Ernie en faisant enfin repasser ses mains devant lui, pour le plus grand soulagement de ses épaules.
Au menu, Ernie eut droit aux croûtons de pain ainsi qu’à une pomme pas trop pourrie. Et quand il fut question de se soulager, il obtint la permission de procéder derrière un buisson. Vergne lui lia ensuite les mains et le fit remonter dans l’arbre ; le bâillon resta par terre et Ernie n’en fut pas mécontent.
En revanche, il fut plus mitigé en entendant Vergne annoncer :
« Aujourd’hui sera un jour de repos car nous avons tous eu une petite nuit et il faut que j’envoie une lettre urgente au Nordaire. Donc tu resteras dans ton arbre toute la journée. Cela dit, ne pense pas que ce soit une fatalité : si tu n’es pas sage, Ophélie est assez créative pour te ramener dans le droit chemin de manière efficace mais douloureuse. »
Une lueur d’excitation brilla dans les yeux du seul membre féminin de Vengeance affamée autre que Lucie. Cette Hylve aux cheveux noirs avait déjà contemplé Ernie comme un rôti bien ficelé et il avait détesté cette impression. Était-ce la même chose que ressentaient les femmes dévorées des yeux par les lourdauds ? Si tel était le cas, il avait presque honte d’appartenir à son sexe.
Quoi qu’il en soit, Ernie prit garde à être « bien sage » en récupérant ses heures de sommeil perdues jusqu’au retour de Vergne en fin d’après-midi. A ce moment-là, il eut droit à un repas plus consistant et à une nouvelle pause hygiénique.
Il se faisait presque à ce petit rythme tranquille quand Vergne vint lui souhaiter une bonne nuit.
« Pour que tu dormes plus serein, expliqua-t-il, je voudrais te sortir de l’incertitude à propos des prochains jours. A partir de demain, nous lèverons le camp tous les matins après manger. Tu marcheras au milieu de nous et tu salueras les passants sans rien dire de plus. Sinon… »
Ernie savait exactement à quoi pensait Vergne et acquiesça de résignation. L’erreur, il le savait, eût été de dire le moindre mot sans y avoir été invité. Et puis, voyant le bon côté des choses, il songea que la journée au moins, il serait libre de ses mouvements.
« Et quand nous ferons halte le soir, nous te remettrons dans ton filet. Bien sûr, nous nous amuserons aussi un peu et surtout, nous te ferons expier tes crimes. Nous en avons délibéré entre nous et nous sommes déjà fixé sur les peines que tu subiras pour les meurtres de Stéphane et de Jérôme. On t’arrachera une dent de sagesse et on te rendra symétrique. »
Ernie resta bouche bée.
« Qu’est-ce que tu as ? demanda faussement Vergne. Vas-y, parle.
— Mes dents de sagesse ne sont pas sorties ! s’exclama Ernie.
— Ne t’inquiète pas pour cela. Nous avons un boucher parmi nous et il a tous ses outils. C’est lui aussi qui te rendra symétrique. »
Vergne rayonnait d’un intense plaisir. Il attendait de toute évidence qu’Ernie l’interroge sur cette symétrisation.
« Vous pensez à quoi quand vous parlez de symétrie ? demanda Ernie qui, après réflexion, préférait savoir plutôt que de s’imaginer le pire.
— Vous ne faites donc aucune géométrie chez vous ! ricana Vergne. Te rendre symétrique, c’est te permettre d’être pareil des deux côtés. »
Ernie fronça les sourcils. Il était symétrique pardi ! Même les grains de beauté sur sa figure (au-dessus de sa bouche) étaient parfaitement symétriques alors qu’il en tenait un de chacun de ses parents. Soudain, il songea qu’il avait changé depuis son départ du Département… Mais il ne pouvait pas s’agir de cela ! Non, Vergne n’était pas fou au point de…
« Tu crois que nous n’avons pas remarqué qu’il ne te manque des phalanges que d’un côté ? »
Et si. Vergne allait lui faire couper les doigts par un boucher ! Arracher une dent, passait encore, de nombreux Hommes en arrivaient là pour leurs chicots trop pourris… mais amputer des phalanges ! Ernie allait s’évanouir de douleur ou de peur ! Et si la plaie s’infectait ?
« Vous me faites marcher, bredouilla-t-il. Vous n’allez pas faire ça ?
— Si. Demain la dent parce que c’est urgent, et la semaine prochaine les doigts. Dors bien ! »
La réponse de Vergne était brève et sans appel : exactement ce qu’il fallait à Ernie pour passer une nuit blanche. Mais ses flancs couverts de bleus et douloureux dans toutes les positions, ses chevilles ligotées depuis un jour et demi, ses poignets marqués jusqu’aux muscles et sa langue creusée de canyons arides à cause du terrible bâillon de la veille avaient beau réclamer un sommeil bien mérité, l’esprit d’Ernie répondait toujours de la même manière. On allait lui scier les doigts ! lui arracher une dent !
Entre des images mentales de vilebrequin et de pinces coupantes, Ernie remarqua que les deux veilleurs changèrent à la fin du premier quart. Puis, entre un os émergeant de chairs lacérées et un bout de doigt remuant dans l’herbe, le deuxième quart abandonna son tour au troisième. Enfin, Ernie luttait pour oublier la tête transpirante d’un boucher-chirurgien dépassé par les événements quand il assista à une scène ubuesque : l’un des Hylves de garde venait d’abattre une grosse pierre sur la tête du deuxième. En y regardant de plus près, Ernie reconnut l’assommé pour être justement Maxime le boucher (faites qu’il soit mort, faites qu’il soit mort ! songea-t-il immédiatement) tandis que l’assommeur n’était autre qu’une assommeuse.
A la vue de la chevelure blonde, Ernie comprit qu’il s’agissait Lucie. Elle portait un couteau à la ceinture et un sac au dos. Comme elle s’approchait de l’arbre, elle brandit le sac en disant le plus bas possible :
« Je vais seulement te délivrer ! Ne crie pas ! »
Il y avait une chance sur deux pour que ce soit un piège, une manœuvre destinée à faire taire Ernie pour le tuer silencieusement. Il fit le choix de la croire. Dans le pire des cas, raisonnait-il en lui-même, elle le tuerait en un instant et cela valait mieux que de passer des semaines entre les mains de Vergne ; dans le meilleur des cas, il pourrait enfin s’échapper et garderait sa main droite et sa denture intactes.
Quand il fut au bas du pin, Lucie ouvrit le filet et coupa ses liens. Ernie fut soulagé : elle ne lui avait pas tranché la gorge.
« Ma dette est payée, dit-elle sévèrement. Prends tes affaires et va-t’en. Dans dix ou quinze minutes, le dernier quart va se réveiller et nous trouver assommés, Maxime et moi. A partir de ce moment-là, tous les Vengeurs seront à tes trousses. Donc cours vite. »
Elle lui fourra son sac dans les bras et il la remercia comme une sauveuse en vérifiant que toutes ses affaires étaient là.
« Vergne a pris mon argent ? demanda-t-il en constatant l’absence de sa bourse.
— Oui mais je t’ai mis le mien dans un chiffon.
— Oh, je…
— Tais-toi. Je fais ça uniquement parce que je crois que tu es innocent du meurtre de mes parents. Mais à cause de toi, je risque de finir comme Grégoire donc je te préviens tout de suite : si je revois une seule fois tes boucles mal coiffées, je te tue. Allez ouste ! »
Ernie ne comprenait pas le raisonnement de Lucie. Si elle le savait innocent, pourquoi le menaçait-elle de mort ? Voulait-elle seulement écourter leur entretien ? Ou était-ce une manière de garder la tête haute ? Ernie s’arrêta là dans ses questionnements et regarda les étoiles pour trouver le sud avant de s’enfoncer dans la forêt. Dans le même temps, Lucie s’était frappé la tête contre la pierre qu’elle avait utilisée contre Maxime avant de s’allonger au sol.
Au début de la fuite d’Ernie à travers les bois, ses membres ankylosés se dérobaient sous lui à chaque pas si bien que sa course ressemblait plutôt à une marche saoule et claudicante. Les choses s’améliorèrent au bout de quelques temps et il trotta comme un lapin pendant une dizaine de minutes.
A cette période où il sentait un grand espoir naître en lui, deux mauvaises nouvelles lui rappelèrent la dure réalité : derrière lui, les vociférations de Vergne appelèrent les Vengeurs à fouiller la forêt et en lui, les récriminations de ses entrailles exigèrent une pause immédiate. En effet, la nuit qu’il avait passée sous la pluie l’avait affaibli et ses organes internes ne semblaient pas du tout apprécier son effort soudain.
Ernie continua tout de même jusqu’à épuisement avant de se résigner à une marche lente, les poings sur les hanches et la bouche grande ouverte. Dès lors, il considéra que, ne creusant plus l’écart avec ses poursuivants, il ne lui restait plus qu’à se trouver une cachette. Il scruta donc tous les arbres qui perçaient de l’obscurité. Un sysaphe noueux retint son attention.
Comme toutes les essences de sysaphes, les sysaphes noueux appartenaient à la grande famille des arbres boulus qui poussaient dans les Horsylves et qui, en lieu et place de feuilles ou d’aiguilles, possédaient des « boules » (aussi appelées « bulles » dans le nord du pays). Ces boules, grosses et vertes comme des pommes rainettes, poussaient chaque année sur les nouvelles branches mais ne tombaient pas comme les feuilles mortes en fin de saison. Ernie n’en savait pas beaucoup plus au sujet de ces arbres mais il avait cru comprendre qu’ils n’étaient pas tout à fait comme les autres.
Il s’arrêta néanmoins au pied du sysaphe car ses branches épaisses étaient propices à l’escalade et son feuillage (fallait-il dire « boulage » ?) était assez nourri pour le cacher efficacement. Il posa donc un pied sur une branche et commença à s’élever quand le tronc grinça. Les branches se tordirent alors sur les côtés et quelques boules tombèrent sur la tête d’Ernie qui chuta lui-même au bas de l’arbre.
Le boulu refusait d’être escaladé ? Ernie regarda aux alentours. Hélas, la plupart des autres arbres étaient des conifères dont les premières branches sûres étaient bien trop hautes. Il fallait trouver un moyen de grimper dans le sysaphe. Il y avait bien la possibilité de planter le couteau de Perto dans le tronc mais c’était la meilleure manière de se mettre l’arbre à dos. Au diable le ridicule : Ernie décida de négocier avec le mystérieux végétal.
« Monsieur l’arbre ? commença-t-il prudemment. Je suis pourchassé par des Hylves captistes qui veulent ma peau. Est-ce que vous accepteriez de me laisser me réfugier dans vos branches ? Elles sont très impressionnantes et je suis sûr qu’elles me cacheraient à merveille. »
Ernie avait appris qu’une requête passait souvent mieux quand elle était accompagnée d’un compliment. Il ne fut pas détrompé car, dans un nouveau grincement, les branches et les nœuds du boulu se disposèrent beaucoup mieux.
« Merci, Monsieur l’arbre ! Vous me sauvez la vie ! »
Pendant près d’une heure, Ernie resta caché dans le sysaphe, à califourchon sur une branche haute. Il était aux aguets et s’évertuait à rester silencieux. Enfin, il entendit un Vengeur approcher. L’Hylve marchait d’un pas vif en scrutant tous les arbres mais, même en plein jour, il aurait été incapable d’apercevoir Ernie si on ne le lui avait pas montré.
Hélas, Ernie apprit à ses dépens que les arbres aussi peuvent mentir et trahir : le sysaphe déroba la branche sur laquelle il tenait et le fit tomber comme une crêpe. Ernie mit les bras en avant pour ne pas heurter le sol tête la première mais le choc fut très violent.
Alors que tous ses membres souffraient en même temps, une épaisse poix noire lui enveloppa l’esprit et il perdit connaissance. La dernière chose dont il eut conscience fut la jubilation doucereuse de Vergne :
« Oh, mais qui voilà ? »
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