Chapitre 34 : Une requête incongrue

14 minutes de lecture

NB : Ici, on arrive aux trois quarts environ.

Lucie se mit sur la pointe des pieds et ouvrit les volets du deuxième soupirail. Comme le premier, il donnait au sud. Le soleil de la fin de matinée entrait donc de biais et éclairait les murs de la cave plutôt que la table que Lucie devait préparer pour Vengeance affamée avant midi.

Édouard avait décidé du lieu de réunion sans lui demander son avis mais Lucie n’avait rien dit : depuis l’évasion d’Ernie, il la soupçonnait ainsi que Maxime d’être des traîtres l’un ou l’autre, voire les deux. Édouard avait donc multiplié les stratagèmes pour mettre leur loyauté à l’épreuve. La visite de la maison de Lucie n’était que le dernier du genre.

Lucie plaça les chaises autour de la table et les nettoya en vitesse parce qu’elle était déjà en retard. Elle les avait à peine disposées qu’elle entendit la cheminée siffler – en fait, c’était la bouilloire au premier étage. Elle grimpa donc les escaliers jusqu’au magasin, le traversa, monta à la cuisine, versa l’eau bouillante dans une casserole, ajouta les œufs, retourna son sablier de neuf minutes, vérifia la cuisson des haricots, sortit assiettes et couverts, et redescendit mettre la table au sous-sol.

Drelin, drelin !

Lucie écuma. Quel était l’idiot qui ne savait pas lire ? Elle aurait bien crié depuis le bas que le magasin était fermé mais, en cette période de reprise d’activité, ce n’était vraiment pas le moment d’être discourtoise. Elle jeta donc son tablier sur un dossier et gravit les marches quatre à quatre. Un jeune homme blond avec quelques cheveux marron lui tournait le dos.

« Bonjour monsieur, excusez-moi mais nous sommes fermés aujourd’hui…

— Ah, dit le client en se retournant.

— Ernie ? »

La peau étrangement tachetée de zones très bronzées et les traits plus las que s’il avait passé un siècle en prison, Ernie était bien là. Instinctivement, Lucie attrapa de gros ciseaux à tissu derrière le comptoir et se jeta sur la porte pour la verrouiller.

« Je t’avais dit que je te tuerais si tu croisais encore ma route. Que fais-tu ici ?

— C’est vraiment moi qui ai tué tes parents. »

Ernie lui avait répondu sans ciller. Il ne semblait ni désolé, ni effrayé, ni même honteux. Lucie fronça les sourcils. Pourquoi se jetait-il chez elle en lui avouant ce qu’elle croyait impossible ? Elle lui posa la question.

« J’ai repensé à ce que tu as fait pour moi, répondit-il, et je me suis dit que je n’avais pas été honnête avec toi.

— Et c’est tout ?

— Je suis très attaché à la vérité. »

Tout cela puait le mensonge à plein nez. Lucie connaissait trop bien Ernie pour se laisser prendre. Que voulait-il vraiment ? Comment s’attendait-il à ce qu’elle réagisse ? Il y avait bien une hypothèse… Lucie s’avança vers lui, les ciseaux en l’air et la mine menaçante. Il ne recula pas, il ne fit pas un geste vers le couteau qu’il avait à la ceinture.

« Tu veux que je te tue ? demanda Lucie éberluée.

— Hein ? Non ! Surtout pas ! » s’exclama Ernie.

Sa voix sonnait plus faux que jamais. Il était donc devenu suicidaire ! Lucie jeta ses ciseaux sur le comptoir : elle ne comptait pas entrer dans son jeu.

« Pourquoi ? s’enquit-elle en le dévisageant impoliment.

— Quoi ? Pourquoi quoi ?

— Ernie, ne me prends pas pour une demeurée ! Je ne te tuerai pas.

— Tu m’avais dit… répliqua-t-il avec tristesse.

— C’était pour ne plus jamais te voir, idiot ! Tu as fait voler ma vie en éclats !

— Si j’ai fait voler ta vie en éclats, c’est une excellente raison pour me tuer, s’obstina Ernie en tendant son couteau.

— Tu es vraiment devenu fou ! »

Lucie lui ôta son arme et prit le temps de réfléchir un peu. Jusque-là, elle avait prévu de quitter Vengeance affamée aussitôt que les risques de représailles auraient diminué pour pouvoir reprendre une nouvelle vie loin d’Elfcureuil et de tous les problèmes de captisme. Elle ne voulait donc surtout pas avoir Ernie dans les pattes.

« Écoute-moi, Ernie, les Vengeurs mangent ici dans une heure et je suis en pleins préparatifs. Alors du balai !

— Lucie ! je ne peux pas le faire moi-même…

— Ce n’est pas quelque chose que l’on demande aux autres, enfin ! Et encore moins à ceux qu’on aime. »

Il baissa les yeux.

Lucie soupira : c’était plus qu’elle ne pouvait supporter. Comme cette nuit où elle l’avait entendu hurler, gémir dans son arbre, comme un chaton affolé. Il avait besoin d’un autre être humain et elle était la seule qu’il eût.

« Viens, assieds-toi. » dit-elle en désignant deux chaises derrière la caisse.

Lucie se lança donc dans une conversation irréelle avec un drôle d’Homme qui voulait mourir. Ses œufs durs allaient exploser et ses haricots noirciraient comme le charbon mais elle avait plus important sur le feu :

« Premièrement, dis-moi pourquoi tu veux mourir.

— Je suis le… le… » bégaya Ernie.

Il n’allait tout de même pas se mettre à chouiner ! Calme-toi Lucie, se dit-elle à elle-même, respire. Ce pauvre garçon a besoin de toi, laisse-lui du temps. Elle appliqua la même méthode avec celui qui semblait être son patient :

« Calme-toi Ernie, respire. Tu peux tout me dire.

— Le Double-Héritier, lâcha-t-il subitement.

— Hein ? »

Il ne répéta pas mais ses yeux si clairs et si humides parlaient pour lui : Lucie avait bien entendu, Ernie croyait être le Moitié-Moitié, celui dont terlin avait prophétisé qu’il achèverait son œuvre. L’incarnation du mal et de la haine se tenait peut-être sous les yeux de Lucie et, si tel était le cas, la puissance de la malédiction était tellement inouïe que toute personne en Grande-Île aurait préféré tuer Ernie que de prendre le risque de connaître un terlin II.

« Tu es sûr de toi ? »

Il acquiesça en regardant Lucie comme une déesse. Il attendait d’elle quelque chose, pire, il attendait d’elle tout : la consolation, la pitié, la tendresse et surtout la mort.

« Tu vois qu’y a pas le choix, renifla-t-il.

— Ah non ! Je ne vais pas te tuer pour si peu ! »

Au fond d’elle-même, Lucie cherchait des arguments. Un an auparavant, elle en aurait trouvé un million. Tous auraient été niais parce qu’elle vivait alors dans le manichéisme le plus parfait mais au moins, ils auraient eu le mérite d’exister.

« Il y a forcément une autre solution, dit-elle avec plus d’aplomb que de certitude.

— Non ! La prophétie est trop puissante ! déplora Ernie en passant une manche sur ses joues. Je suis déjà passé dix fois à ça de la mort ! Et chaque fois…

— Tu t’en es sorti. Je sais mais c’est simplement de la chance.

— Non ! Chaque fois, j’en suis sorti plus triste et plus dur qu’avant. Lucie, j’ai tué un homme !

— Il t’avait attaqué.

— Et alors ? Avant, je ne l’aurais jamais fait. Aujourd’hui, je hais Édouard pire que le diable alors que je n’avais jamais détesté quelqu’un comme ça. Qu’est-ce que je vais faire demain et après-demain ? »

Lucie hésita. Que devait-elle répondre ?

« Demain, continua la voix tremblante d’Ernie, je vais plaider la libération des Hommes devant le Suprême Conseil. Après-demain, je retrouverai les Hommes et je serai leur héros. De héros, je deviendrai chef et de chef, je me ferai sacrer roi. Dans le même temps, je nous ramènerai sur la terre de nos ancêtres et les Hommes pourront se multiplier à nouveau, sans limitation du nombre d’enfants. Tout se passera comme sur des roulettes grâce à la prophétie jusqu’au jour où… où je vengerai les Hommes et vous massacrerai.

— Tu n’en as aucune idée ! Tu te racontes des histoires comme les adolescents amoureux.

— Non, je sais que c’est vrai. Il faut me tuer maintenant, avant que je devienne comme lui.

— Tu ne deviendras jamais comme lui ! Je te connais, tu n’es pas comme ça…

— Lucie ! J’en suis sûr. Je me vois évoluer. Je ne suis pas libre : je suis condamné à être un monstre. Je suis déjà un monstre ! »

Ernie était buté comme une mule et Lucie arrivait à cours de réplique.

« Si tu ne le fais pas…

— Quoi ? demanda-t-elle. Tu le fais toi-même ? Tu ne serais pas venu ici si tu en avais été capable.

— C’est juste, je suis venu ici pour m’éviter d’avoir à crier mon identité dans les rues d’Elfcureuil. Je voulais que ce soit rapide. Mais comme tu ne veux pas… »

Ernie se leva et marcha vers la porte d’un pas décidé. Il allait vraiment le faire ! Lucie se souvint qu’elle avait fermé à clé en le voyant se battre contre la poignée de porte. Il lui restait une dernière chance de le ramener à la raison. Il ouvrait déjà la fenêtre quand elle s’écria :

« Attends ! Tu oublies une chose importante. »

Il se retourna vers elle, un sourcil en l’air. Lucie lui connaissait une faiblesse et, même si elle répugnait à l’exploiter parce qu’elle ne partageait pas ses opinions, elle s’y résigna à cause de l’urgence de la situation :

« Ta religion te l’interdit. Tu m’as dit qu’une créature ne choisissait pas ce qui était bon pour elle, ni dans la vie ni dans la mort. »

Le visage du garçon se figea. Effectivement, elle avait atteint la corde sensible. Il resta ainsi une éternité, apparemment sidéré par l’argument de Lucie. Enfin, il referma la fenêtre et se laissa tomber par terre, la tête dans les genoux.

« Je L’ai oublié… J’ai oublié mon Dieu… » répéta-t-il pendant de longues minutes.

***

Ernie était sonné. Qu’avait-il pu se passer pour que sa foi disparaisse ? Quand était-il allé à l’office pour la dernière fois ? Quand avait-il prié ? Alors il se souvint : sa prière en haut de son filet dans l’orage avant de sombrer dans la folie… et l’absence de réponse, l’absence tout court. Rien, il avait connu le rien le plus absolu qui fût au monde : pas de Dieu pour répondre ni écouter ni même entendre.

Ernie n’avait jamais imaginé vivre sans son Dieu. Pour lui, rien n’avait jamais paru si triste et vain que de passer son existence seul dans sa tête, avec personne pour écouter ses malheurs, panser ses blessures, partager ses joies et s’intéresser à ses désirs. Et pourtant, il venait de l’expérimenter pendant un bon mois, sans s’en rendre compte.

Les réflexes du vieil Ernie revinrent et il repensa à l’affirmation de Lucie : il ne pouvait pas choisir de mourir pour la même raison que la religion lui interdisait de tuer un autre être humain. Ses cours de catéchisme lui revenaient.

« Il les fit homme et femme, ânonna-t-il. Il les fit à son image et à sa ressemblance… Je suis Son image… »

Pour se persuader qu’il était à l’image de son Dieu et que n’habitait pas en lui uniquement terlin, il contempla ses paumes. Faites par Dieu, elles pouvaient accomplir le mal mais là n’était pas leur vocation. Tant qu’une créature avait son corps, elle restait à Dieu et vivait de Lui. Telle était la foi qu’on avait enseignée à Ernie.

Mais Ernie avait tant vu et vécu à présent que tout ce qu’il avait appris nécessitait une réflexion complète et une adhésion nouvelle ou un rejet définitif. Il fallait décider de croire ou de ne pas croire et Ernie ne pouvait pas choisir dans l’instant. Aussi se concentra-t-il sur le plus urgent.

« Lucie ! » appela-t-il en voyant l’Hylve qui se dirigeait vers l’étage.

Il désirait la remercier de l’avoir sorti de son obsession mortifère mais quand elle se retourna pour voir ce qu’il lui voulait, elle aperçut quelque chose par la fenêtre et s’écria :

« Reste assis par terre et ne parle pas ! Édouard traverse la place dans notre direction. »

Un quart d’heure plus tôt, Ernie aurait sauté dans les bras de son ennemi mais à présent qu’il voulait à nouveau vivre, il prit la nouvelle comme une mauvaise nouvelle. Le silence s’étira, seulement troublé par un clapotis venu de l’étage supérieur. Des œufs durs, lut Ernie sur les lèvres de Lucie. Soudain, trois coups frappèrent contre la porte :

« Lucie ! C’est Édouard. Ouvre-moi, je sais que l’évadé est ici ! »

— Attends cinq minutes ! répondit Lucie aussitôt. Je ne peux pas t’ouvrir pour l’instant.

— Comment cela ? N’essaie pas de m’embobiner. D’autres Vengeurs surveillent la porte de derrière. OUVRE-MOI TOUT DE SUITE ! »

Lucie se tourna vers Ernie, totalement prise au dépourvu. Lui n’avait pas beaucoup d’idées mais il fallait faire vite. Il proposa donc à voix très basse la seule chose dont il pouvait imaginer qu’Édouard n’oserait la remettre en question :

« Dis-lui que tu as des problèmes de femme.

— Quoi ? Tu plaisantes ? »

Comme la jeune Hylve ne semblait pas très convaincue et que le temps pressait, Ernie prit les choses en main et imita la voix de Lucie aussi bien qu’il put. A travers une porte, ce serait suffisant.

« Attends cinq minutes : j’ai des problèmes de femme ! »

Aussitôt, il vit Lucie serrer les dents mais il sut qu’il avait eu raison quand Édouard bégaya :

« Euh… ben… fais vite alors… Bon courage ? »

Même Ernie n’aurait pas été à ce point pathétique. (Il n’aurait pas non plus été beaucoup plus glorieux d’ailleurs.) Lucie l’entraîna dans la cuisine du premier étage et lâcha :

« Ah, vous les hommes ! »

Puis, elle reprit le fil des événements et demanda :

« Est-ce que tu as une idée ou est-ce que nous redescendons les attendre de l’autre côté de la porte avec une poêle chacun ? »

Avisant l’eau bouillante des œufs, Ernie proposa :

« Une infusion peut-être ? »

Son ironie lui aurait valu un bon coup de poêle s’il ne s’était pas empressé d’expliquer comment fonctionnait l’infusion d’expirante.

« Tu es sûr que c’est efficace ? hésita Lucie en désignant les cheveux et la peau d’Ernie.

— C’est normal : les effets se dissipent car je n’en ai pas pris ce matin. Je n’étais pas vraiment d’humeur.

— Et après ? demanda-t-elle encore. Comment veux-tu que nous sortions ?

— Nous nous ferons passer pour un cousin et une cousine de passage chez toi, que tu voudras faire sortir avant que tout ne dégénère. Vergne sera tellement obnubilé à l’idée de rentrer qu’il ne nous regardera même pas. Et quand il débouchera dans une maison vide, nous serons déjà dehors. Nous n’aurons pas beaucoup d’avance mais si nous arrivons à nous mêler à la foule, nous aurons une chance.

— Dans ce cas, prépare ton infusion. Je pars nous chercher des vestes et des chapeaux dans la boutique. Ils compléteront le déguisement dans un premier temps et ensuite nous les ôterons pour qu’ils ne sachent pas quelles couleurs poursuivre. »

Elle n’avait pas terminé sa phrase qu’Ernie l’entendait déjà descendre les marches quatre à quatre tandis que lui-même sortait de son sac l’une de ses dernières feuilles d’expirante. Il retira les œufs à main nue et laissa la feuille dans l’eau deux minutes environ. Malecura avait en effet interdit d’aller au-delà de cinq minutes mais n’avait pas donné de temps minimal.

Pendant que la feuille infusait, Ernie prépara la pipette en vessie d’agneau qu’il utilisait toujours pour ses yeux. Pour les cheveux et la peau, il trouva une petite cuiller dans un tiroir et une serviette dans un placard. Au retour de Lucie, il passa le manteau jaune vif qu’elle lui tendait et prit un affreux chapeau bleu qu’il était heureux de ne pas devoir porter longtemps. Enfin, il utilisa l’infusion sur lui-même comme il l’avait fait quotidiennement depuis un mois et proposa à Lucie d’en faire autant avec elle.

« Vas-y, fais-le toi-même, accepta Lucie, j’aurais trop peur d’en mettre trop. Avec la magie, on n’est jamais trop sûr des effets secondaires. »

Ernie connaissait les effets secondaires mais les garda pour lui. Car ce qu’on ne sait pas, disait un proverbe des Hommes, ne fait pas mal. Comme il était un peu plus grand que Lucie, il n’eut aucune peine à verser la cuillerée sur son crâne et il vit ses longs cheveux devenir presque noirs en un temps record.

« Tu pourrais aussi les couper un peu pour accentuer le changement, suggéra-t-il.

— Hors de question ! Passe aux yeux ! »

Ernie aspira un peu d’infusion avec son compte-gouttes et le plaça au-dessus des yeux de Lucie. Il s’arrêta. Quels yeux elle avait ! Comment ne les avait-il pas regardés plus tôt ? Deux marrons brillants… Deux marrons brillants qui regardaient vers lui et attendaient de plus en plus impatiemment les deux gouttes qui devaient les rendre…

« Tes yeux sont déjà marrons ! dit Ernie avant que son silence ne devienne suspect.

— Bien sûr qu’ils sont marrons ! De quelle couleur veux-tu qu’ils soient ?

— Je ne veux rien du tout, ils sont parfaits comme cela. C’est seulement que je n’avais pas remarqué.

— Ah, les hommes ! soupira Lucie pour la deuxième fois de la matinée. Tu l’utilises ton truc, maintenant ?

— Je ne peux pas. L’infusion ne fait pas changer de couleur dans n’importe quel sens. Elle ne fait que rendre marron ce qui ne l’est pas.

— La prochaine fois, dis-le dès le départ ou mémorise la couleur de mes yeux, d’accord ? »

Ernie pensa que de toute manière il était incapable d’oublier une teinte aussi magnifique mais il se tut et se contenta de tendre à Lucie la serviette imbibée d’infusion, pour qu’elle se badigeonne les parties visbles.

A peine furent-ils redescendus que Lucie annonça à Vergne :

« J’ai fini, mais j’ai une deuxième toute petite requête…

— Quoi encore ?

— J’aimerais que tu laisses sortir mes cousins avant de mettre ma maison sens dessus dessous.

— Ton cousin et ta cousine ! cria Ernie en prenant la voix qu’il utilisait pour la sœur abrutie de Chilpéric. Je suis ta cousine ! Cou-si-ne ! »

Et aussitôt il prit le ton bourru de Bertrand pour imiter le cousin :

« La ferme Annette ! L’masculin l’emporte su’l’ féminin, non ? Et moi chuis un homme, pas vrai ?

— Ne pourriez-vous pas vous taire, tous les deux ? » répliqua Lucie d’une voix sèche qu’Édouard ne pouvait sans doute que deviner.

Selon Ernie, ils livraient tous les deux une performance théâtrale remarquable.

« C’est bon, c’est bon, fais-les sortir mais tout de suite et par cette porte ! » accepta finalement Vergne.

Lorsque Lucie déverrouilla la porte, Ernie s’y engouffra, l’Hylve sur les talons et vit tout juste Édouard Vergne le croiser en sens inverse. Quatre pas leur suffirent, à lui et à Lucie, pour dépasser tous les Vengeurs qui s’enfilaient à la suite de leur chef sans les regarder. Seule Ophélie tourna la tête, sans doute surprise par l’empressement du cousin et de la cousine.

Aussitôt dans la rue, Ernie se fit entraîner par Lucie à travers une placette et, immédiatement, ils défirent leurs manteaux et jetèrent leurs chapeaux. Derrière eux déjà, un volcan entrait en éruption et un mot, hurlé comme la pire des insultes, résonna hors de la maison des Hauton :

« LAMPADAIRE ! »

Lucie guidait Ernie dans Elfcureuil tel un enfant, en le tirant par la main. Pour lui chaque pas était un miracle car il savait que s’il parvenait à semer les Vengeurs et à retrouver Perto, ils seraient ensuite quasiment hors de portée de ces fous furieux. A un moment donné, il se souvint qu’il n’avait pas averti Lucie du rendez-vous qu’il avait avec le Géant et l’Escureuil et corrigea le tir immédiatement de sorte que, quinze minutes plus tard, ils arrivèrent sur la grand-place d’Elfcureuil, à peine en retard sur l’horaire convenu.

Annotations

Vous aimez lire Tony Marguerite ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0