VI - La libanaise

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Durant le mois de juin, mon état de santé se détériora sévèrement. Tout le pollen de France semblait s’être échappé dans Belleville. Un début de rhinite survint peu après et dormir fut moins facile. Ma gorge comme mes yeux devinrent malades. Ce fut con à supporter… Dès lors, mes feuilles se remplirent d’encre et de fiel : « Il me faut me dépouiller de Paris ! » que je m’écrivais sur le calepin. L’invitation de monsieur Poulain, les Deux-Sèvres, et la maison à Celles-Sur-Belle présentaient bien. Mais je ne pouvais laisser Mathilde seule ici avec Sébastien. Depuis qu’elle était revenue de Lyon, il faisait le vautour. Ah pour ça, tous les prétextes étaient bons. Il se pavanait trop le vilain garçon !

Mathilde, elle, avait connu meilleur. La santé de son papa déclinait. Inexorablement. Lui aussi s’était longtemps battu contre son sort, avait échappé maintes fois aux sirènes de la mort, avec malice, esbroufe, courage, niaque, ou juste, parfois, comme ça, ce que certains appellent la chance. Il allait bientôt s’éteindre, la cire devait bien finir par fondre. Il ne resterait plus, au crépuscule des choses, que de la cendre. De l’amertume, du ressentiment. Pas pour lui cependant, ô non lui il avait accepté les évènements. Les roublards, sacripants, et autres canailles de son espèce en ont bien conscience eux de leur veine. Ils le savent, eux, qu’elle aurait jamais dû être tant épargnée. Et quand elle finit par s’étioler, par se couper, quand plus rien ne parvient encore à y couler, quand tout le sang, toute la sève du monde, en est à s’assécher, ils en prennent acte, avec le sourire, et remercient la ruse pour toutes les années sauvées. Mathilde, toujours elle, ça la rendait folle de voir son papa partir ainsi. Elle me demandait comment je faisais, comment j’avais pu le supporter, maman, son cancer, les allers-retours avec le brancard, la pensée du corbillard, son odeur, sa dégueulasserie ! Je ne répondais rien, alors elle insistait. J’avais rien à lui répondre moi, ça me faisait grincer. C’est là qu’elle pleurait, qu’elle voulait évacuer. La voir ainsi chialer, ça me brisait l’âme. Et pourtant, la pleurniche, la morve, l’écume suintant de tous les pores, à l’origine, ça me rebutait. Avec elle, décidément, tout mon monde se renversait.

Pour ce qui était de Valentin, désormais, la vie se sirotait perché, comme sur un nuage. Il planait de plaisir. Sur le chantier, il était plus lui-même, il avait perdu toute son élégance notre bon français. La came avait fini par faire son effet. Sa peau était devenue pâle, presque translucide. La verdure de son corps apparaissait, tout comme les bleus et le rouge de ses plaies. Mais il avait de l’humeur. Il avait le même sourire que le facteur notre Valentin. Sa petite Lola s’était décidée. Elle était enfin venue chez lui crécher. Il rendait plus pareil depuis. Si les autres ouvriers l’avaient pas deviné, c’est juste parce qu’ils le parlaient pas le français.

Je finis par répondre au courrier d’Alexandre. Comme ça, pour chasser l’ennui ; je n’avais pas grand-chose à faire de mes nuits. La rencontre eut lieu un soir de milieu de semaine. C’est lui qui mit de l’effort, il avait assez insisté pour cela. Nous convînmes de nous retrouver à Couronnes, à l’un de ses salons de thé. C’était sur mon chemin de retour, alors autant en profiter. À mon arrivée dans l’établissement, je ne l’identifiai pas directement. L’endroit, comme sa terrasse à l’extérieur, n’était peuplé que de Noirs et d’Arabes, vêtus de djellabas, et tassés sur des sièges au tissu clair. Ici et là, le narguilé s’exhibait sur les tables, en trophée. Des arômes de pêche, de mangue, de canneberge, de plaquebière, d’autres parfums fruités que mon flair ignorait, affluaient de part et d’autre, au gré des vapeurs. J’aperçus tout juste une jeune femme asiatique, qui discutait avec un homme, me tournant le dos, dans un coin de la pièce. Tout bien considéré, on ne voyait qu’elle lorsqu’on y prêtait de l’attention. Elle n’avait rien à voir avec les putains que je côtoyais. Sa peau était d’un blanc de lait. Quand elle me vit, elle tapota la main de l’homme qui lui faisait face. Il se retourna à moitié. Alexandre que je devinai. La jeune asiatique, elle, se leva, et se dirigea vers la sortie. Comme la place était libre, je vins donc m’assoir en face de son ami.

C'est lui qui s'exprima en premier le loustic. Mes écrits, il les avait bien tous lus, bien tous parcourus en long, largeur. Il se régalait fort de mes racontars ce blagueur. Il demanda : « Eden, c’est bien ça ? Je peux t’appeler ainsi ? » Naturellement qu’il le pouvait, ça le secouait pas mon monde ses manières. Il me dit ensuite que je pouvais servir. Il l’avait mentionné dans son mot, je le savais déjà. En revanche, il ne m’expliqua toujours pas en quoi. Comme je ne souhaitais l’interrompre, il n’y avait pas de raison, je ne lui posai pas la question.

Alexandre était un chercheur, un savant. Je n’étais pas certain de tout comprendre, en raison des arômes envoutants de la mélasse, mais je crus saisir qu’il étudiait les cellules, « d’un point de vue structural et fonctionnel » qu’il précisait, comme si cela était d’une quelconque importance. « Je m’intéresse, aussi, à divers mécanismes d’expression et de transmission génique, notamment ceux ayant cours sur plusieurs générations, mais ça, nous en parlerons plus par la suite. » Sa voix était lente, un pas d’armée. Chaque mot était posé. Il ne respirait que le prestige, non la suffisance. Avec le parfum fruité qui flottait à côté, il était bien aisé de se laisser enivrer.

Son thé terminé, nous sortîmes un peu, histoire de mieux nous retrouver. Devant la mosquée, la même foule d’hommes se tenait, moins nombreuse que la première fois où j’étais passé. Une toile de nuages sombres recouvrait les environs. Le ciel pouvait à tout moment se déchirer. J’aperçus Ahmed, dans le lot, qui me regardait. Je ne pouvais en avoir la certitude, mais je devinai une fois encore son sourire. Alexandre, lui, fixait la mosquée, pensif. Pour la première fois, je fis vraiment attention à lui. C’était un bel homme, on ne pouvait le nier. Au ton de sa voix, il devait être un peu plus âgé que moi, la quarantaine, ou presque, malgré son menton propret. Machinalement, il releva ses mèches blondes. Elles tombaient en boucles sur son front. « Tu as dû prendre connaissance de mes papiers, ceux que je t’ai envoyés. Ce ne doit pas être évident pour toi, mais tu sauras vite de quoi il en ressort. Eden, écoute : cela peut te sembler étrange, mais je souhaite que tu rédiges un document. Un témoignage en quelque sorte, pour les tiens. Le dernier, une sorte de testament, avant l’aboutissement de ton chemin. » Comme je ne disais mot, il dut le prendre pour un acquiescement. Un air léger circulait dans la rue à ce moment. Il me rafraichit les tempes.

Devant la mosquée, il commençait à y avoir du mouvement. Un môme était arrivé en hâte, il criait des barbaries à la foule, agitant ses bras de partout. Une frousse aveugle dégoulinait de ses yeux, en larmes. Des mots furent prononcés en arabe. Tout de suite après, il amena la foule avec lui, en courant. Un vent d’effroi souffla sur Couronnes. Alexandre proposa alors de les suivre et je n’y vis pas d’inconvénient. Nous ne marchâmes pas longtemps. La crainte du gamin, l’objet de son épouvante, se présenta rapidement à la cohue, dans la rue en coin, juste après l’intersection. Si retenue, on eût parlé de « légère altercation ».

Le problème ? La flicaille assurément. Pourtant, ce n’était qu’une banale patrouille, rien de très extravagant. Dans les quartiers de pauvres, comme Couronnes, c’étaient pas des poissons volants. D’habitude, je les voyais de loin, sans le début d’une attention. Mais ce soir-là, rien ne paraissait marcher droit. Les poulets, ils étaient que trois. Le surnombre, ma foi, ils connaissaient pas. Le premier, un monsieur raide, au corps sec et élancé, le col roulé, tentait déjà de s’expliquer avec la horde en colère. Il mettait sa main gauche en avant, la droite au niveau de la ceinture, semblant dire : « N’approchez pas, crapules ! ». Les deux autres, derrière lui, se démenaient avec le diable en personne. Je ne la voyais pas très bien moi la terreur que c’était au sol, mais au vu de l’effort mis pour calmer tout ça, ça ne devait pas être un enfant de choeur le filou allongé. Les deux poulets essayaient, tant bien que mal, de le ramener sur le mur à proximité. Au plus vite du possible. Ils devaient le sentir, eux, qu’un tel grabuge ne pouvait durer l’éternité.

Alexandre, lui, paraissait impassible devant ce spectacle. Il recula d’un pas, s’assit à même le trottoir. Ses boucles recouvraient à nouveau son front. Comme la rue commençait à s’emplir de monde, je le rejoignis pour ne pas être mélangé aux Arabes. Il en profita pour poursuivre : « Tu es loin d’être le seul Eden. Détrompe-toi. Ta condition est aujourd’hui partagée par tant d’autres… Il est difficile d’en préciser le nombre, oui, mais tout porte à croire que l’on se situe à une échelle relativement importante. Il va de soi que tout cela ne peut perdurer. Nous vivons, en vérité, un moment de déplacement d’équilibre. »

Deux véhicules arrivèrent là en trombe. Huit autres poulets firent ainsi leur apparition. Le monsieur au col roulé était bien heureux de ce retournement de situation. Seulement, ce nouvel arrivage ne calma en rien les badauds. Les cris et les remontrances faisaient trembler le sol, probablement jusqu’à la mosquée. Ça beuglait en troupeau, la haine sur le visage. Les djellabas se trempaient d’une sueur fiévreuse. Quelques tarbouches trainaient déjà là et ailleurs. On était proche de l’émeute, tandis que le responsable de cet enfer, le sacripant, se démenait toujours comme un forcené sur le goudron. Même à quatre, ils arrivaient pas à le raisonner l’avorton. Ses appels au secours, fréquents, ravivaient la bougeotte dans la foule. Malgré les avertissements répétés du monsieur au col roulé, rien ne semblait mener à l’apaisement.

« Vois-tu Eden, qu’il continuait Alexandre, après y avoir longuement réfléchi, il n’existe, tout compte fait, que deux réelles façons de mourir. Tout le reste ne représente finalement que l’écume de ces réponses, ou autre chose. La première d’entre elles est, sans aucun doute, celle de la lâcheté : la mort lente. Je parle ici de la dégradation progressive, du mécanisme de destruction, de soumission au sort : la nécrose. Ce laisser-aller modulé, ce crescendo, constitue certainement le processus le plus médiocre qui puisse exister… C’est la pourriture la plus infâme. » Sur ces mots, il détourna son regard de la scène, et le ramena vers moi. Le premier bouton de sa chemise était défait. Un pendentif doré s’y dissimulait, en dessous, de la forme d’une croix. « La seconde, quant à elle, est à tout égard de loin la plus belle. En termes de biologie cellulaire, nous la désignons sous l’appellation d’apoptose. C’est la chute glorieuse, celle qui est pensée, en toute conscience, vers l’abîme de notre destinée. C’est le véritable choix de la raison, une réponse aux appels de la nature, de l’environnement. La programmation de notre mort Eden, tu me comprends ? »

Je n’eus pas le temps de répondre. Toutes les bouches, jusque-là si impétueuses, s’étaient tues. Une nouvelle déflagration venait de frapper l’étendue de la rue : le silence. La foule devait être entrée en pénitence : l’algarade avait cessé, un seul homme se tenait désormais devant le policier au col roulé. Sa djellaba, loin d’être froissée, encore moins abimée, paraissait resplendir dans ce soir d’été. Il affichait au poulet un sourire que je reconnus sans cligner de l’oeil : celui d’Ahmed que ça se présentait. À cet instant, l’ensemble des protagonistes l’observaient. Même le vilain en prise avec les poulets semblait ne plus s’agiter. Sans trop attendre, Ahmed s’approcha plus encore de son bonhomme. Il lui murmura quelques mots au policier. Ce dernier lui rétorqua, d’une façon plus audible pour l’assemblée. Son ton, visiblement rassuré, avait tout d’un coup un air d’amabilité. L’échange entre les deux dura un moment. La lumière du ciel eut le temps de s’atténuer.

Plus tard, lorsque toutes les cordialités furent échangées, le policier au col roulé se retourna. De sa main droite, il fit un geste bref à ses collègues placés derrière lui. Ils relâchèrent ainsi leur emprise sur le saligaud qui put se relever. Conscient de sa chance, il ne fit pas trop le fanfaron. Juste une baboue en direction de ses deux tortionnaires encore essoufflés. Ils l’avaient bien mérité. Peu après, il se dirigea vers Ahmed, d’un pas lent, et se mit dans sa protection. Des deux côtés, on se scruta encore durant un certain temps, en chiens de faïence. On attendait une exaction de l’autre camp. Rien ne vint, évidemment. Alors les poulets saisirent la nature du moment : il fallait tout de suite ficher le camp. Ils remontèrent un à un dans les véhicules. Avant de poser le pied, le policier au col roulé, pas bête pour un sou, jeta un dernier regard vers la foule. Il fit un signe bref à Ahmed, avant de refermer sa portière. Les trois voitures de police repartirent enfin dans un long bruissement vers le carrefour.

L’empoignade terminée, les badauds retournèrent rapidement à leur activité. L’essentiel était gagné, nul besoin d’ergoter. La rue se vida d’un trait ; c’était l’heure de dîner ; les Arabes regagnaient leur obscurité. Alexandre et moi restâmes encore un instant, assis sur le trottoir. Derrière, une brise me bichonna le lobe des oreilles et je me mis à éternuer, sans sommation. L’odeur du sang chaud emplit le haut de mes narines. Il commençait à se faire tard, je ne devais pas manquer mes médicaments. Comme s’il avait compris, Alexandre se leva et m’annonça son départ. C’était très bien comme ça, je ne souhaitais retenir personne à l’évidence. Avant de partir, il me glissa ces derniers mots en me serrant la pince : « Tout ce que je te demande, en fin de compte, c’est de décrire ta peine, ton histoire. Cette misère que tu traverses, il faut que tu la racontes. Quand tout cela sera terminé, je la partagerai au plus grand nombre. Toi, comme d’autres, vous aurez l’opportunité de réaliser le basculement. En tant que symptômes du mal-être de nos temps. »

Je n’étais pas certain de ce qu’il guignait vraiment, mais je me contentai là d’un sourire afin de pouvoir partir. À peine quelques mètres franchis que le ciel voulut me partager de son chagrin. Il se mit donc à pleurer, histoire de consoler nos têtes rougies par le soleil de la journée. Tout d’abord, ce fut agréable comme sensation. Mais quand il se mit à chialer vraiment le ciel, je n’eus rien à portée pour me mettre aux abris. Très vite, toute la tristesse du monde s’abattit sur moi en punition. Elle m’égratignait le crâne sans me laisser le temps d’un soupir. Les petites larmes, c’était fini. Ça chignait comme un gosse là-haut, ça piaulait très fort en fracassant les hommes et la terre, coupable de consentir aux péchés de ses propriétaires. Moi, j’étais responsable de rien dans ce déluge. Pendant un temps, rien ne me traversa l’esprit, juste une envie de bouffer nature. Ah, ça débarquait boulevard Belleville ! Quelques putes chinoises s’abritaient sous le fronton des immeubles, l’air blafard. Elles attendaient. Elles semblaient toujours attendre les putains de Belleville. Nul n’eût éprouvé de mal à deviner la gueule de la clientèle rampant jusqu’à elles. En les regardant, j’eus envie de crever sur l’instant, à même le trottoir humide. De crever là, sans éclat, ni apitoiement. De crever dans l’anonymat tout à fait courtois du bitume, des putains, et de la pluie.

Mais l’instinct, ça ne s’oublie jamais complètement. Ça s’égare et ça revient. En allant vers la rue des Couronnes, mon estomac se mit à grogner et je me souvins que mon réfrigérateur à l’abandon n'avait que de l’Asahi à me proposer. Il y avait une supérette au coin de la rue de la Mare. J’en profitai pour y faire un tour afin d’acheter des falafels pour le dîner. La gérante, une femme libanaise pleine de rondeurs, ne fut pas pressée de me servir. La raison ? Une petite boule de poils noirs qu’elle serrait entre ses bras obèses. « Il est beau hein mon gentil Menhir ? Il est le seul qui vaille la peine par ici, les autres ils sont tous mal élevés ! Ils disent que des saletés ! ». Elle était aussi la concierge d’un immeuble de la rue voisine, et ne semblait pas porter ses habitants en estime. « Il a bien changé ce quartier. Et les gens avec. Maintenant, ils veulent plus mettre de sous pour rien. Ils veulent plus de bignole ils m’ont dit ! Ça coûte trop cher ils m’ont dit ! Bizarres les gens. Vous aussi vous êtes bizarre. Vous voulez quoi déjà ? »

Cela faisait vingt ans qu’elle vivait ici. Elle en avait vu des vies défiler dans le quartier. Avec sa soeur et son mari, ils géraient un autre commerce de nuit dans l’arrondissement d’à côté. Son humeur exécrable provenait de là. « Ils ne font que voler là-bas, que voler ! Rafler, gruger, voler ! Et les poulets ils font rien, ils les laissent repartir à chaque fois les petits Noirs. Ce sont les pires les petits Noirs ! Ils parlent mal et piquent dans la boutique dès que j’ai le dos tourné !»

Au même moment, une camionnette se gara près de l’entrée de la supérette, et le conducteur en sortit. C’était le mari de la vieille commère. Le petit homme, dégarni sur l’ensemble de son énorme crâne, se dépêcha de vider l’arrière du véhicule sous le torrent de pluie. Les caisses étaient remplies de grands bocaux en verre de toutes les espèces. Il y en avait assez pour combler toute une cantine d’école : du maïs, des petits pois, des carottes, du haricot, en vert comme en rouge, pour les pauvres et ceux qui le sont moins, et bien sûr toutes les viandes séchées que l’on retrouve habituellement dans les épiceries de quartier. En vidant l’une des caisses, un des bocaux glissa d’entre ses mains mouillées et se brisa sur le pavé. Ça fit là comme grondement de tonnerre. Du jus de pois chiche s’écoula alors partout sur le trottoir et même plus loin encore. « Quel plouc ! hurla la grosse libanaise, sortant du magasin. Toujours en train de gaffer celui-là ! Mais qu’est-ce je fiche avec un nul pareil ? ». La suite de sa réprimande fut formulée en des mots que je crus être arabes. Le chien parut comprendre l’arabe car il prit peur devant tant de grossièretés. Il poussa un long gémissement étouffé comme pour s’en protéger. La grosse libanaise se désintéressa de son mari tout penaud, et se mit à caresser les poils touffus de la bête. À nouveau, elle se rendit compte de ma présence, et me demanda si je pouvais tenir son Menhir. Cela m’était égal, moi, alors je le lui pris. Il se tortillonnait comme s’il voulait mourir là dans mes bras d’étranger. La commerçante entra alors dans la supérette et en ressortit vingt secondes plus tard. Elle tenait un petit objet à la main. « Tiens, ça ira mieux ! Hein mon gentil Menhir ? Alors on est content hein ? Maman elle est pas trop méchante ? ». Ses doigts bouffis, bien sales qu’ils étaient ces monstres, se refermaient sur une peluche marron en forme de ouistiti. La bête ne se calma point à la vue du jouet, et reprit de plus belle. Ah, il geignit comme chiard le Menhir ! Comme ses pleurs commençaient à m’embêter, je choisis de les laisser ainsi en famille et de m’en aller, malgré le déluge qui se poursuivait. De toute façon, je n’étais plus sûr de vouloir de falafels au dîner.

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