Chapitre 18

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« Bordel ! Max ! »

Loïc attrapa de nouveau son téléphone et rappela le quinze.

« Ne me fais pas un coup comme ça. » fit-il en s’adressant à Maxine inconsciente.

Il obtint de nouveau le médecin qu’il avait eu juste avant.

« Mince, avez-vous quelque chose que vous puissiez imbiber d’eau fraîche ? »

Loïc répondit par l’affirmative et déposa délicatement Maxine au sol. Il courut ensuite pour attraper leurs affaires et les ramener. Il prit plusieurs mouchoirs en papier qu’il superposa les uns sur les autres, versa de l’eau dessus et posa le tout sur la jambe de Max. Ensuite, le médecin lui demanda de surveiller sa respiration.

« Ils arrivent quand les secours ? demanda Loïc. Cela fait des plombes qu’ils sont partis.

— Calmez-vous, Monsieur. Ils devraient arriver d’ici cinq minutes environ. Pour l’instant, tout va bien.

— Vous trouvez ? Maxine est inconsciente dans mes bras et vous trouvez cela bien ?

— Non, ce n’est pas cela que je voulais dire. Mais votre petite amie va bien a priori. Elle est inconsciente mais étant donné sa pathologie, c’est peut-être un bien.

— Par rapport à sa bipolarité ? »

Le médecin confirma. Pour lui, en perdant conscience, Maxine s’était protégée d’elle-même. Il ne savait pas si elle prenait son traitement correctement mais dans tous les cas, il était préférable que Maxine ne puisse plus voir son humeur s’emballer. C’était le mieux tant que le venin faisait son office au sein de son corps. Loïc n’était convaincu qu’à moitié mais il voulait y croire plus que tout.

Une voix résonna au lointain. Cela devait être les secours. Loïc se leva et cria du plus fort qu’il put pour qu’ils prennent la bonne direction. Trois minutes plus tard, trois hommes arrivèrent sur place et demandèrent à Loïc de s’écarter.

Un quart d’heure après, un des secouristes revint vers Loïc.

« Bon, on lui a administré l’anti-venin mais on va l’emmener. Il faut absolument qu’on lui fasse des examens pour surveiller certains éléments. Vous venez avec nous ?

— Si je ne viens pas avec vous, quand elle va se réveiller, elle va complètement paniquer, non ?

— On lui a administré aussi un sédatif léger. Elle devrait être un peu moins sujette à cela. »

Loïc secoua la tête. Non, il fallait qu’il soit là. Cela ne l’arrangeait pas de laisser la voiture, là où elle était, il n’avait aucune idée quant à comment il ferait pour revenir la chercher, mais il ne pouvait pas abandonner Maxine aux secouristes.

« Je viens avec vous. »

*

Loïc ne pensait pas être mis en difficulté pour suivre les trois hommes. Mais ce fut le cas. Même avec Maxine sur la civière, ils avaient une allure soutenue et Loïc fut rapidement un peu essoufflé.

« Vous allez bien, Monsieur ? fit l’homme qui ouvrait le passage.

— Ne vous préoccupez pas de moi. C’est juste qu’il faudrait que je pense à reprendre le sport. »

Au bout d’une dizaine de minutes, ils atteignirent le camion.

« Vous n’avez qu’à vous mettre au fond vers sa tête. Si elle revient à elle, elle vous aura dans son champ de vision. »

Loïc acquiesça. Pendant que le camion démarrait et prenait la route, le secouriste qui resta avec lui, lui demanda de retirer le sweat et le tee-shirt de Maxine.

« Il faut que je lui pose les électrodes pour prendre un ECG. Comme vous êtes là, c’est peut-être mieux que ce soit vous qui le fassiez… »

Loïc accepta et procéda au dévêtement. Cela le gênait cependant de déshabiller sa petite-amie devant un parfait inconnu, bien que ce soit légitime étant donné sa profession. Une fois fait, l’homme posa les électrodes et démarra le monitoring.

Cela faisait à peine deux minutes que l’appareil bipait assez régulièrement et lentement quand le signal s’intensifia. Le secouriste se leva et vérifia la pose des électrodes mais, il comprit très vite la source de ce pic. Maxine était en train d’émerger.

« Monsieur, votre petite amie est en train de se réveiller. Essayez de la rassurer autant que possible. »

Loïc se leva et prit la main de Maxine. Il se pencha au-dessus d’elle.

« Je suis là, fit-il. On est en route pour les urgences mais tout va bien. Tu as reçu l’anti-venin. Alors il n’y a plus rien à craindre, tu vois ? Là, ils t’ont mise sous oxygène uniquement parce que tu t’es évanouie. Et là, ils surveillent ton cœur, juste pour le cas où. »

Maxine serra très fort la main de Loïc.

« Non, je vais rester. De toute manière, j’ai laissé la voiture. Je ne sais pas comment j’irai la récupérer mais on s’en fiche : c’est loin d’être l’essentiel. »

Loïc voyait bien que Maxine aurait voulu dire quelque chose car elle commençait à s’agiter.

« Tout va bien. Calme-toi, on aura tout le temps de parler plus tard. »

Le secouriste voyant que l’ECG était en train de s’emballer, s’approcha et prépara rapidement une nouvelle dose de sédatif. Il lui fit l’injection et Maxine retomba peu à peu dans les vaps. Loïc n’était pas fier de ça mais c’était toujours mieux que prendre des risques.

*

Lorsqu’ils arrivèrent sur le plateau d’urgence, Maxine fut directement prise en charge. Loïc fut invité à patienter en salle d’attente, dans un premier temps, bien qu’il insistât pour rester aux côtés de sa compagne. Le médecin qui supervisa les examens, demanda une prise de sang pour vérifier le niveau d’électrolytes, et jugea qu’il fallait garder Maxine en observation six bonnes heures, avant de se prononcer sur l’autorisation de sortie. Loïc cassa les pieds à l’équipe médicale jusqu’à ce qu’on l’autorise à s’asseoir aux côtés de Maxine pour toute la durée de la surveillance.

« J’ai cru qu’ils se fichaient de moi. Ils me demandent de t’accompagner à l’hosto et une fois sur place, c’est : bonjour, monsieur, veuillez attendre devant la porte. Tu parles d’une blague ! »

Maxine pour qui les effets des sédatifs s’étaient estompés, sourit un peu en regardant son compagnon s’énerver. On lui avait ôté l’oxygène quasiment dès l’entrée sur le plateau. En revanche, ils lui avaient donné un antalgique. Ils avaient pris des précautions sur le dosage pour éviter d’entraîner des effets de bord avec le lithium, mais malgré cela, Maxine était passablement confuse et il lui fallait faire énormément d’effort pour garder le fil de ses idées pour parler.

« En tout cas, je suis bien contente que tu sois là. Je ne sais pas ce que je serai devenue sans toi. »

Loïc rougit un peu.

« Je suis désolée de ne pas t’avoir parlé de ma pathologie. Je ne voulais pas que tu me prennes pour une folle. Généralement, c’est comme ça que les gens réagissent quand on leur parle de bipolarité.

— Sûr que j’aurais préféré ne pas l’apprendre comme cela. Mais je comprends. Tout ce que je peux te dire, c’est que tu peux tout me dire. Je t’ai dit que je t’aimais et ce n’est pas pour rien. Je sais que cela peut faire très naïf de le dire ainsi : quand je dis je t’aime à quelqu’un, ce n’est pas conditionnel. Et surtout, je ne veux pas te perdre à cause d’une chose que je ne saurais pas de peur que… »

Maxine baissa la tête.

« D’accord, fit-elle d’une petite voix.

— Ce n’est pas grave et là, surtout repose-toi. Tu as l’air complètement shootée.

— Et je n’en ai pas seulement l’air… »

Maxine tendit la main vers Loïc qui la prit entre les siennes. Elle se tourna légèrement pour regarder le mur et surtout dissimuler un sourire qu’elle jugeait déplacé en regard de la situation, puis sans crier gare, elle s’assoupit.

Loïc resta assis à côté d’elle pendant de longues heures. Il se demanda s’il n’eut pas fallu appeler la mère de Maxine. En même temps était-ce utile de l’inquiéter pour rien ? S’il ne le faisait pas, lui en voudrait-elle ? Aucune attitude ne semblait être la bonne. Et puis, il repensa au simple fait qu’il ne possédait pas le numéro de téléphone et que dans l’état où Maxine était, il ne valait mieux pas la déranger.

Après que la sixième heure fut passée, Maxine commença à bien émerger et retrouver ses moyens. Un énorme œdème lui restait au niveau de la cheville mais pour le reste, elle se sentait beaucoup mieux.

— Je vais aller voir le médecin. J’ai l’impression qu’ils nous ont oubliés. » fit Loïc.

*

L’hôpital fournit une paire de béquilles à Maxine pour qu’elle puisse sortir.

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda-t-elle.

— J’ai appelé un taxi pour qu’il nous emmène là où on a laissé la bagnole. Et après on rentre à l’hôtel. On devrait y être pour vingt-et-une heures. »

*

Ils arrivèrent effectivement à l’hôtel aux environs de vingt-et-une heures. Sur le chemin, contrairement à d’habitude, ils parlèrent peu. Loïc ne savait pas vraiment pourquoi. Maxine était-elle fatiguée ou bien, tout ce qui s’était passé l’avait-il mise dans une disposition où elle n’osait plus faire ce qu’elle faisait d’habitude sans se préoccuper des conséquences.

Probablement, le fait d’avoir révélé son état de santé avait modifié beaucoup de choses dans la tête de Maxine et maintenant, ses doutes sur la réaction de Loïc pouvaient prendre racine.

Au moment de prendre la clé de la chambre, Loïc prit la commande pour qu’un repas complet leur soit monté. Une fois la porte de la suite fermée, Loïc se retourna et entama la discussion :

« Ça va mieux ? Tu as moins mal ? »

Maxine s’assit sur le rebord du lit et posa ses béquilles par terre.

« Oui et non. Je ne sais pas, en fait. J’ai l’impression d’avoir la jambe gauche dans du coton. C’est très étrange comme sensation. Ça tire encore un peu à certains moments mais rien à voir avec ce que c’était quand le serpent m’a mordu.

— J’espère bien, fit Loïc. On a passé sept heures aux urgences pour te soigner. Honnêtement, cette journée m’a retourné. Je me doute que toi, tu as vécu la chose, avec dix mille fois plus d’intensité mais moi, j’ai vraiment eu peur. Cela ne m’était jamais arrivé d’avoir cette sensation. Quand tu t’es évanouie, j’ai cru que j’allais te perdre. En même temps, je me suis répété que ce n'était pas possible.

— Je suis désolée, fit Maxine.

— Tu n’as pas à être désolée, ce sont des choses qui arrivent.

— Oui, mais c’est moi qui ai voulu aller là-bas. Si je n’avais pas insisté ce matin, rien ne serait arrivé.

— Je n’en suis pas sûr. »

À ces mots, Maxine releva les yeux vers Loïc.

« Que veux-tu dire ?

— Je ne sais pas exactement, mais comme je te l’ai dit, depuis que nos routes se sont croisées, j’ai la sensation d’être sur des rails invisibles. Comme si tout ce qui se passe, devait se passer. Et j’ai l’impression que c’est aussi le cas pour le futur. »

Maxine ne dit rien mais continua de regarder intensément Loïc. Puis elle finit par ouvrir la bouche.

« C’est tout ?

— C’est tout, quoi ?

— C’est tout ce que tu ressens ? Tu ne m’en veux pas ?

— Tu veux que je t’en veuille d’être en vie ? fit Loïc qui ne voyait pas du tout où Maxine voulait en venir.

— Non. Mais à propos de ma maladie, arriva-t-elle à dire.

— Comment veux-tu que je t’en veuille d’être malade ? On ne fait pas exprès de l’être. Enfin, je ne crois pas.

— Non ! De ne pas te l’avoir dit quoi ! s’énerva Maxine.

— Cela n’aurait aucun sens. Je devrais t’en vouloir d’avoir voulu préserver notre relation parce que tu avais peur que je te prenne pour une folle, c’est ça ? »

Maxine fit oui de la tête mais, dans le même temps, elle ne put retenir un sourire ironique, car elle se rendait compte que cette phrase n’avait aucun sens, ni de près, ni de loin.

« Honnêtement, je ne vais pas dire que c’est bien que tu aies été mordue, mais je me dis qu’il y a quelque chose derrière tout ça. La fatalité, le destin : appelle cela comme tu veux. Tu te rends compte que j’ai su que tu prenais ton médicament, la veille. Juste parce que mon rasoir m’a échappé des mains. Qu’est-ce qui se serait passé autrement ? Moi, j’ai l’impression que tout va dans le sens de nous rapprocher. Alors que je t’en veuille pour ça, ce n’est pas envisageable. »

Loïc vit bien que Maxine buvait ses paroles, et qu’il y avait la petite étincelle portée disparue depuis l’accident, qui revenait à la charge tout au fond de son iris. Mais elle luttait avec son démon intérieur qui lui demandait probablement de fuir, le plus loin possible, évidemment.

Elle ouvrit la bouche pour parler, mais a priori, elle n’arrivait pas à justifier sa pensée. Elle voulait absolument avoir eu tort de faire ce qu’elle avait fait. Pourquoi ? Cela semblait plus facile. Elle en ignorait la raison profonde, mais c’était comme s’il fallait absolument qu’elle soit en faute pour compter un peu dans le cœur de Loïc.

Saisi d’une intuition, celui-ci s’approcha de Maxine jusqu’à se poster face à elle. Il la poussa en plaquant sa main gauche contre sa poitrine, et elle se renversa sur le dos, au milieu des draps.

« Je crois que j’ai changé d’avis. fit-il en passant au-dessus d’elle. Je crois que je vais te punir. »

Loïc plongea au creux de sa nuque pour lui poser une dizaine de baisers chatouilleux. Maxine tenta de le repousser de ses poings retournés mais elle ne pouvait gagner, car elle manquait de force au niveau de ses abdos pour tenter de se redresser.

« Non mais… J’étais sérieuse là… fit-elle.

— Moi aussi. » répondit Loïc du tac-au-tac.

Et il plongea la main droite sous les élastiques du sarouel et de la culotte de Maxine pour aller droit à l’endroit où il pouvait l’électriser. Elle tourna la tête et porta son poing gauche devant sa bouche pour étouffer un gémissement.

« Doucement, ça me lance encore un peu au niveau de… »

Et elle ne put terminer sa phrase, prise d’un spasme involontaire qui la firent se cambrer et pousser un râle de plaisir contre son gré. Si elle avait pu, elle aurait volontiers attrapé entre ses deux jambes, le bassin de Loïc pour le forcer à se plaquer contre elle, et ainsi stopper la fouille minutieuse des doigts de son compagnon. Au lieu de cela, elle était encore à sa merci, toujours plus incapable de lutter, à chaque pression maline sur le bouton érigé de son plaisir.

« Ce n’est pas juste, fit-elle dans un souffle.

— La vie ne l’est jamais. » lui répondit Loïc.

Sur ses mots, il abandonna son ouvrage pour basculer Maxine de quarante-cinq degrés afin qu’elle soit correctement allongée et dans le bon sens sur le lit. Il ôta son tee-shirt et le reste de leurs vêtements puis revint en position inversé pour polir savamment avec sa langue, chaque facette de son diamant. Entre deux soubresauts, Maxine profita de la posture de son compagnon pour se venger. Et ce fut alors à ce dernier d’être la proie de convulsions, composés de main de maître par une petite amie assoiffée de vengeance.

Loïc et Maxine continuèrent ainsi à se fouiller et à révéler les derniers recoins qu’ils n’avaient jamais exposés l’un à l’autre. Et malgré l’incapacité de Maxine à pouvoir se mouvoir de manière aussi souple qu’en temps normal, ils réussirent à composer un récital, une symphonie majeure qui déploya ses ailes pour s’envoler jusqu’au milieu de la nuit.

Exténués, ils tombèrent de sommeil, emboîtés l’un dans l’autre, une fois de plus, heureux et noyés dans cette insouciance miraculée.

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