Chapitre 19

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Maxine se réveilla blottie contre Loïc, le nez contre son épaule, la main accrochée à son torse. Les draps et leurs peaux exhalaient les émanations de leurs sueurs nocturnes mais cela ne les dérangeait pas, bien au contraire. L’odeur un peu âcre les renvoyait à des souvenirs de cette nuit qu’ils auraient voulu garder intactes pour toujours. Maxine en voulut même un peu à Loïc quand celui-ci, comme à son habitude quand il jouait au papa, lui dit qu’il était temps de passer à la toilette. Elle ne voulait pas se défaire de ce parfum. Elle voulait garder par tous les moyens, la mémoire olfactive de ce moment unique, où Loïc était venu la chercher, et l’avait emmenée où personne ne l’avait fait avant lui.

Cependant tout chose ayant une fin, il lui fallut céder aux injonctions de Loïc. Ils devaient rendre la chambre avant onze heures alors elle se résolut à s’extirper du lit et passer à la salle de bain. Cela dit, elle réussit tout de même à piéger Loïc et le contraindre à l’aider à se laver en arguant que l’œdème de sa cheville gauche qui avait désormais une couleur peu ragoûtante l’empêchait de pouvoir le faire elle-même. Ce n’était bien entendu qu’un prétexte pour profiter du moment pour assouvir quelques envies coquines.

« Tu deviens vraiment obsédée. » lui lança gentiment Loïc en riant.

Elle s’en défendit car, c’était vrai, elle ne faisait cela qu’histoire de profiter jusqu’au dernier moment de ce week-end. D’ailleurs l’hôtel aurait dû leur rembourser une bonne demi-journée puisqu’elle estimait que son séjour aux urgences aurait dû être déduit. Malheureusement dans la vraie vie, les choses ne fonctionnaient pas ainsi, et sur les coups d’onze heures et quart, Loïc se retrouva bien à régler la note complète du séjour. Maxine tenta de protester et d’insister pour en régler une partie mais Loïc ne céda pas. En vérité, c’était préférable car le coût du séjour aurait considérablement entamé son budget mensuel. Peut-être même aurait-elle dû demander une petite rallonge à sa mère pour boucler la fin du mois. Maxine fut assez contrariée de cet état de fait.

« Je n’ai pas envie d’être tout le temps, attachée à ta remorque, avait-elle fini par lâcher en rejoignant la voiture.

— J’entends bien et je le souhaite. Mais pour le moment, ce n’est pas faisable, alors, s’il te plaît, n’en fais pas tout une histoire. Moi aussi j’ai profité de ce week-end et je veux en garder un bon souvenir. Alors sur ce genre de considération, on ne doit pas se disputer et je crois qu’on doit vraiment passer outre. »

C’était facile pour lui de dire cela, pensa Maxine. Il n’avait pas un mouchoir à mettre sur cette fierté à pouvoir s’en sortir soi-même. Mais au fond, il avait raison. Il fallait ignorer tous ces petits freins qui venaient chaque fois grever un peu plus les enthousiasmes et profiter, profiter, profiter.

Loïc chargea tous les bagages dans le coffre de la voiture et un quart d’heure plus tard, ils étaient en route pour revenir chez eux.

« Tu couches à la maison, ce soir ? » demanda Loïc alors qu’ils s’engageaient sur l’autoroute.

Maxine répondit par la négative. Elle avait une autre idée en tête.

« Qui est ?

— Qui est que tu viennes coucher chez moi, ce soir, pour changer.

— Pourquoi pas. L’hôtel m’a fait ma lessive, j’ai donc de quoi me changer pour demain avant de partir au boulot. Mais sinon, toi. Comment ça va se passer pour le boulot ? Tu ne vas pas pouvoir faire le service comme ça. » fit Loïc en désignant sa cheville gauche.

Maxine n’y avait pas pensé. Il fallait que demain à la première heure, elle aille chez le médecin pour se faire arrêter. Le médecin de l’hôpital avait dit qu’elle en aurait au minimum pour une semaine.

« En plus, ma voiture est chez toi et je ne vais pas pouvoir la conduire d’ici là.

— Ce n’est pas un souci, tu viendras la chercher en temps utile. »

Et c’est ainsi qu’à la suite de ce week-end, une semaine en pension semi-complète chez Maxine se dessinait pour Loïc.

« Demi-pension, fit son hôte. Car pour le moment, c’est toi qui vas être de corvée de courses ! »

*

Avant d’aller à son appartement, Maxine demanda à Loïc de faire un détour chez sa mère. Elle voulait lui raconter le week-end et en profiter aussi, pour lui soutirer quelques provisions car c’était dimanche, tous les magasins étaient fermés et le frigo de Maxine ne contenait plus grand-chose ou peut-être quelques boites de nourriture pour le chat.

« Je ne sais pas, toi. Mais moi, ça me botte moyennement, les pates au Whiskas. »

Loïc était en phase et accepta de bonne grâce le petit détour.

*

La mère de Maxine ne cacha pas sa surprise lorsqu’elle vit sa fille s’avancer avec ses béquilles.

« Mon dieu, que s’est-il passé ? »

Loïc lui raconta tout l’épisode dans le détail y compris les phases où Maxine était dans les vaps.

« Vous auriez dû appeler. Au moins me prévenir. »

Loïc lui répondit qu’il y avait bien songé mais faute d’avoir son numéro, il y avait renoncé. La mère fut bien obligée de reconnaître cette impossibilité.

« Donnez-moi votre téléphone. » fit-elle.

Loïc le lui tendit et elle, en moins d’une vingtaine de secondes, s’ajouta dans les contacts.

« Adeline, fit-elle.

— Pardon ?

— C’est mon prénom. Je me suis enregistrée avec celui-ci. Vous avez beaucoup de prénoms féminins dans vos contacts. J’espère que vous ne me confondrez pas avec vos autres conquêtes.

— Je serai vigilant. Je le suis déjà quand j’appelle Max. » fit Loïc avec une touche d’humour et en ne cherchant même pas à nier.

Cela amusa beaucoup Adeline car elle avait anticipé une réaction moins mature de sa part.

« Il est vraiment spécial, ton petit gars, fit-elle à l’attention de Maxine. Au fait, y a l’autre qui est passé, jeudi, je crois. Il te cherchait.

— Et tu lui as dit quoi ?

— Que tu étais partie chez une cousine.

— Et elle avait quoi, la cousine ?

— Je n’en ai pas dit plus. Je lui ai dit que s’il voulait des détails, il n’avait qu’à t’appeler. Je l’ai d’ailleurs remis à sa place en lui disant que je n’étais pas une boite aux lettres. Ni son indic d’ailleurs.

— Et il n’a rien dit ?

— Que veux-tu qu’il dise ? Je suis ta mère, pas sa pote.

— Ok. »

Maxine arrêta la discussion après avoir jeté un œil un peu gêné en direction de Loïc. Visiblement, elle ne comprenait pas pourquoi sa mère avait abordé le sujet ici et maintenant. Elle passa au suivant concernant les provisions.

« Pourquoi ne resteriez-vous pas manger ? »

Au regard que lança Maxine à sa mère, Loïc comprit tout de suite qu’elle n’était absolument pas enthousiasmée. Il vint alors à son secours en inventant tout de go, un couple d’ami qui les retrouverait ce soir pour dîner. La mère haussa les sourcils.

« Les jeunes et l’organisation… Vous invitez des gens à dîner alors que vous saviez pertinemment que votre frigo serait vide ?

— À vrai dire, nous n’y avons pas pensé, répondit Loïc en mimant à merveille l’embarras.

— Allez, va voir dans le placard du fond et prends ce qu’il te faut. »

Maxine fit signe à Loïc de la suivre et avança dans le couloir avec ses béquilles.

*

« Sérieusement ! T’étais parfait. Comment tu fais pour mentir aussi bien ? s’exclama Maxine, une fois dans la voiture.

— Je ne suis pas doué pour ça, en général. Mais c’était un cas de force majeure. Alors je pense que ça m’a motivé.

— Va falloir que je me méfie alors. Si je deviens ton cas de force majeure. » fit-elle en riant.

Arrivés à l’appartement, Loïc s’activa avec Maxine sur ses talons. Préparation du repas, lancement d’une machine à laver et rapide rangement de la chambrée. Cette dernière activité fut l’occasion pour Loïc d’opérer à une trouvaille à laquelle il ne s’attendait pas.

« Tu pourrais me ramener mes chaussons, s’il-te-plaît ? demanda Maxine alors qu’elle était encore dans le salon. Je vais en avoir besoin que d’un seul mais, ramène-moi les deux.

— Et où sont-ils ?

— Sous mon lit, je pense. »

Loïc se pencha pour regarder sous le lit et contempla le petit bazar qui y était planqué.

« Dans une boîte à chaussures, blanche ?

— Sûrement. » fit Maxine sans même y réfléchir.

Du moins, durant les quinze premières secondes.

« Non ! N’ouvre pas… Ça… » fit-elle mais en entendant Loïc tenter de s’éclaircir la voix, elle sut qu’il était trop tard.

Quelques instants après, Loïc revint dans le salon avec les chaussons demandés et un grand sourire plutôt moqueur.

« Voilà vos souliers, Miss Potter. Je ne savais pas que tu suivais des cours à l’école de sorcellerie.

— Ah ah ah. Morte de rire.

— une Magic wand, ça sert bien à ça ? Non ? »

Maxine essaya de balancer un coup de pied dans le tibia de son compagnon sans succès.

« C’est une amie qui m’a offert ça. C’était quand j’étais avec l’autre et qu’elle croyait que… »

Maxine ne termina pas sa phrase.

« Bref, voilà… Elle s’était dit que c’était indispensable, étant donné la situation de l’époque. »

Loïc n’aurait pas été contre discuter des options pour qu’il l’utilise sur elle. Il avait trouvé la chose rigolote mais, entendu le ton de Max et vu la gêne provoquée, il s’abstint d’en rajouter une couche.

« Je retourne aux fourneaux. Un désir particulier ?

— Une potion pour t’effacer la mémoire. » fit Maxine avant d’allumer la télévision.

*

La semaine qui suivit, fut entièrement consacrée à la convalescence de Maxine. Ce ne fut guère une partie de plaisir car celle-ci était une mauvaise malade. Pourtant, elle n’était pas trop entravée en vérité, elle pouvait bouger aisément et à partir du jeudi, on aurait largement pu dire qu’elle était complètement rétablie. Le souci pour Maxine était bien entendu de se conformer aux horaires de sortie imposés par l’arrêt de travail. Et ce fut Loïc qui en fit les frais alors qu’il était lui, au boulot. Trois messages SMS par minute, un appel toutes les deux heures voire toutes les heures. Maxine semblait vouloir absolument faire ressentir tout l’ennui et le surplus d’énergie que la situation provoquait en elle.

Pour Loïc, la situation était moins pénible que ce qui pouvait paraître. Il avait parfaitement intégré que si Maxine était ainsi, ce n’était pas entièrement dû à une intention. C’était même pour ainsi dire, principalement indépendant de sa volonté. Il n’y avait donc pas lieu d’en faire une affaire d’état.

Les seuls moments délicats étaient de négocier lorsqu’il y avait un tiers dans la situation, où il était plutôt complexe d’inventer une nouvelle logique pour garder le silence sur la pathologie de Maxine.

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