Chapitre 27

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Lorsqu’il arriva dans l’arrière-salle, Loïc aperçut Maxine, les bras ensanglantés avec tout un tas de tissus divers appliqués çà et là. Il voulut s’approcher mais les deux secouristes lui firent signe qu’il devait rester à distance. L’attitude de Maxine était étrange car même s’il semblait qu’elle avait vu successivement Orson et Loïc apparaître dans la même pièce, elle n’avait pas réagi. Son regard était éteint, presque vitreux.

Sarah était aux côtés de Loïc et observait la scène avec une inquiétude marquée sur son visage.

« Que s’est-il passé ? » demanda Loïc.

Sarah ne répondit pas tout de suite car elle mit une trentaine de secondes à comprendre que la question s’adressait à elle.

« Oh. Je n’ai pas vraiment tout compris ce qui s’est passé. Mais tu vois l’étagère où l’on range tous les verres derrière le comptoir ? On ne sait pas trop comment, ni pourquoi mais elle a cédé et tous les verres sont tombés. Maxine était devant, et je n’ai pas compris ce qu’elle a essayé de faire plutôt que se barrer. Elle s’est pris tous les morceaux de verre sur les bras et avant-bras. Encore heureux, rien sur le visage.

— D’accord et elle est comme ça depuis quand ? »

Sarah tourna son regard vers Loïc pour comprendre ce que ce « ça » voulait dire.

« Tu vois bien qu’elle ne réagit plus, fit-il.

— Elle est comme ça depuis l’accident. C’est Maxine. C’est toujours comme ça, avec elle, répondit Sarah d’un ton qui résonnait d’un certain fatalisme. Tu devrais le savoir mieux que quiconque, toi. Tu vis pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec elle, non ? Tu sais bien… »

Sarah emportée par son accès de jalousie, avait failli franchir la ligne rouge. Elle était pratiquement sûre que Loïc devait être au courant de l’état de santé de son amie. Maxine lui avait dit qu’ils partageaient tout depuis leur week-end à la mer. Il était forcément au courant. Mais là, elle était prise d’un doute.

« Oui, je suis au courant, dit Loïc voyant l’interrogation qui s’était inscrite sur son visage. Je voulais juste savoir. Et lui, qu’est-ce qu’il fout là ? »

Sarah se pencha un peu vers l’avant pour s’assurer que Loïc parlait de la même personne à laquelle elle pensait.

« Pourquoi crois-tu que je t’aie appelé ?

— Tu m’as appelé pour lui ? Et non pour me prévenir ?

— Bah, quel intérêt avais-je à t’appeler toi plutôt que les secours ? Il te manque une case ou quoi ? C’est bien parce que je savais qu’il était en service ce soir que je t’ai demandé de rappliquer. Je t’ai appelé avant qu’on les appelle. Tu voulais un carton d’invitation en prime ?

— Bah, t’en savais plus que moi sur son sujet. Je ne connaissais pas sa profession. Et d’abord. C’est quoi ta crainte ? »

Loïc essayait de remettre les pièces du puzzle dans l’ordre.

« Pour que tu t’assures qu’ils l’emmènent bien aux urgences. » fit Sarah d’un ton qui, même s’il ne se voulait pas énigmatique, l’était et pas qu’à moitié.

Loïc se frotta la tête. Où voulait-elle qu’ils l’emmènent ? Il n’osa pas poser cette question de peur de paraître complètement à l’ouest, et en choisit une autre qui traînait dans sa tête :

« Au fait, comment t’as eu mon numéro ?

— À ton avis, Einstein ? Purée, n’y a pas la lumière à tous les étages, là-haut. Je ne comprends toujours pas ce qu’elle te trouve. »

Le capital sympathie qu’avait Sarah pour Loïc était très réduit et il n’arrangeait pas son cas en posant de pareilles questions. Cependant, elle l’avait appelé, lui, ce soir avec l’idée que ce serait dans l’intérêt de Maxine.

Bientôt Orson se releva et vint voir Sarah.

« On va l’emmener aux urgences. Où sont ses affaires ?

— Je vais les donner à Monsieur, il va l’accompagner. Il pourra la ramener où il se doit, une fois, tout ça terminé. »

Orson tenta d’ouvrir la bouche mais Sarah s’était déjà éloignée pour partir récupérer les affaires de son amie. Il se contenta alors de pousser un soupir. Il jeta un œil sur Loïc en évitant de croiser son regard.

Loïc se retourna et rattrapa Sarah :

« Je peux te demander un service ?

— Demande toujours.

— Je peux te filer les clés de ma bagnole pour que tu puisses la garer un peu mieux ? Elle est en double file avec les feux de détresse en haut de la rue. »

Sarah lui lança un regard noir, exaspérée puis ses traits se détendirent.

« Bon, je crois que le patron peut tolérer que je puisse jouer dix minutes les voituriers mais tes clés, j’en fais quoi après ?

— Tu bosses demain ?

— Le soir, ouais.

— Garde-les, je passerai. J’ai la bagnole de Max dans le garage de toute manière en cas de besoin.

— D’accord. Tu me tiens au courant, de toute façon ?

— À propos de Maxine ?

— Bordel, oui ! Pas du pape ! Et tiens, voilà ses affaires. »

Loïc les prit et rejoignit les secouristes qui avaient posé Maxine sur un brancard et le chargeaient dans le camion. Loïc s’assit sur la banquette du fond en passant devant Orson.

« Je prends le volant ? demanda son collègue.

— Vas-y, je m’occupe d’elle. » fit Orson et il referma la portière arrière.

*

Loïc posa un œil sur Maxine. Contrairement au moment où elle s’était fait mordre par la vipère, elle n’était ni inconsciente, ni shootée aux antalgiques, pour autant, elle n’était pas là. Loïc essaya de lui parler tout bas pour éviter qu’Orson qui l’observait, assis de l’autre côté, l’entende. Cependant elle ne réagissait pas.

« Vous ne l’avez jamais vue comme ça, hein ? finit par dire Orson avec un sourire en coin. Il ne faut pas s’inquiéter, elle va revenir. Dans une ou deux heures. Ça dépendra.

— De quoi ?

— Je ne sais pas. Je suis secouriste pas toubib. Faudra voir ça avec les médecins.

— Elle va bien ?

— Physiquement ? Oui. Il faut juste lui faire quelques points de suture et faudra être vigilant avec le gars ou la fille des urgences. Il faut qu’ils lui fassent ça propre, sinon ça va lui faire de sacrées balafres.

— J’y ferai gaffe.

— Mentalement, ça devrait aussi aller. Enfin… Ni mieux, ni moins bien qu’avant. »

Orson se tut. Loïc se demanda pourquoi, il lui avait adressé la parole. D’évidence, sa présence avait perturbé quelque chose, un certain déroulé dans les événements, c’est ce qu’avait suggéré la remarque de Sarah. S’assurer qu’ils l’emmènent bien aux urgences. Cette phrase n’avait aucun sens à moins de considérer Orson comme une sorte de secouriste-kidnappeur chelou.

Loïc consulta l’heure sur son téléphone. Les minutes ne passaient pas. Enfermés à huis clos avec l’homme, la femme et l’amant dans l’arrière d’un camion qui roulait toutes sirènes hurlantes, autant dire que cette situation en sus d’être loin de l’ordinaire, était à mille lieues d’être confortable. Loïc prenait conscience qu’il y avait encore tout un monde à côté duquel, il était passé. Non pas qu’il fût caché. Juste que lui, n’avait pas daigné s’y intéresser.

C’était quoi la suite ? Loïc n’arrivait pas à savoir ce à quoi pouvait penser Orson. Était-il indifférent ? Sûrement pas. Avait-il pour projet de lui casser la figure, une fois, arrivé aux urgences ? Il en avait la carrure et mais ça ne semblait pas son style. Aucune idée qui pouvait traverser l’esprit de Loïc ne collait.

Une suite de trois chaos successifs assez brutaux le sortit de ses interrogations.

« Putain, Raph… Ralentis, on est un véhicule de secours, on n’est pas censé tuer les patients avant qu’ils n’arrivent sur le plateau des urgences ! Et vous, préparez-vous, on arrive. Sortez la carte vitale de Maxine et celle de la mutuelle, on ne sait jamais. On va en avoir besoin pour faire le dossier d’admission. »

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