Chapitre 6

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Une fois rentrés, Loïc et Maxine se répartirent les tâches : lui s’occupait du dîner et elle, du porte-serviettes. En vérité, Maxine s’était réservé l’opération la plus facile, car de bricolage, il n’était plus question. La fixation étant basée sur un système de ventouse, elle mit moins d’une trentaine de secondes pour faire la pose. En revanche, elle passa un peu plus de temps, à ajouter la décoration supplémentaire et trouver une place pour sa brosse à dents, ses sels de bain et autres bougies parfumées qu’elle avait ramenés dans le même temps.

Lorsqu’elle revint dans le salon, Loïc avait déjà mis le couvert et elle n’eut plus qu’à mettre les pieds sous la table. Il avait préparé des pâtes avec une sauce tomate et des légumes grillés, accompagnées d'un bon vin rouge. Maxine trouva le dîner délicieux et félicita Loïc pour sa cuisine. Ils discutèrent de choses et d’autres, partageant des anecdotes et quelques rires.

Après le dîner, Loïc proposa de regarder un film. Ils s'installèrent sur le canapé, se blottissant l'un contre l'autre, et commencèrent le visionnage.

Au bout d'une heure, Maxine commença à remuer en tous sens. Le film ne la passionnait pas et elle avait envie d’autre chose. Elle se blottit davantage contre Loïc et ce dernier, voyant qu’elle n’allait pas arrêter son remue-ménage, lui demanda ce qu’elle voulait faire.

Il était évident qu’elle n’attendait que cette question, et se levant, elle l’entraîna dans la salle d’eau. Elle avait repéré depuis la première fois qu’elle avait mis les pieds dans cet appartement, le fait qu’en plus de la douche, il y avait une baignoire de belle taille dans la pièce.

« Allez viens ! Je suis sûre qu’on peut tenir à deux. Tu vas voir, ça va te détendre !

— Me détendre ? T’en es vraiment sûre ? » répliqua Loïc avec un regard amusé.

Maxine leva les yeux au ciel en rigolant. Elle commença à ouvrir l’eau. Après avoir déshabillé tout le monde, poussé Loïc au fond de la baignoire et pris deux minutes pour allumer deux trois bougies parfumées pour l’ambiance, elle entra dans le bain en se glissant devant.

« Alors t’es pas détendu comme ça ? fit-elle sur un air de défi.

— Je ne sais pas. Je pense que tu peux faire le constat, toi-même, commenta Loïc le plus innocemment possible.

— Rooh… T’inquiète, je vais m’occuper de ça ! »

Après qu’elle eut pris les choses en main et solutionné astucieusement le problème, ils se laissèrent doucement aller en silence, profitant de la proximité de leurs corps jusqu’à atteindre une sérénité réciproque.

« J’aimerais rester comme ça pour l’éternité, fit Maxine.

— Moi, je suis sûr que non.

— Pourquoi ça ?

— Premièrement parce que si on reste trop longtemps ainsi, nos peaux humides vont se mettre à friper et tu ne vas pas trouver cela esthétique.

— Ça, c’est facile, c’est moi qui me suis grillée toute seule, quand je t’en ai parlé vendredi, mais sérieux, je ne pensais pas que tu t’en souviendrais. Et ?

— Deuxièmement, j’ignore encore beaucoup de choses à ton propos mais l’idée selon laquelle tu serais capable de rester pour l’éternité en mode larve n’est sérieusement pas crédible.

— Alors comme ça, je ne suis pas crédible, fit Maxine en mettant un léger coup de coude dans le flanc de Loïc.

— Aïe. Non. Pas pour ça, en tout cas.

— Tu sais… J’ai horreur quand tu dis la vérité comme ça. En même temps, j’ai l’impression que c’est un peu pour ça que je t’aime. »

Sur cette phrase, il y eut un silence assez long. Maxine venait une fois de plus de faire du Maxine. Balancer de manière totalement anodine ce qu’elle avait dans le cœur, sans le moindre filtre, ni la moindre retenue. En guise de réponse, Loïc l’enserra de ses bras et lui posa un baiser dans le creux de la nuque. Pendant cette parenthèse, Maxine jouait à faire des bulles avec son gant de toilette.

*

Tous les jours suivants se déroulèrent à peu près sur le même schéma que le lundi. Il semblait que Maxine avait voulu profiter de la semaine pour faire une sorte de revue des troupes. En réalité, la rencontre avec le meilleur ami n’était qu’une première étape. Loïc qui s’était imaginé cela sous l’angle de l’humour, dut se mettre à l’évidence d’une chose : ce qu’il avait pris tout d’abord comme une sorte de « je m’en foutisme » par rapport à la norme, ne l’était pas. En vérité, Maxine traçait sa route, fixait le cap et demandait ensuite, à toute la petite troupe qui la supportait au jour le jour, d’amender ses choix. Sur le principe, Loïc trouvait cela sympathique mais une question lui restait dans la tête : que se passerait-il si jamais cette petite cour la désavouait ? Il ne voulait pas jouer les oiseaux de mauvais augure mais cela restait une possibilité. Ce serait à ce moment-là qu’elle aurait besoin de soutien et parmi tous ces gens qu’elle lui faisait rencontrer, lesquels seraient encore là ? Dans tous les cas, lui le serait et il n’envisageait aucun scénario où il pouvait être de l’autre côté de la barrière.

*

Quand arriva le samedi matin aux alentours de onze heures, Maxine comme Loïc dormaient à poings fermés. Comme exceptionnellement, Maxine ne travaillait pas le midi, ils étaient sortis assez tard, faisant la fermeture du pub et se laissant entraîner à boire un dernier verre chez une amie. Ils étaient rentrés à quatre heures et demie du matin avec la ferme intention de s’octroyer une grasse matinée qui déborderait peut-être sur le début d’après-midi. Mais c’était sans compter l’appel téléphonique que reçut Loïc.

« Ouais… fit-il d’une voix ensommeillée en décrochant. Quoi ? Vous êtes où ? Quoi ? Nan, j’ai juste zappé. Ok. À tout à l’heure. »

Maxine redressa la tête et encore endormie, tenta de poser avec ses petits yeux la question qu’elle avait dans sa tête. En fin de compte, elle ne put sortir qu’un « Hmm ? » et pencha la tête en attendant la réponse.

« Ce sont mes parents. J’avais oublié qu’ils devaient venir aujourd’hui. Ils seront là dans une demi-heure.

— Quoi ? fit Maxine en écarquillant le plus possible les yeux. Faut que je décolle alors. »

Elle tenta de sortir du lit et termina coincée entre le rebord de ce dernier et la table de chevet, les pieds empêtrés dans les couvertures. Loïc aurait voulu protester mais le souvenir d’une situation semblable avec Pauline lui revint en tête, et ne voulant pas de conflit, il se contenta de lui dire :

« C’est comme tu veux. Comme tu le sens. »

Il s’approcha de Maxine, l’embrassa et l’aida à s’extirper des draps.

« Comment t’as fait ton compte ?

— Je ne sais pas. J’ai dû faire du tricot avec mes pieds. »

Loïc secoua la tête en se retenant de rire.

« Je file à la douche. Tu me prépares un café. Je le bois et je filerai après.

— D’accord. » répondit-il d’un ton qui laissait transparaître une certaine déception.

Maxine trotta en traversant le couloir jusqu’à la salle de bain tandis que lui se levait pour aller dans la cuisine. Il se passa de l’eau sur le visage et prépara une grande cafetière. Il ferma la porte de la chambre et commença à remettre un peu d’ordre dans l’appartement. Il ne se rendit pas vraiment compte du temps qui passa, mais toujours était-il que Maxine se trouvait encore dans la salle de bain quand la sonnerie de l’entrée retentit. Il se précipita pour ouvrir.

« Salut, firent ses deux parents en chœur. Comment vas-tu ? »

Loïc hocha la tête, les invita à entrer et ce fut précisément ce moment-là que Maxine, n’ayant évidemment pas entendu la sonnerie, choisit pour sortir de la salle de bain dans le plus simple appareil.

« Loïc, j’ai oublié… »

Elle s’arrêta, comme subitement pétrifiée devant les yeux des parents de Loïc qui ne l’étaient pas moins. Ce dernier eut alors le réflexe d’attraper la serviette de bain qui dormait sur l’étendoir à l’entrée du salon et de la lancer pour recouvrir le corps totalement exposé de sa petite amie. Maxine poussa un petit cri, termina de se couvrir avant d’émettre une salutation qui résonnait plus comme une question gênante qu’autre chose :

« Bonjour, moi, c’est Maxine. Enchantée ? »

Les parents hochèrent la tête et bifurquèrent en direction du salon à un endroit où Maxine n’était plus visible.

« Tu peux m’apporter mes affaires qui sont dans la chambre ? »

*

Loïc n’avait pas vraiment réfléchi aux circonstances qui auraient pu l’amener à présenter Maxine à ses parents. Mais même s’il y avait pensé, il n’aurait jamais imaginé que ce fusse dans une espèce de scène digne d’un vaudeville. Mais bon, les événements s'étaient déroulés ainsi et il n'y avait pas grand-chose à faire pour rattraper le coup. De plus, il n'y avait plus rien à cacher à propos de sa petite amie, que ce soit au sens propre ou figuré.

« On n’est venu parce qu’on a appris par ta sœur que tu avais rompu avec… commença par expliquer sa mère.

— Oui. Bah ça va bien en fait, interrompit Loïc alors que Maxine, cette fois-ci, habillée, revenait pointer le bout de son nez.

— Je viens juste boire mon café et je file, fit-elle comme si elle marchait sur des œufs.

— Tu sais, maintenant qu’on en est là, je pense que ce n’est pas la peine de donner l’impression que tu t’enfuis. De toute manière… On s’est loupés et d’une manière qui fera date dans l’histoire des ratages. Et puis, sans mauvais jeu de mots, tu n’as plus rien à cacher. »

Maxine attrapa le coussin du canapé et le lança à la figure de Loïc.

« D’accord, je reste mais ce n’est pas grâce à ton humour. »

*

Ils passèrent donc la journée avec les parents de Loïc, en déjeunant le midi dans une brasserie, et en faisant l’après-midi du lèche-vitrines dans les magasins du centre-ville. Ils terminèrent la fin de soirée, dans un restaurant-grill installé au bord de l’autoroute, « comme quand elle était petite » avait affirmé Maxine. Dans les derniers échanges qu’elle avait eus avec les parents de Loïc, elle avait tenu à les rassurer sur le fait qu’ils pouvaient compter sur elle, pour bien s’occuper de leur fils. Chose qui ne manqua pas de surprendre les intéressés puisqu’ils étaient d’une génération qui ne croyait pas trop aux histoires d’amour instantanées.

Qu’aurait-il pu arriver de plus ? Maxine avait une fois encore marqué les esprits, et fait en sorte, même si c’était un peu contre son gré, que l’on se rappelle comment et pourquoi, elle n’avait rien de commun avec celles qui l’avaient précédée. Mais étrangement, ce ne fut pas la seule chose que Loïc garda en mémoire de ce jour-là car, quand ses parents partirent et qu’il se retrouva à marcher côte à côte avec elle, Maxine avait un sourire jusqu’aux oreilles. Et quand Loïc lui demanda pourquoi, celle-ci lui répondit :

« Parce qu’ils ne m’ont dit aucune méchanceté. »

Loïc avait du mal à comprendre sa réaction car il ne concevait pas que ses parents, un jour, puissent se comporter ainsi. Et quand bien même ils le feraient, ils se retrouveraient bien vite chassés de son univers.

« Tu dis toujours que ce genre de choses ne peut pas arriver. Mais moi, je sais que oui. Cela peut arriver et c’est déjà arrivé. C’est super bizarre mais toi, quand tu dis un mensonge, en fait, dans la réalité, on voudrait bien que ce soit la vérité. C’est pas normal, ça. Et pourtant, j’aime bien. »

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