Chapitre 7

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« Tu ne restes pas ce soir ? demanda Loïc, étonné de voir que Maxine se préparait à partir.

— Non, pas ce soir. J’ai des trucs à faire demain et je bosse le soir. Et puis faut bien que je retourne de temps en temps à mon appartement autrement qu’en coup de vent. J’ai l’impression de louer un garde-meubles en ce moment. Et ma mère va péter un câble si je lui laisse Oust, un jour de plus.

— Tu pourrais l’amener quand tu viens.

— Holà ! Mon p’tit loup, tu ne connais pas Oust. Mon chat, ce n’est pas un chat.

— C’est quoi ? Un tigre ? Une panthère ?

— Non. Mais si je l’amène ici, je te jure que tu vas me supplier en moins de cinq minutes de le renvoyer chez moi.

— Ho, Ok ! faudra quand même que tu me présentes le monstre un jour. »

Maxine acquiesça et en l’embrassant d’un rapide baiser, elle disparut par la porte d’entrée.

*

Loïc se retrouva donc seul avec du temps pour faire des choses. Mais il ne savait pas vraiment quoi. Ces derniers jours, tout l’espace avait été occupé par Maxine, Maxine et encore Maxine. Cela faisait un peu plus d’une semaine qu’elle avait débarqué et il avait l’impression que le temps s’était allongé de manière démesurée. Ce n’était pas que la semaine avait muté en un mois, mais cela avait été surtout comme s’il avait ressenti chaque seconde vraiment dans leur vraie durée, et pas celle qu’on leur octroie d’ordinaire. Dans la vie de tous les jours, une seconde dure une seconde sans y penser. On ne vit pas cette seconde, au mieux, on l’enjambe en croyant que la suivante sera meilleure. Et Maxine arrive au milieu de tout cela, et la seconde, la même qu’on essayait l’instant d’avant de faire passer, on se met à la vivre dans toute sa longueur, sa langueur, son intensité.

Il n’avait jamais ressenti des choses ainsi et cela lui plaisait. Son monde avait subitement le goût du rêve, de l’illusion et du mensonge mélangés. Et il semblait que la perfusion ne fonctionnait qu’avec Maxine dans les parages. Elle venait de s’éclipser et voilà qu’il se remettait à penser au lieu de vivre. Il ferma les yeux et tenta de s’engueuler lui-même. Il croyait connaître les fondamentaux et pourtant, un simple numéro de téléphone sur un bout de papier les avait fait s’effondrer.

Il s’allongea dans son canapé. Il se mit à décortiquer chaque moment de la semaine écoulée et la seule conclusion à laquelle il arriva, ce fut qu’il était tombé amoureux.

*

Maxine n’envoya aucun message et ne passa aucun coup de fil durant toute la journée de dimanche.

« J’ai des trucs à faire. » avait-elle dit sans plus de précision.

Loïc essaya d’imaginer ce dont il pouvait être question mais le champ des possibilités était vaste. Le ton de Maxine n’avait pas été particulièrement enjoué lorsqu’elle avait dit la phrase et même s’il ne tenait pas à dramatiser l’histoire, Loïc se dit que dans la liste des choses pas forcément gaies à faire mais auxquelles on pourrait tenir particulièrement, il y avait le fait d’aller se recueillir sur la tombe d’un proche ou quelque chose dans ce style. Plus il y réfléchissait, plus il revoyait les lèvres de Maxine et l’expression de son visage, plus il était convaincu d’être dans le vrai. C’était comme une intuition.

Sans nouvelles, Loïc trouva le temps long. Il n’osa pas envoyer de message pour savoir si tout allait bien. S’il avait raison sur son hypothèse, il lui apparaissait complètement hors de propos de demander « comment ça allait ». Il finit par trouver une formule en fin de journée juste avant l’heure où Maxine devait reprendre son service.

« J’espère qu’on pourra se recroiser dans le courant de la semaine prochaine. Bon courage. Je t’embrasse. Loïc »

Il dut attendre moins d’une minute avant de recevoir la réponse.

« Ne pense pas que tu vas te débarrasser de moi comme ça ! On se voit demain. XXX »

Loïc laissa son téléphone tomber sur le coussin du canapé. Il sourit : il allait la revoir le lendemain.

*

Comme la semaine précédente, Maxine débarqua vers dix-sept heures trente pour attendre Loïc à la sortie du boulot. L’information ayant circulé toute la semaine, le nombre de fumeurs ayant subitement envie de s’en griller une crût sensiblement. Maxine n’était pas dupe mais elle fit tout de même semblant de ne pas le remarquer.

« Je peux savoir pourquoi toute ta boîte semble se préoccuper de ta vie sentimentale ? C’est juste parce que c’est moi ou bien, c’était déjà le cas avant ? demanda-t-elle, bille en tête quand Loïc se présenta devant elle.

— Salut, toi aussi. Un interrogatoire comme entrée en matière. Un peu rustre mais original. Cela dit, pour répondre sérieusement à ta question, je vais te faire la réponse en trois parties : Pourquoi ? Je ne sais pas. Est-ce que c’est uniquement corrélé au fait que ce soit toi ? Désolé pour ton ego, mais non, c’était déjà ainsi avec Pauline. Enfin, encore une fois désolé pour ton ego mais dans le sens inverse, il semble que tu suscites peut-être une sorte de fantasme ou peut-être que comme beaucoup te connaissent au travers du restau, tu fais partie de leur univers. Je ne sais pas, mais rien que par curiosité, je voudrais comprendre comment certaines personnes peuvent focaliser sur la vie intime de gens qu’elles ne connaissent même pas.

— Si tu te poses cette question, pose-toi deux minutes et pense aux lecteurs de Closer ou Paris-Match pour les plus vieux.

— T’as raison. Je retire ma dernière interrogation.

— Parfois je me dis que cette ville est grande et l’instant d’après, je me rends compte qu’elle est vraiment trop petite. Et encore plus quand tu travailles dans les bars ou la restauration.

— C’est un peu comme si tu devenais une sorte de personnage public.

— Oui mais moi, je n’ai rien demandé. Je n’ai pas nécessairement envie qu’on me renvoie constamment à mon métier. »

Loïc ne sut trop quoi répondre car s’il y réfléchissait de manière honnête ce personnage public était celui qui lui avait permis d’entrer en contact avec elle. Mais bon.

« Que fait-on ce soir ? Une idée du programme ? demanda Loïc pour changer de sujet.

— Tu m’emmènes dans un restaurant romantique pour un dîner en tête-à-tête. La suite dépendra de ça et du reste. » fit-elle.

D’évidence, elle avait déjà son programme en tête mais elle ne voulait pas dévoiler ses cartes dès le départ. Alors Loïc joua le jeu et trouva en quelques minutes une réservation dans un restaurant qui faisait l’angle d’une rue peu passante mais assez coté.

« A priori, on va être seuls dans le restau.

— Pourquoi ?

— Paraît qu’il y a un match et que tout le monde sera devant son petit écran pour le regarder.

— Tous, sauf nous. Du coup, on va aller se balader sur les quais en attendant. Je prendrai des photos, j’ai emmené mon appareil. »

*

Arrivés sur les quais, Loïc put observer pour la première fois la Maxine photographe. L’impression de départ était qu’elle semblait déjà avoir les réflexes des pros. Loïc était loin d’être un expert mais d’un simple coup d’œil, il repérait d’instinct si la posture, l’angle, la position par rapport à la lumière étaient les bonnes ou non.

« Tu prends tes photos avec un thème précis en tête, ou c’est totalement opportuniste ? demanda Loïc.

— Pour l’instant, on est sur de l’opportunisme complet. J’essaie déjà de comprendre toutes les options et les réglages. Je touche à un réglage et je regarde ce que ça a modifié dans l’image. Et là encore, c’est du numérique. Tu imagines combien ça devait coûter de faire des essais en argentique ? »

Ce qu’elle disait était vrai et pour aller même plus loin, peut-être que Maxine n’en était pas tout à fait consciente, la vérité était que si le numérique n’avait pas phagocyté le marché de la photo, elle ne serait pas là à rêver de pouvoir devenir photographe. Si la dictature de l’image était très prononcée à l’époque, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle s’en retrouverait renforcée à l’avenir.

« Tiens. Viens-là, à côté de moi. Regarde-moi. »

Elle tendit le bras au maximum, l’objectif pointé sur eux. Elle entama alors un doux et langoureux baiser, le doigt appuyant sur le bouton qui déclenchait une série de clichés en rafale. Elle stoppa le baiser, se redressa et regarda sur l’écran numérique le résultat. Curieux, Loïc s’approcha.

« Purée, moi qui me trouve d’habitude pas du tout photogénique, je me trouverais presque sexy.

— Du calme, c’est juste parce qu’il y a ta Juliette en face qui fait qu’elle est parfaite cette photo ! fit-elle en riant. En revanche, sérieusement, je te l’enverrai cette série. Avec un peu de retouches, je suis sûre que ça serait de la balle. Si tu fais de l’informatique, tu dois savoir faire ça, non ?

— Je connais les logiciels. Les maîtriser, c’est autre chose.

— J’ai un ordi à la maison. On pourra essayer ? »

Loïc répondit par l’affirmative et il en profita pour lui signaler qu’il était temps de commencer à marcher jusqu’au restaurant car l’heure tournait et celle de la réservation s’approchait à grands pas.

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