Un bonheur sous tension
Le lendemain matin, Rose m’appelle, son inquiétude est perceptible même à travers le téléphone. Mais cette fois, je n’écoute pas vraiment. Son appel est un bruit de fond, une vague lointaine. Mon esprit est ailleurs, absorbé par le souvenir de la nuit précédente, par le corps de Mark, par cette intimité intense qui nous a liés. Le souvenir de nos caresses, de nos murmures, de la chaleur de sa peau sur la mienne, chasse toute autre préoccupation.Je suis ivre de cette nouvelle relation, heureux et épanoui, aveuglé par le bonheur. L’ombre de la nuit passée, de ces disparitions étranges, s’éloigne. Je me laisse emporter par le courant, par l’intensité de nos sentiments, oubliant les signes, ignorant les avertissements.
« Tu m’écoutes ? » La voix de Rose, aigüe et tendue, me ramène brutalement à la réalité. Je m’excuse, sincèrement, pour ma distraction. Elle me fait savoir qu’elle est déjà devant chez moi. Je me précipite pour descendre, m’excusant à nouveau de mon empressement. Dans ma hâte, je m’écorche le bras contre la rambarde de l’escalier, qui est cassée.
Une petite douleur me lance, mais surtout, je ressens une vague soudaine d’inquiétude. La dernière fois que j’ai saigné… Une panique sourde me prend. J’attends, je respire profondément, scrutant mon corps pour le moindre signe d’étrangeté. Rien. Pas de faiblesse, pas de vertige, pas de cette sensation de vide. Le soulagement est immense, presque aussi soudain que la peur.
Je rejoins Rose dehors, l’air apaisé. Elle me prend dans ses bras, m’embrasse tendrement. L’inquiétude s’efface, remplacée par la douceur de son contact. Nous partons ensuite au stade de baseball, où Mark nous attend. Son jeune frère joue aujourd'hui. L’atmosphère est joyeuse, festive.
Le bruit de la foule, le craquement du bois des batte, le cri des joueurs… tout cela me transporte loin de mes angoisses. Pour un moment, au moins, je suis simplement heureux, avec Rose et Mark, partageant une après-midi ordinaire, en apparence banale.. Rose s’éloigne pour aller chercher des boissons. Je profite de l’instant, blotti contre Mark, savourant la chaleur de son corps. Son parfum, un mélange de sueur et de cologne boisée, me berce. C’est dans cette intimité fragile que tout bascule. Une balle, envoyée dans les tribunes par un joueur maladroit, s’abat sur moi avec une force inattendue. Le choc est violent. Le monde se brouille, les couleurs s’estompent, et je m’effondre dans les bras de Mark, perdant connaissance.

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