Merci Bernard !

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"Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont le pistolet chargé et ceux qui creusent… Toi, tu creuses ! » Il n’avait que huit ans, Bernard, lorsque Clint Eastwood prononça cette réplique culte dans Le Bon, la brute et le truand. Cinquante-huit ans plus tard, nul doute : Bernard a toujours fait partie de la deuxième catégorie. A la différence près que lui, il n’a jamais creusé sous la menace mais par nécessité, envie et curiosité. La brute et le truand, il les a rencontrés très vite, dès le début des années 90. L’une et l’autre portaient cravates, jouaient à la marchande à coups de millions de milliards. Un jour de 1994, l’année même où Tapie fit un carton aux européennes, la brute à la grande gueule de lion mit son flingue sur la tempe du truand, lequel tomba à genoux et remisa son armée de bons petits soldats. Bilan : près de mille travailleurs sur le carreau qui, après dix, vingt ou trente ans à transbahuter caisses et palettes ne croyaient pas pouvoir faire autre chose. « Quand on n’est pas le plus fort, il faut être le plus courageux » avait dit Emile Girardin, homme politique et journaliste du dix-neuvième siècle. S’il avait connu Bernard, il aurait ajouté qu’il faut aussi être le plus inventif et savoir jouer collectif. Délégué syndical, il fit face aux lascars sans foi ni loi, participa à la création d’une association et négocia la mutualisation des indemnités de licenciement afin de mettre sur pied une cellule de reclassement digne de ce nom. Une première. Pour faire la nique à l’individualisme. Depuis quelques années, Bernard est en retraite. Il marche. Il donne du temps. Il visite sa fille au Canada. Il prend la guitare. On se voit, de loin en loin. La dernière fois, dans son chez lui coquet, il m’a offert un whisky, désigné la juste place entre deux enceintes, et m’a fait écouter deux trois choses qui le font vibrer. A l’heure de repartir, après une soupe, des rires et un dernier verre, il m’a glissé en cadeau le CD enregistré avec ses poteaux musiciens. Une fois rentré, je l’ai posé et l’objet a attendu son heure. L’hiver est passé et c’est aux premiers trilles du printemps que j’ai écouté. Et aimé. Bernard chante les gens importants (que nous sommes tous, qu’il dit), la cueillette des mots dont il remplit ses paniers, l’amour et les jardins. Bernard est de ces gars qui révolutionnent les mondes, sans tambour ni trompette, avec ténacité. De ces types bons qui secouent le dormi qui nous font enfants trop sages, qui osent les courants d’air et qui bousculent joliment nos petites vies.

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