J’avais sept ans, Pauline trois, et la maison s’apprêtait à accueillir Lucas, mon petit frère.

Une excitation douce et nerveuse flottait dans l’air.

J’étais prête à devenir la grande sœur modèle, à protéger Pauline, et à accueillir ce nouveau bébé avec tout mon amour. Mais Pauline…

Pauline ne l’entendait pas de cette oreille.

À peine avait-elle vu le berceau, qu’elle poussa un cri perçant :

— Non ! C’est MON bébé ! hurla-t-elle, ses petits poings serrés.

Je restai interdite. Elle avait deux ans à peine, et déjà cette rage possessive me coupait le souffle.

— Pauline… doucement… essayai-je, en me penchant vers elle pour la prendre par les mains. — Lâche-moi ! hurla-t-elle, tapant du pied sur le sol.

Maman accourut, essayant de calmer cette mini-tempête :

— Pauline, calme toi, je suis là…

A cet instant elle se mit à crier :

- Non maman, je veux pas de bébé ici, c’est moi bébé à toi !!!

Je voulais parler, et expliquer à Pauline que maman et papa nous aimeraient tous les trois, mais mes mots semblaient absurdes face à sa colère infantile.

Ses larmes coulaient, son petit visage était rouge et boudeur, et pourtant, dans ce cri, je voyais déjà la fragilité et la peur d’être oubliée.

Quand elle se calma enfin, haletante, elle se laissa tomber dans mes bras.

Je la serrai doucement, sentant son petit corps encore tout tremblant.

— Je t’aime, Pauline… même quand tu es fâchée. murmurai-je.

— Moi… moi aussi… balbutia-t-elle, entre deux sanglots.

Ce souvenir reste gravé dans ma mémoire.

Même à deux ans, Pauline avait déjà des accès de colère et de jalousie qui allaient marquer notre enfance.

Et moi, Louison, six ans, je comprenais déjà que mon rôle serait d’aimer, de protéger et de traverser ces tempêtes avec elle, malgré la peur et la douleur que ses colères pouvaient provoquer.

Et de protéger mon frère !

Le pire était à venir, mais je ne le savais pas encore…