Café - Partie 2

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[Edit : j'ai modifié la description du rez de chaussé, en espérant que ce sera assez visuel pour aider à se repérer.]

Plus tard dans la matinée, alors qu’elle travaillait dans son bureau, un bruit de notification fit vibrer le téléphone d’Élise. Elle leva les yeux de ses papiers : un message s’était affiché.

"J’arrive."

Florence...

La jeune femme fronça légèrement les sourcils. Elle n’attendait pas sa sœur aujourd’hui. Mais elle aurait dû s'en douter, évidemment. Elle resta un instant immobile, le regard perdu à travers la fenêtre du bureau, le laissant s'égarer sur les parterres de la cour. Puis elle soupira doucement et replongea dans ses documents, sans grande concentration.

Peu de temps après, Xavier descendait l’escalier, une main effleurant la rampe, l’autre enfoncée dans la poche de son sweat. Il avançait lentement, hésitant sur la direction à prendre. Le grand escalier débouchait dans un angle du hall, vaste et silencieux.

Il s’immobilisa, balaya l’espace du regard. À sa droite immédiate, une porte vitrée donnait sur un salon — ça, il en était sûr. À sa gauche, un mur percé d’une ouverture : si sa mémoire ne le trahissait pas, cela menait au vestibule d’accueil côté cour et au bureau d’Élise. Un espace un peu à part, plus professionnel.

En face, un couloir et une porte grande ouverte d’où montait une odeur de café : la cuisine, il n’avait guère de doute. Enfin, le dernier côté s’ouvrait sur l’entrée principale… et une verrière, non ? Il fronça légèrement les sourcils. Il lui semblait bien qu’elle était là, quelque part de ce côté, mais il ne la voyait pas. Il y avait aussi une bibliothèque, une salle à manger, un cellier peut-être, des toilettes… mais impossible de les replacer avec certitude.

Tant pis. L’essentiel lui revenait. Le salon, la cuisine, le bureau d’Élise : les repères étaient là. C’était suffisant, pour l’instant.

Dans la cuisine, Ernestine leva la tête en entendant les pas dans le hall. Elle apparut à la porte, s'essuyant les mains sur un torchon.

— Bonjour ! Vous avez trouvé votre chemin, à ce que je vois.

Xavier tourna la tête, légèrement surpris. Il la salua d’une politesse un peu raide :

— Bonjour, madame.

Ernestine, derrière son sourire, nota son attitude réservée. Trop distant pour être vraiment à l'aise, trop correct pour être ouvertement désagréable. Elle n’insista pas.

Depuis son bureau, Élise avait tout entendu. Elle sortit dans le hall principal, un sourire en coin.

— Bonjour, Xavier. Bien dormi ?

À sa vue, Xavier sembla se détendre.

— Oui, très bien. Merci.

Il avait la voix un peu rauque, encore teintée de sommeil ou de silence prolongé. Les traits de son visage s’étaient assouplis, mais quelque chose de fermé persistait dans sa posture.

— Tu ne connais pas encore Ernestine, fit-elle en désignant la vieille femme. C’est l’âme du château, et du village aussi. Elle m’aide pour les chambres d’hôtes. Ernestine, voici Xavier, l’ami de Roger, qui va séjourner ici quelques temps.

Xavier esquissa un léger sourire et répondit :

— Enchanté, madame.

Ernestine le détailla un instant de son regard franc, avec cette manière un peu rude de ceux qui prennent le temps de jauger avant de juger.

— Il y a du café chaud en cuisine, dit-elle enfin, en hochant la tête vers la porte ouverte.

— Tu prends un café ? proposa Élise, lui emboîtant le pas pour l'inviter à la suivre vers la cuisine.

Xavier la suivit et y entra sans trop oser s’installer.

— Merci, dit-il enfin, presque à voix basse, lorsqu’Élise lui désigna une chaise haute au bout de la grande table.

Elle proposa du café à Ernestine, qui déclina d’un petit signe de tête. Pour autant, la vieille femme resta dans la cuisine, s’occupant sans hâte de ranger quelques ustensiles propres dans un placard, un œil discrètement tourné vers leur invité.

Élise déposa deux tasses devant eux, remplit la sienne puis celle de Xavier d’un café fumant.

Ernestine, au bout de quelques instants, posa sur la table une panière garnie de mignardises : quelques croissants, des madeleines, avant de retourner à son poste d’observation muet.

— J’étais dans mon bureau, expliqua Élise en relevant la tête vers lui. La porte du vestibule était ouverte, comme il n'y a pas d'hotes, mais généralement ce n'est pas le cas. Les parties privées et publiques sont bien délimitées. C'est important avec un enfant.

Elle allait s’asseoir à son tour lorsqu'un bruit de voiture, suivi du claquement sec d'une portière, retentit à l’extérieur.

Elle se redressa aussitôt, ses traits se tendant imperceptiblement.

— Je reviens, lança-t-elle à Xavier avec un sourire bref, avant de quitter la cuisine d’un pas rapide.

La porte d’entrée s’ouvrit sur Florence sans que la sonnette ait eu le temps de retentir. Elle entrait déjà comme si la maison lui appartenait, claquant presque la porte derrière elle.

Fine, la quarantaine affirmée, Florence portait un pantalon sombre et une veste ajustée, un ensemble sobre mais soigné. Ses cheveux, coupés au carré, étaient maintenus en place avec une précision rigoureuse.

À peine un pied dans la maison, elle lâcha, d’un ton sec à sa soeur :

— C’est quoi cette histoire que m’a dit maman ? Roger n’est même pas là ?

Élise haussa les sourcils, un peu surprise, mais surtout lasse par avance de la conversation à suivre.

— Bonjour frangine. Moi aussi, je suis contente de te voir. Je pensais que tu venais pour moi, mais visiblement non…

Florence ne releva pas la pique. Ses bras croisés sur sa poitrine trahissaient son agacement plus encore que ses mots.

— Tu sais très bien ce que je veux dire. Non mais sérieusement, Élise. Il n’est pas là ? Môssieur travaille ? C’est tout ce que t’as à me dire ?

— Oui, il travaille. Ça se fait, tu sais, en semaine…

Florence plissa les yeux, un geste assumé.

— Encore une fois, tu sais très bien ce que je veux dire.

Élise, un peu tendue, jeta un rapide coup d’œil vers le couloir menant à la cuisine, entrouverte, d’où montait encore l’odeur du café chaud. Elle fit un pas vers le salon, l’invitant discrètement à la suivre pour parler plus à l’écart.

— Viens, on sera mieux là-bas.

Mais Florence ne bougea pas. Elle resta plantée au milieu du hall, raide, les traits tirés, l’attention entièrement absorbée par l’urgence de ce qu’elle voulait dire, sourde à tout le reste.

— Non mais franchement, c’est n’importe quoi. Non seulement il fait entrer ce type dans ta maison, en plus il vous laisse, toi et Florian, vous taper les bornes pour aller le chercher, et maintenant il n’est même pas là ? C’est une blague ?

— Baisse d’un ton, murmura Élise entre ses dents. Déjà, ce n’est pas Roger qui a “décidé”. On a pris la décision ensemble.

— Ah, parce que c’est une décision normale, peut-être ? Loger un meurtrier chez soi ? Et puis, c’est un pote à Roger, non ? Et il reste même pas ? souffla Florence, les yeux brillants de colère, ou d'inquiétude peut-être.

— D’ailleurs, on ne sait toujours pas depuis quand ils sont "potes", à ce point, tous les deux, ajouta-t-elle.

Elle parlait vite, sans filtre, les bras toujours croisés, comme si les retenir à cette hauteur empêchait sa voix de partir en vrille.

— Parce qu’il était où, son Xavier Devry, quand il remplissait des stades à soixante mille personnes, hein ? Parce que c’est bizarre, mais là, on n’en entendait jamais parler, de leur amitié, à ce moment-là. Ou alors c’est bien, ça : c’est pratique, d’avoir des potes dont on se rappelle juste quand on est dans la merde et que tout le monde vous lâche.

Élise serra les dents. Un soupir à peine contenu lui échappa. Si sa soeur continuait à parler comme ça, Ernestine et Xavier l'entendraient... Non, en réalité, ils l'entendaient déjà, cela ne faisait aucun doute. Elle rattrapa Florence par le bras, doucement mais fermement, et l’entraîna vers le salon.

— Viens. On va en parler ailleurs.

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