Café - Partie 3

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Mais alors que Florence allait la suivre, Xavier parut sur le seuil de la cuisine, les traits lissés par une neutralité presque trop parfaite. Les bras croisés, son regard se posa d’abord sur Élise, puis glissa vers Florence.

Élise, dans un réflexe presque inconscient, masqua son trouble derrière un sourire tranquille. Mais elle sentit, dans ses muscles tendus, l’écho d’une peur fugace. Le regard de Xavier accrocha le sien une fraction de seconde de trop. Elle n’aurait su dire s’il y avait perçu le doute, ou si elle l’imaginait.

— Ah, Xavier. Voici ma sœur, Florence.

Xavier inclina la tête, poli, sa posture légèrement en retrait, comme s’il cherchait la bonne distance.

— Bonjour.

Florence resta figée une seconde, interdite. Elle ne répondit pas, les yeux passèrent de Xavier à sa sœur avec une surprise visible. Puis son regard se ferma et elle lui adressa un silence froid en retour.

— Nous étions au café, Florence, dit-Elise à voix égale. Si tu veux te joindre à nous.

Xavier hésita, son regard flottant un instant dans la pièce avant de glisser sur les fenêtres donnant sur l’extérieur. Il fit un léger signe de la main, incertain.

— Merci… mais je pensais aller faire un tour. Visiter un peu le parc, les annexes, si ça ne dérange pas.

— Non, bien sûr. Profites-en. À tout à l’heure.

Il acquiesça. Mais il ne bougea pas tout de suite. Sa silhouette resta là, suspendue sur le seuil, comme figée dans une attente muette : un réflexe, peut-être, une habitude d’avant, où chaque geste devait être autorisé. Puis il s’effaça enfin, lentement. Sans bruit.

Élise attendit qu’il soit sortit, avant de se tourner sur sa soeur.

— Voilà. Tu es contente ? Bravo pour l’accueil, hein !

Florence explosa à voix basse, les bras toujours croisés, plus crispés que jamais :

— Comme si j’allais m’excuser, en plus… Mais dis : il faisait quoi, là, dans la maison ?

— Il vit ici. On l’aura assez dit…

— Pardon ? Florence eut un haussement de sourcils. Il n’est pas censé être , Élise. Il est censé rester dans la partie chambres d’hôtes. C’est ce qui était prévu, non ? Et les clients, d’ailleurs, t’y as toujours pas pensé ? Qu’est-ce qu’ils vont dire, eux, s’ils le croisent ?

— Florence, tu ne vas pas remettre ça sur le tapis encore ? Les clients, ça ne pose pas de problème. S’ils ne sont pas contents, ils partent. C’est tout.

— Ah ben oui, évidemment... Tu n’as pas besoin de ça pour vivre, toi, n’est-ce pas ?

Le ton avait changé. Il était devenu plus acide. Presque acerbe. Mais elle ne lui laissa pas le temps de répondre.

— Mais donc, il faisait quoi dans la partie privée de ta maison ? répéta-t-elle, incrédule.

— Il habite ici, dans la maison, Florence. Pas dans les chambres d’hôtes. C’est mieux.

— Mieux ? Mieux pour qui ? Mieux pour lui ? Pour vous ? Tu te rends compte, Elise ? Il peut arriver n’importe quoi, tu es complètement inconsciente !

Elle marqua une pause, mais seulement pour reprendre de plus belle, la voix un peu plus basse, un peu plus tremblante :

— Et en plus, avec les écoles qui ferment à partir de lundi, tu vas faire quoi, hein ? Antonin va rester là, avec lui ? Dans la même maison ? T’as pensé à ça ?

Élise leva les yeux vers elle. Et cette fois, elle ne chercha plus à calmer ni à temporiser. Elle planta son regard dans celui de sa sœur, sans flancher.

— Tu sais quoi ? Ce n’est pas ton problème. C’est chez moi, j’invite qui je veux.

Florence resta là, bouche entrouverte. Puis elle reprit, d’un ton plus bas, mais plus froid :

— Très bien. Si tu le prends comme ça. Je préfère partir. Mais ne viens pas te plaindre, Élise.

Florence ouvrit la bouche, la referma. Puis, plus bas :

— Ne viens pas pleurer quand un malheur arrivera.

Élise ne répondit pas. Florence détourna les yeux, mal à l’aise sans savoir pourquoi. Elle frisonna, comme si elle venait de dire quelque chose qu’il aurait mieux valu taire, puis recula d’un pas, déjà prête à tourner les talons. Mais elle resta là, malgré tout, les bras toujours serrés contre elle comme un rempart dérisoire. Sa voix tremblait encore.

— Tu ne comprends pas, Élise. Tu refuses de voir ce qu’il est. C’est un assassin, ce type. Il est violent. Il l’a fait une fois, il va recommencer. Je ne comprends même pas ce qu’il fait ici. Je ne comprends pas Roger. Et que toi, en plus, tu cautionnes… Ça m’échappe…

Elle tourna les talons et, n'obtenant pas de réponse, s'en alla sur ces mots.

— Ce n’est pas comme si c’était le seul assassin que tu connaisses, pourtant…, murmura Florian, presque pour lui-même.

Elise, surprise, se retourna. Son cousin se tenait dans l’entrée du hall côté cour, les mains dans les poches. Depuis combien de temps était-il là ? Impossible à dire. Il jetait un regard sur la porte par laquelle était sortie Florence, puis croisa brièvement le regard d’Élise, qui fronça les sourcils, visiblement déconcertée.

— Oh, pardon, Florian, je ne t’avais pas vu arriver… Qu’est-ce que tu as dit ?

— Rien. J'ai arrangé la porte de l'atelier, ça devrait être bon maintenant... répondit-il avant de prendre congé sur un ton désinvolte.

Puis il disparut à son tour, laissant sa cousine dans un état de perplexité.

Un instant plus tard, Ernestine émergea de la cuisine, observa Élise un moment, puis, d’un ton tranquille, fit remarquer :

— Tu devrais venir, Élise. Ton café va refroidir.

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