Chêne
Il était arrivé dans la clairière sans vraiment y penser.
L’arbre s’élevait dans toute sa splendeur silencieuse. Il ne semblait pas avoir pris sa place, mais plutôt l’avoir reçue. Les arbres alentours s’étaient tenus à l’écart, comme s’ils avaient instinctivement reconnu en lui une autorité ancienne, un roi enraciné.
Les mains enfoncées dans les poches, il s’était arrêté là, sans raison précise. Quelque chose dans cette silhouette droite et noueuse captivait son regard. Il suivit des yeux le tronc large et marqué, jusqu’aux grandes branches qui s’élançaient, nobles et patientes, portant des ramifications plus fines comme une pensée qui se perd. On dit que les arbres respirent à l’envers, qu’ils transforment l’air et nourrissent la vie. Cela lui paraissait presque cruel, aujourd’hui...
Un symbole de vie. Quelle ironie !
Il laissa son regard glisser vers la branche la plus massive, qui s’étendait vers l’est, qui semblait l'appeler... Elle était facile d’accès, et suffisamment haute aussi. Son regard glissa sur le tronc, détailla l’écorce rugueuse, les anfractuosités, les prises invisibles qu’on devine sans les connaître. Il pourrait facilement grimper. Mille fois il s’était exercé, enfant. Il savait où poser les mains, où s’agripper.
Un bruissement, léger, le sortit de ses pensées.
— Salut !
Il se retourna, comme tiré d’un rêve. Les deux hommes se détaillèrent un instant.
— Florian, c’est ça ? demanda Xavier.
— Tout juste.
Un sourire bref, une main tendue, une poignée ferme. Puis, en désignant le chêne du menton, Florian ajouta :
— Celui-là, il en a vu passer.
Xavier suivit son regard, mais se contenta d’un hochement de tête pensif en guise de réponse.
— On dit qu’il a plus de deux cents ans, reprit Florian. C’est peut-être vrai, après tout.
Il haussa les épaules.
— Ce qui est sûr, c’est qu’il est encore en pleine forme. À ce rythme, il nous enterrera tous.
Un petit silence s’installa, tranquille.
— T’as eu le temps de visiter un peu ? demanda Florian.
— Je me balade, répondit Xavier. J’essaie de me repérer, surtout.
— Ah ouais, t’as dû remarquer, ici t’es dans la partie privée du domaine. Les hôtes n’y ont pas accès.
Il désigna vaguement un point derrière eux, en direction de la maison.
— Y a la seconde barrière côté sentier, t’as dû voir hier, quand on est arrivés. Le second portail, juste après le parking des chambres d’hôtes.
Xavier ne répondit pas. En réalité, il n’avait pas eu conscience d’avoir franchi deux portails. Tout s’était enchaîné, sans qu’il y prête vraiment attention.
— Et de l’autre côté, ajouta Florian, juste après le jardin, y a une dépendance qui coupe aussi l’accès. Les hôtes peuvent profiter du jardin, normal, il est juste sous leurs fenêtres. Mais le reste du domaine, c’est réservé et hors vis à vis.
Voyant l’air un peu perdu de Xavier, Florian sourit, amusé.
— Dit comme ça, c’est un peu compliqué, hein ?
Il donna une petite tape sur son épaule.
— Allez, si t’as deux minutes, je te fais le tour. C’est plus simple en marchant qu’en expliquant.
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