Hôtes - partie 2

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Ils retrouvèrent Roger dans l’entrée principale, en train d’enlever sa veste. Dès qu’il les aperçut, son visage s’éclaira. Il accueillit Élise d’un baiser tendre.

— Alors ? Comment ça s’est passé ? demanda-t-il en suspendant son manteau.

— Très bien. Un couple adorable, très amoureux. Et notre petit guide a été parfait.

Il lui fallut une seconde pour comprendre, puis il sourit et froissa les cheveux d’Antonin avec affection.

— Bien joué, champion ! Maman va pouvoir te confier les visites maintenant.

Antonin bomba le torse, fier comme un coq. Roger se redressa, son regard accroché à celui d’Élise, plus hésitant cette fois.

— C’est super, j’ai hâte de les rencontrer… mais je parlais de ta journée. Avec Xavier.

Élise croisa les bras, faussement outrée.

— Ah, pardon, j’avais cru que tu parlais des clients. Mais non, évidemment… priorité à ton pote. Message reçu.

— Mais non, c’est pas ce que je voulais dire… Tu sais bien que je suis content pour toi, pour les clients… les premiers de la saison, c’est important… C’est juste que…

Élise lui lança un regard moqueur, sourire aux lèvres.

— Ça va pour cette fois. Mais fais gaffe, hein. Si tu commences à me reléguer au second plan pour ton vieux copain, vous allez finir sous une tente dans le parc. Ou avec un matelas dans ton studio. Il fait encore un peu froid dehors, alors bon, je suis sympa.

Roger eut un rire un peu gêné, mais son air restait soucieux. Il hésita, puis reprit, plus grave :

— Sérieusement… tu sais où il est passé ? Simon essaie de le joindre depuis cet après-midi. Il décroche pas.

Le sourire d’Élise s’estompa. Elle fronça légèrement les sourcils, et remonta mentalement le fil de sa journée : la visite éclair de Florence le matin, le déjeuner avec Ernestine et Antonin, qu’elle était allée chercher entre-temps, et où Xavier n’avait fait qu’une brève apparition avant de filer « se reposer » ; le retour à l’école, les réservations à gérer, les échanges avec l’office de tourisme pour préparer l’accueil presse de mercredi, la sortie de l’école, les discussions sur le trottoir, le goûter, les jeux… Puis l’arrivée des nouveaux clients. Pas une seconde pour souffler.

— Non… j’étais prise toute l’après-midi. Je l’ai juste croisé à midi, il n’avait pas très faim. Il a dit qu’il avait besoin de se reposer. Peut-être qu’il est encore dans sa chambre. Ou alors dans le studio, qui sait ?

Elle tenta de garder un ton neutre, mais une ombre passa dans son regard. Mais oui, où avait-il passé son après-midi, au juste ? Une pointe de culpabilité lui effleura l’esprit, vite balayée. Xavier avait besoin d’espace. De silence. Elle ne pouvait pas être sur son dos en permanence.

Roger jeta un coup d’œil vers l’escalier, l’air soucieux.

— Je vais aller voir. Je sais qu’il avait besoin de calme, mais là… Simon s’inquiète. Et pour être honnête, moi aussi.

Il allait monter, mais Élise lui posa doucement la main sur le bras, le retenant.

— Roger. Il est majeur et vacciné, et accessoirement il sort de prison... Il a juste besoin de souffler, c’est tout. Laisse-le se poser un peu. Ici, il ne craint rien.

Roger resserra machinalement les doigts autour de la rampe. Il resta silencieux un moment, les mâchoires tendues, fixant un point vague devant lui. Puis il murmura, à peine audible :

— Tu sais bien… là-bas, il a déjà essayé. Enfin…

Son regard dériva vers Antonin, un rapide signe de tête suffisant pour dire pas devant lui.

— On ne sait jamais.

Il monta les marches deux par deux. Devant la porte de Xavier, il frappa trois coups secs. Rien. Juste le craquement lointain d’une poutre dans la charpente. Puis, après une attente qui sembla durer des plombes, la poignée bougea et la porte s’ouvrit. Xavier apparut dans l’encadrement, en tee-shirt gris, le visage creusé par la fatigue. Une lumière douce filtrait depuis la chambre, halo pâle d’une lampe de chevet.

— Patch, murmura-t-il avec un demi-sourire.

Roger esquissa un air faussement détendu.

— Je viens d’arriver, je passais te voir. Prendre des nouvelles.

Il enchaîna tout de suite, l’air de rien :

— Ton frère essaie de te joindre depuis tout à l’heure. Il commence à paniquer… Tu le connais... Roger ponctua sa phrase d'un haussement de sourcils entendu.

Xavier passa lentement une main dans ses cheveux en bataille. Ses yeux, encore embués de sommeil, clignaient sous la lumière.

— J’ai dormi. Les cachets… J’ai pas vu le temps passer. Je vais l’appeler, t’en fais pas.

Roger acquiesça, soulagé, sans trop en montrer. Un court silence s’installa. Pas pesant, juste ce genre de pause tranquille où on l’on se comprend sans avoir besoin de mots.

— Le dîner est à 19h. Tu te souviens ?

Xavier hocha la tête.

— Oui. J’aurai le temps d’émerger. Merci d’être monté.

— Normal. Je suis là si jamais.

— Je sais.

Un sourire fatigué passa furtivement sur ses lèvres. Roger posa une main rapide sur son épaule, un geste simple, mais plein de sens.

Quand il redescendit, Élise l’attendait dans le hall, accoudée à la console. Bras croisés, un sourcil levé, elle affichait un sourire moqueur.

— Alors ? Laisse-moi deviner… tout va bien. Mère poule rassurée ?

Roger leva les yeux au ciel, sans réussir à cacher un sourire.

— Vas-y, moque-toi.

— Je me moque pas. Je constate, répondit-elle d’un ton faussement innocent.

Une sonnette résonna doucement. Au même moment, dehors, les phares d’une voiture balayèrent la cour, effleurant les massifs des parterres et la fontaine d’un éclat furtif avant de s’éteindre sur le parking.

— Ah, les voilà ! dit Élise en jetant un œil par la fenêtre du vestibule. C’est le second groupe, les derniers. Tu peux garder Anto pendant que je vais les accueillir ?

Roger adressa un sourire tendre à leur fils et ébouriffa doucement ses cheveux.

— Encore mieux : on y va tous les trois. Hein, bonhomme ? Tu t’en sors comme un chef, maintenant !

Antonin poussa un petit cri de joie et tapa dans ses mains.

— Ouiiii !

— Alors en route ! lança Roger en ouvrant la porte d’un geste théâtral.

Ils sortirent ensemble dans la douceur du soir. L’air sentait la terre mouillée, le calme de la campagne. Autour des massifs, les lanternes jetaient une lumière dorée, dessinant des halos tièdes dans l’onde de la fontaine.

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