15. Emma

16 minutes de lecture

Le "e" final de Assassine commençait déjà à s'effacer. On pouvait le voir depuis les grandes baies vitrées de la cafétéria. Emma contempla la façade tout en remuant la cuillère dans son café noir. Elle n'avait pas vu Raven depuis la veille au matin. Son absence inquiétait certains qui se rendaient à présent compte d'être allés trop loin. Madden, face à elle, était plongée dans son livre. Elle se préoccupait peu de toutes ces choses ; dès que le prénom de Raven se mentionnait, elle tournait les talons et partait loin.

La porte de la cafétéria s'ouvrit. Simon et Léandre apparurent, puis les yeux de ce premier se posèrent sur elle. Elle n'eut pas peur de l'affronter. Ce n'était pas la gifle publique qu'il lui avait donnée qui allait la faire trembler. Elle ne regrettait aucun des mots qu'elle avait dit. Il l'avait blessée, alors elle l'avait blessé à son tour.

Madden venait de relever la tête.

— C'est quoi ce combat visuel ?

Simon ne l'entendit sûrement pas, mais il détourna le regard et alla s'asseoir avec son ami à l'autre bout.

— Quel combat visuel ? demanda-t-elle d'un air détaché.

— On aurait dit un western des années 60.

Emma haussa mollement les épaules. Dans les tourbillons de son café, elle songea à la colère qu'elle avait senti en voyant la photo, à son désir de le détruire, lui arracher ses membres un à un. Il lui avait fait croire qu'elle était importante avant de la jeter comme une merde. Il avait mérité cette réponse. Il avait mérité qu'elle se filme en train d'embrasser un autre garçon, de se faire toucher et désirer comme il l'avait fait deux semaines auparavant. Comment s'appelait-il déjà ? Elle ne s'en souvenait plus. Quelque chose avec un M.

— Il ne t'a pas reparlé depuis ? s'enquit Madden en posant un marque page.

Il l'avait appelé quarante deux fois depuis l'envoi de sa vidéo. Elle avait fini par le bloquer.

— Non.

— Ce qui le classe définitivement dans la catégorie "déchet" du genre masculin.

Sa réflexion la fit sourire. De toute façon, même si elle prenait un appel, il n'aurait rien de nouveau à lui dire. La photo était suffisamment explicite.

Quelqu'un ouvrit la porte en la poussant brutalement. Une veste en cuir, des yeux plus gris que l'orage qui avait éclaté hier. Lucas Layne venait d'imposer le silence dans la cafétéria. Il s'approcha de sa table et frappa ses deux mains contre le bois. La cuillère et Madden sursautèrent en même temps.

— Toi, siffla-t-il. Tu vas arrêter de foutre la merde partout où tu mets le pied.

— Un contexte m'aiderait bien, fit-elle avec un sourire ennuyé.

— Le contexte ? Tu veux vraiment un contexte ?

Il s'éloigna légèrement puis fit face à la cafétéria entière.

— Emma Rovel, ici présente, vous vend gentiment des joints ! N'hésitez pas à le lui en demander si l'envie soudaine vous en prend, elle vous rendra ce service avec amabilité et bienveillance ! Et puis si...

Elle se leva et fit crisser la chaise contre le sol. Lucas se retourna avec une rage largement incrustée. Des bouches s'ouvraient silencieusement, étouffant le scandale. Il avait osé.

— Dégage, prononça-t-elle d'un ton amer.

— Elle a failli mourir par ta faute, cracha-t-il. Encore un peu et le recoin du meuble éclatait son crâne.

— C'est toi l'idiot qui n'a pas su voir à quel point elle était mal en point.

Il s'approcha à nouveau d'un air si imposant qu'elle en eut presque peur.

— Ne me donne pas des leçons de morale sur ce que je dois faire ou pas, Emma. Tu es un poison. Tu as été un poison pour Leila, tu l'es pour Raven. Ne t'approche plus jamais d'elle, tu m'entends ? Plus jamais. Ni de moi, d'ailleurs.

— Va te faire foutre, lâcha-t-elle en lui lançant sa cuillère.

Dans un monde idyllique, elle lui aurait tranché l'artère. Dans ce monde-là, elle rebondit simplement sur son bras. Il retint un rire moqueur et retourna à la porte.

— Tu sais ce qu'on dit. Les plus belles choses sont souvent les plus venimeuses.

Puis il claqua si violemment la porte que les vitres s'ébranlèrent. Emma se rassit, bouleversée par ses derniers mots. Ce n'était pas elle, le poison. Si elle avait donné le joint à Raven, c'était sous la menace. Sa chère petite amie s'était jouée d'elle. Et elle avait eu ce qu'elle voulait, alors pourquoi la faute devait retomber sur elle ?

— Emma, tu m'expliques ?

Et maintenant, la jolie et innocente Madden lui demandait des explications. D'autres continuaient de la regarder avec insistance, choqués comme s'ils apprenaient qu'elle était une junkie.

— Vous voulez ma photo ? lâcha-t-elle assez fort pour que tout le monde tourne sa tête.

Seul Simon continuait de la fixer. Ce fut elle qui détourna le regard.

— Pas un mot à William, dit-elle à Madden.

— Pourquoi ?

— Parce que je l'ai dit.

Elle s'apprêta à prendre son sac pour partir mais Madden la retint par le poignet.

— Depuis quand tu te drogues ?

— Je ne me drogue pas, grinça-t-elle en sentant sa mâchoire se contracter.

— Alors comment as-tu pu en donner à Raven ? Et d'ailleurs, pourquoi Raven est allée vers toi pour...

— Trop de questions tue les questions.

Elle retira sa main dans un geste sec. Simon la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle soit sortie du bâtiment. L'air frais l'aida à respirer. Les rumeurs sur Raven étaient nées de rien, alors elle n'imaginait pas celles qui allaient surgir après cette scène. Lucas n'avait pas fait semblant, il avait tout dévoilé face à des oreilles avides de scandale. Il savait l'effet que ça allait créer. Il attendait de la voir être démembrée, de la même manière que Raven l'avait été. Les plus belles choses sont souvent les plus venimeuses. Sa connerie aussi était venimeuse.

Elle rentra en voiture en sautant ses deux cours d'après. Sasha n'était pas chez eux, l'appartement était donc vide. Des cartons jonchaient l'entrée en attendant d'être transportés dans son nouveau logis. Elle posa son sac dans sa chambre et se servit un verre de Vodka dans le salon. La brûlure de l'alcool dans sa gorge la détendit.

La sonnette retentissante, au contraire, la plongea dans de l'eau glacée. Le contraste fut brusque. Si c'était Madden pour encore lui poser des centaines de question, cela ne valait même pas la peine d'ouvrir. Mais il faudrait qu'il y ait un tsunami pour que son amie manque les cours. Elle alla ouvrir en retenant les questions de son esprit.

Simon Beaulait.

Elle s'apprêta à refermer quand il bloqua la porte d'une main.

— Pars, ordonna-t-elle d'une voix haineuse.

— Pas cette fois, non.

Il s'introduisit à l'intérieur en ignorant sa demande. Son regard balaya rapidement les lieux, s'attardant sur la bouteille de Vodka.

— C'était qui ? questionna-t-il en se recentrant sur elle.

— De qui tu parles ?

— Le mec que t'as baisé il y a quelques jours. C'était qui ?

— Et les filles avec lesquelles tu as passé la soirée, je peux savoir qui elles sont moi aussi ?

— Je te l'aurais dit si tu n'avais pas commencé à m'insulter sur les pistes comme demeurée.

— Non mais laisse tomber en fait, je m'en fous.

Puis tout se passa très vite. Elle sentit en premier les doigts s'enrouler autour de son cou, puis le choc du mur contre son dos. Les vibrations s'étendirent jusque dans ses pieds. Simon avait son visage si près d'elle qu'elle put contempler la moindre nuance de couleur dans ses iris. Son cœur frappait violemment sa poitrine.

— J'ai perdu ma place dans la compétition de Décembre par ta faute.

— Et qu'est-ce que ça peut me faire ? cracha-t-elle.

Ses doigts s'incrustaient peu à peu dans son cou, coupant sa respiration.

— Tu ne vas pas m'échapper, Emma. J'ai fait trop d'efforts pour t'avoir, je ne vais pas te laisser partir si facilement.

— Je ne suis pas ta chose espèce d'idiot, réussit-elle à articuler malgré la prise sur sa gorge.

— Non, mais crois-moi, je sais comment te ramener auprès de moi.

Soudain, il relâcha, et ce fut la moitié de l'oxygène du monde qui gonfla ses poumons. Avant d'avoir eu le temps de se remettre, il lui empoigna le bras et l'assit de force sur une chaise. La force employée fut telle que, dans l'élan, elle cogna sa hanche contre le recoin de la table. Une grimace de douleur traversa son visage.

— Écoute ça, fit-il en levant en l'air son téléphone.

Un léger grésillement indiqua le début d'un enregistrement. Il ne se déroula pas deux secondes avant que la voix de Liam ne s'élève des hauts parleurs.

— Emma, ma douce Emma. C'est intelligent de ta part d'avoir changé de numéro. Je n'arrive pas à te joindre et j'ai appris avec peine que ta chère amie s'était suicidée. J'espère que ce n'est pas à cause de moi, ça me causerait de la peine. Mais venons-en au fait. Je me trouve avec ton petit ami, ou ce que je crois être ton petit ami, que sais-je, parce que je sais qu'il te transmettra le message. La dette de Leila n'a pas été remboursée. Et comme elle est morte, elle ne le sera jamais. Je l'avais prévenue que plus elle attendait, et plus la somme s'élèverait. J'attends donc mes deux cent mille euros, et je les demande à toi puisque tu étais la seule à être là quand l'accord s'est fait. Je m'assurerai que tu paies, crois-moi, j'ai mes propres techniques de conviction. On ne rentre pas dans le jeu de la drogue quand on ne connaît pas les règles. Toi, très chère, tu vas les apprendre et rapidement. Je veux mes deux cent mille euros au plus tôt. La somme augmente de jour en jour, alors file demander à papa les petits billets tout neufs. Ne m'oublie pas !

L'enregistrement s'arrêtait là. Sa hanche ne lui faisait plus mal. C'était son cœur avec ses battements bruyants qui étaient douloureux.

Simon reposa le téléphone sur la table.

— Au début, j'ai été surpris. Je ne pensais pas que tu maintenais un contact avec ces gens-là. Puis j'ai entendu son nom. Liam Restrie. Et j'ai fait le lien avec ton cher ami William.

— Depuis quand date cet enregistrement ? s'entendit-elle demander, ses yeux dansant dans le vide atmosphérique.

— Peu de jours après notre dîner. Il m'a abordé dans la rue. Je ne sais pas comment il a su qu'on se connaissait, peut-être qu'il...

— Liam sait tout ce qui se passe dans cette ville, dit-elle avec toujours cette amertume dans sa bouche. Son réseau est trop large pour que quelque chose lui échappe.

— Pourtant, il n'avait pas ton numéro.

Elle éclata d'un rire sans joie.

— Il aime la mise en scène. Il aurait très bien pu faire les choses simples et venir sonner ici, mais il veut convertir la vie des gens en un putain de drame.

Elle leva lentement son regard sur lui.

— Il a fait exprès de t'aborder. Il savait que tu finirais par t'en servir contre moi.

— Peut-être qu'il a eu raison.

Des frissons froids parcoururent son échine. Elle savait qu'un jour, sa décision d'accompagner Leila dans ses folies allait se répercuter sur elle. C'était toujours pareil de toute manière. Toujours sa faute. Simon prit son menton avec le pouce et l'index pour redresser sa tête. Elle le laissa faire, dégoûtée par lui, dégoûtée par Liam, dégoûtée par la vie.

— Je ne dirai rien à William tant que tu resteras avec moi.

— Et qui te dit que si William l'apprend, ça me fera quelque chose ?

— Parce qu'utiliser son meilleur ami pour prendre contact avec le plus gros dealer de la région n'est pas très gentil. Surtout quand on connaît ses antécédents.

— Tu ne connais rien de ses antécédents.

-Oh je t'en prie, tout le monde sait que William Restrie s'est tué le cerveau avec de la drogue dès son plus jeune âge. Les gens avec qui il a traîné quand il se shootait existent toujours, et certains peuplent les soirées de Memphis.

Elle voulut chasser sa main de son menton mais il ne fit que renfermer sa prise.

— Alors ?

— Alors quoi ? grimaça-t-elle.

— On oublie la photo et la vidéo, on recommence depuis le début ou je m'en vais de suite lui raconter la manière dont tu t'es servie de lui pour obtenir de la drogue ?

— Tu veux me convertir en ton petit pantin désarticulé c'est ça ?

Elle qui croyait que le garçon qui lui tenait la main dans le restaurant était le bon.

— Je ne suis pas un pervers, je veux juste t'aimer Emma. Et tu ne m'as pas laissé d'autres choix que la persuasion.

— Ce n'est pas de la persuasion, c'est du contrôle.

— Appelle-le comme tu veux, je m'en fiche. Au moins, je te laisse la liberté de choisir. Que vas-tu faire ?

Elle le força à relâcher son emprise pour se lever. Sa hanche continuait de lui lancer des signaux de douleurs, mais moindres. Elle le regarda momentanément dans les yeux, sentant la haine affluer dans ses veines et empoisonner son cœur. Puis elle plaqua sa bouche contre la sienne. Il avait la saveur d'une fumée toxique, comme celle qu'on recrachait quand on fumait. Ou peut-être que c'était elle qui avait ce goût sur la langue. Encouragé par ce geste, il entoura ses doigts autour de sa nuque pour l'attirer encore plus contre lui. Elle échappa un gémissement qui ressembla plus à du mécontentement. Puis elle parvint à se dégager.

— Ça te suffit comme réponse ?

— Oui.

Elle s'empara de la bouteille de Vodka et apporta le goulot à ses lèvres. Plus elle buvait, moins elle se rendrait compte de sa situation merdique. Elle était tombée dans un beau piège et maintenant, pour s'en sortir, il fallait attendre. Attendre, toujours attendre. Alors l'alcool faisait passer le temps plus vite.

— La question est, pourquoi c'est Leila qui a demandé cette drogue et c'est toi qui l'a ?

Elle avala une gorgée avec une grimace.

— Parce que tu vois, j'ai toujours été celle à qui on refile les mauvaises choses. Leila vivait avec Madden à cette époque là, et elle avait peur qu'elle tombe sur ça. Alors elle me les a passé sans songer que moi aussi, je risquais gros si mon frère découvrait que j'avais de la drogue dans mon armoire.

Leila était une égoïste perdue et elle, une idiote. Elle s'était servie d'elle tout le long. Mais après tout, quelle différence avec aujourd'hui ? Raven se servait d'elle également puis la vendait à son petit-ami quand les choses devenaient plus grave, et Simon la voyait comme sa possession. Rien n'avait changé.

— Je les lui donnais, au fur et à mesure, continua-t-elle. Elle se servait de la même excuse que toi ou Raven m'avez sorti ces derniers jours. La même phrase, tout le temps. "Je pourrais le dire à William". Le jour où William saura tout, je serai enfin libre.

Elle alla pour boire à nouveau quand il l'arrêta dans son élan, sa main agrippée à son bras.

— Arrête.

— Ou quoi ?

— Ce n'est pas la solution.

Alors elle craqua.

— Pas la solution ? Tu la connais la solution, peut-être ? Toi tu débarques dans ma vie, tu ne connais absolument rien de ma relation avec Leila, absolument rien de ma situation et tu prétends savoir quelle est la solution ? Tu veux que je te dise ? Il n'y a pas une seule putain de solution. Il n'y en a jamais eu, et c'est pour ça que Leila s'est jetée du haut d'un pont, parce qu'elle...

Un hoquet de douleur la coupa dans sa phrase.

— Ne me dit pas que tu comptes faire la même chose ?

Son regard de pitié l'acheva. Elle ferma les yeux pour ne pas l'affronter, pour ne pas voir dans son regard ce qu'elle avait peur de reconnaître.

— Je dois faire semblant, tous les jours, souffla-t-elle, ses doigts toujours crispés à la Vodka. Ma vie entière est un mensonge. Je sais mais je prétends ne pas savoir. Je souris à des gens qui ont détruit mon existence et celle de Leila, j'en regarde certains qui s'excusent pour des choses qu'ils n'ont pas commises et ça me tue, Simon, ça me tue de l'intérieur.

Elle rouvrit les yeux.

— Pour tout avouer, si, j'y ai pensé. J'avais l'intention de prendre la voiture, de rouler à 200km/h pour foncer sur le quai et terminer dans la mer. Ce serait un suicide et on prendrait ça pour un accident.

Simon agrippa plus fort son bras.

— Mais j'ai refusé d'être lâche. Avant de mourir, je veux au moins voir la tête de ceux à qui j'ai menti quand ils découvriront la vérité.

Le silence fut total. On entendait que le bruit des voitures passer sous les fenêtres.

— Lâche-moi.

Quand il retira ses doigts, il y laissa quatre marques rouges, chacune profondément incrustées sur sa peau. Sur son visage se peignait la douleur même, comme si tout ce qu'elle avait dit, c'était lui qui le ressentait. Est-ce qu'elle lui avait fait peur en lâchant tout ce qu'elle avait sur le cœur ? Est-ce qu'il la voyait enfin comme elle se voyait elle, un monstre ? Le regret commença à la ronger.

— Pars, s'il te plaît.

— Je ne veux pas te laisser seule, je...

— Pars je te dis ! cria-t-elle en le poussant.

Il recula de quelques pas. Plusieurs secondes passèrent sans qu'il n'esquissa un geste. Puis, après une longue hésitation, il regagna enfin la porte. Quelque chose sembla vouloir franchir ses lèvres alors qu'il posait sa main sur la poignée, mais finalement, il n'y eut rien. Seulement le silence. Quand le salon fut de nouveau vide, Emma s'assit à côté de la table et se mit à boire. Cela ne fut pas suffisant. Elle ouvrit le frigo, sortit tout ce qu'il y avait de comestible et se mit à manger. La sensation de remplir son estomac la faisait souffrir, mais c'était justement ce qu'elle voulait. Se punir. Elle ne s'arrêta que quand elle se sentit prête à exploser, et à ce moment-là, elle se pencha au-dessus de l'évier et enfouit ses deux doigts dans sa gorge. Pourquoi vivre, au final, si c'était pour vivre comme ça ? Elle eut l'impression de recracher ses organes tellement ce fut douloureux. Sa main tremblante s'accrocha au rebord de l'évier. Puis elle se laissa glisser contre la portière du meuble, se forçant à prendre de grandes inspirations.

Elle se recroquevilla sur elle-même et se mit à pleurer.

Elle resta ainsi plus d'une heure avant de s'inquiéter du retour de son frère ou de Madden. Elle rangea les paquets, jeta tous les emballages qu'elle avait vidé. Après avoir nettoyé la cuisine, elle rangea la bouteille de Vodka à moitié vide et prit une douche. Quand elle en sortit, son frère était déjà rentré. Il était assis sur leur lit, les coudes appuyés sur ses genoux.

— Tu peux me dire pourquoi le frigo est à moitié vide ?

Elle marcha jusqu'à l'armoire et plia soigneusement ses affaires à l'intérieur. L'envie de hurler "assez" la secoua intérieurement, mais elle eut la volonté de s'en empêcher.

— Emma, je te parle.

— Je t'entends.

— Alors réponds.

Elle ferma brutalement la portière de l'armoire et resta là, devant, à hésiter entre s'écraser le crâne contre le bois ou devenir hystérique. Puis on s'étonnait qu'il y ait des fous dans ce monde.

— C'est quoi ces marques sur ton bras ?

— Tu sais quoi ? lâcha-t-elle en se retournant. Tu me poses une question de plus et j'ex...

— Tu caches où la drogue ?

Ses mains se remirent à trembler. Pas de peur. Juste parce que c'était trop à encaisser. Elle ouvrit de nouveau la portière, sortit son sac de voyage. Elle prit la première chose qui lui tombait sous la main, enfouit tout à l'intérieur. Sasha se leva.

— Tu fais quoi ?

— Je me casse.

Quand elle tira deux de ses pantalons, elle aperçut les sachets qu'elle avait mis tant d'efforts à cacher. Alors elle les souleva et les lança sur le lit. Ils s'éparpillèrent sur les draps sous l'œil presque effrayé de son frère.

— Tu voulais savoir où était la drogue ? La voilà.

Cocaïne, amphétamines, cannabis, tout ce que Leila avait voulu acheter. L'origine de toute la merde dans laquelle elle était plongée. Elle referma son sac et sortit de la chambre, Sasha sur ses talons.

— Depuis quand tu as ça ? s'énerva-t-il. Et tu vas où d'abord ?

Elle ne répondit pas, mit ses chaussures, prit son manteau.

— Emma !

Il lui agrippa son bras si fort qu'elle faillit tomber en voulant se dégager.

— Je veux seulement que tu m'expliques, reprit-il plus doucement.

— Non, tu ne veux pas seulement des explications, tu veux comprendre.

— Bien sûr que je veux comprendre, tu es ma petite sœur et je veux savoir pourquoi ce frigo est à moitié vide, pourquoi on parle de toi à Memphis comme d'une dealer et pourquoi tu as ces marques sur la peau ! Je m'inquiète, tu peux comprendre ça toi, non ?

Elle se dégagea dans son moment de faiblesse.

— J'ai trop de choses à gérer dans ma tête pour gérer celles des autres, Sasha. Si tu t'inquiètes, c'est pas mon problème.

Elle passa le seuil de la porte puis dévala les escaliers. Il l'appela mais elle ne se retourna pas, pas une seule fois. Elle se réfugia dans sa voiture puis composa le numéro de Simon. Elle avait honte de recourir à lui, mais il était son unique roue de secours. Et il ne dirait pas non.

— Emma ?

— Je... j'ai besoin de toi, fit-elle en s'efforçant de reprendre une respiration normale. Je me demandais si je... si je pouvais te rejoindre chez toi ou...

— Techniquement ce n'est pas chez moi, mais Léandre n'y verra pas d'inconvénient.

Le soulagement la traversa.

— Merci, souffla-t-elle.

— Je t'aime. Tu le sais non ?

Sa main serra plus fort son téléphone.

— Oui je sais, se força-t-elle à dire. Je t'aime aussi.

Alors c'était ça, la sensation que l'on avait quand on se vendait. Se sentir dériver. Plonger dans un mensonge encore plus grand, s'étouffer avec son propre air. Il raccrocha et une minute plus tard, elle reçut l'adresse.

Il était trop tard pour un retour en arrière.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cassiopée . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0