10 Novembre 1854 Nodachi no shogun 野太刀将軍
Au fil des années, Asuka, Yume, Ime et moi-même poursuivions sans relâche notre lutte contre les Kokū no ikimono, gagnant en puissance à chaque combat. Entre les shogunats corrompus et la haine qui se répandait telle une encre noire sur tout le territoire, les failles se multipliaient, creusant davantage le chaos. Face à l’ampleur croissante des affrontements, je repris le projet de fonder un clan capable de couvrir un territoire plus vaste que je nomma Shadoukuran (Clan des Ombres). Nous espérions un court répit, un moment pour organiser nos prochaines actions, mais les créatures ne nous laissaient guère de répit.
Mes jeunes Messenjāzu, loin de faiblir, redoublaient d’efforts, animées par une détermination farouche à combattre jusqu’au bout. Asuka, elle aussi, s’entraînait sans relâche, et ensemble, nous étions désormais capables d’affronter et de vaincre un grand nombre d’ennemis.
Profitant d’un rare moment de calme au Konfuruento, je partageai ce projet avec Asuka, devenue ma confidente la plus précieuse et ma seconde. Elle accueillit l’idée avec enthousiasme, et nous convînmes qu’il nous faudrait des généraux pour commander le clan, à nos côtés.
Je donnai ainsi naissance à la dernière île de l’archipel, entièrement dédiée au clan, et ordonnai aux villageois de construire dortoirs, arène d’entraînement au combat rapproché et zone de tir à l’arc. Il ne manquait plus que les membres. Asuka me suggéra de nommer deux généraux pour commander respectivement les troupes légères et lourdes, ainsi qu’un général spécialisé dans la reconnaissance et l’infiltration. Plusieurs villageois aspiraient à devenir soldats ; nous les soumîmes à des tests pour évaluer leurs compétences. Beaucoup se révélèrent prometteurs, mais nous n’étions pas encore prêts à les intégrer. Dès que tout serait opérationnel, les volontaires seraient appelés.
À peine avions-nous pris cette décision que le destin nous envoya un premier signe : une faille fut découverte dans la préfecture de Nagano. Accompagnés d’Asuka et des petites Messenjāzu, nous nous y rendîmes et découvrîmes un spectacle effroyable : un bataillon de samouraïs gisait, tombé au combat. Seul un homme, un samouraï d’une quarantaine d’années, encore conscient malgré une grave blessure au ventre, survivait. Asuka s’empressa de le soigner tandis que je lui demandai ce qui s’était passé. Il nous raconta que lui et son bataillon avaient été attaqués soudainement par un groupe de samouraïs noirs aux yeux rouges.
Comprenant la gravité de la situation, je lui expliquai qui nous étions et la nature de nos ennemis, puis lui proposai de combattre à nos côtés. Son regard franc, marqué par l’usure des combats, exprimait une soif de vengeance profonde. Il se mit à genoux et s’inclina devant moi en signe d’acceptation, se présentant sous le nom de Kensei.
Le guerrier se redressa et saisit sa nodachi (long sabre à deux mains), prêt à combattre et à honorer la mémoire de ses camarades tombés. Ensemble, nous partîmes dans le froid nocturne sur les traces des créatures. Soudain, au loin, nous aperçûmes un village illuminé par un brasier gigantesque, d’où s’échappaient des hurlements déchirants. Nous comprîmes rapidement que le village était attaqué par les Kokū no ikimono.
Sans la moindre hésitation, nous bravâmes les flammes pour pénétrer dans le village et engager le combat contre les Heishi aux côtés d’Asuka et de Kensei. Yume et Ime reçurent pour mission de rechercher d’éventuels survivants et de les guider vers le sanctuaire le plus proche.
Au centre du village, à peine visible à travers la dense fumée des incendies, je découvris la faille, aussi imposante qu’une maison de trois étages. Elle était gardée par une créature de type Akuma, gigantesque, armée de deux katanas, entourée de Ryoshu. D’un simple coup de lame, je dissipai la fumée pour mieux distinguer nos ennemis. Kensei s’élança alors contre les Ryoshu, tandis qu’Asuka et moi nous nous concentrions sur l’Akuma.
Le combat contre cette immense créature, haute de plus de quinze mètres, fut l’un des plus éprouvants que nous ayons jamais affrontés. Tandis que je contrais les coups puissants de l’Akuma, je sentis une énergie intense émaner d’Asuka. En brandissant sa naginata, celle-ci s’illumina, et sur son visage apparurent des tracés lumineux, aux teintes identiques à celles de mon armure, ses yeux brillant de la même flamme. Sa maîtrise et sa synchronisation avec l’Ether des Ombres et de la Lumière approchaient dangereusement de ma propre puissance.
Nous étions entourés des flux d’Ether. Elle me regardait, et sans prononcer un mot, ensemble, nous lancions l’assaut contre l’Akuma, déployant toute notre puissance. Nos lames s’entrechoquaient, mêlées à des incantations divines, brisant les katanas de la créature et la coinçant au pied du mur. Enfin, nous la terrassâmes et la purifiâmes à l’unisson.
Puis, nous nous occupâmes des Ryoshu et des Heishi restants, sous le regard stupéfait de Kensei, qui comprenait que notre niveau dépassait de loin ses attentes. Une fois la faille refermée, Yume et Ime revinrent à nos côtés et nous expliquèrent que le village était désert, sans aucune trace de vie. Elles avaient purifié tous les Heishi restant aux alentours. Je les remerciai en caressant doucement le sommet de leurs têtes.
Épuisée, Asuka retrouva sa forme habituelle, laissant échapper les flux d’Ether. Je la pris dans mes bras avant qu’elle ne tombe et elle me demanda ce qui s’était passé. Je lui expliquai alors que nous étions entrés en symbiose lui conféraient une force spirituelle équivalente à la mienne. Ensemble, nous formions le duo ultime.
Nos petites jumelles félicitèrent leur maman, surprenant Kensei. Je lui racontai qu’avant d’être kami et gardienne, nous étions avant tout des parents.
Le samouraï me demanda s’il pouvait nous rejoindre. Je lui proposai de devenir le premier général du Shadoukuran que nous commencions à bâtir. Après un bref instant de réflexion, il accepta. Je l’invitai alors à nous suivre à travers le portail dimensionnel.
Nous prîmes donc la route du retour vers le Konfuruento. Asuka s’était endormie contre moi, et j’en profitai pour expliquer à Kensei la création du clan, ainsi que son rôle de général. Ancien senseï et stratège, il me donna son avis et sa méthode pour entraîner les recrues. Je n’y voyais aucun inconvénient, ayant moi-même formé des novices par le passé.
À notre arrivée sur l’archipel, Dame Ayane, Sofia et Rei vinrent nous accueillir. Kensei se présenta aux prêtresses, et nous fûmes surpris de découvrir une nouvelle facette de ce grand homme barbu : il se mit à bégayer et rougissant devant Dame Ayane, à notre plus grande surprise.
Peu après avoir conduit Asuka au manoir pour qu’elle puisse se reposer, en confiant sa garde à Rei et aux petites jumelles, je fis visiter l’archipel à Kensei. Je lui proposai une demeure au sein du village. En découvrant la splendeur du Konfuruento et l’atmosphère si différente de tout ce qu’il avait connu, il tomba sous le charme, un sourire se dessinant sur son visage rustre.
Le soir même, je l’invitai à dîner au manoir pour mieux faire connaissance. À notre retour, Yume vint nous informer qu’Asuka allait bien et qu’elle se reposait. Je conviai ma petite messagère et Kensei à me suivre dans la cuisine. J’offris un verre de saké et quelques victuailles au général avant de m’atteler à la préparation du repas avec l’aide de Yume. Kensei n’en croyait pas ses yeux de voir le kami qui l’avait recruté aux fourneaux.
Dame Ayane revint me prévenir qu’un invité était arrivé : Hachiman, venu voir comment avançait la création du clan. Sans surprise, il s’installa naturellement à côté de Kensei après nous avoir salué. Après les présentations mutuelles, Dame Ayane lui offrit un verre. L’odeur du repas emplissait la cuisine tandis que nos deux convives discutaient de guerre et de tactiques. Il ne fallut pas longtemps avant qu’ils se rapprochent et deviennent de bons camarades, ce qui ne me surprenait pas le moins du monde.
Kensei me demanda comment cela se faisait que je préparais le repas. Je lui répondis que, même si j’étais un kami, je ne voulais pas oublier que j’avais été humain. Avec Asuka, nous souhaitions garder certaines habitudes et mener une vie quotidienne simple, sans prétention. C’est à ce moment-là qu’Asuka se réveilla et entra dans la cuisine, aidée d’Ime. Elle se sentait encore faible. En m’approchant d’elle, je posai doucement mon front contre le sien et lui souhaitai un bon retour à la maison. Elle voulut m’aider à finir la préparation du repas, mais je refusai, lui disant que pour elle, repos obligatoire. Elle s’installa en face de Kensei sans opposer la moindre résistance, et Yume lui servit une tasse de thé pendant qu’Ime dressait la table. Le repas se déroula dans une ambiance douce et chaleureuse. Kensei nous raconta des anecdotes de sa vie, tandis qu’Hachiman l’écoutait attentivement, et qu’Asuka reprenait doucement des couleurs.
Peu après le repas, je couchai les petites jumelles, puis revins auprès d’Asuka qui observait l’Arbre avec son regard empreint d’émotion. Kensei et Hachiman discutaient de sujets militaires, tous trois installés sur la terrasse du manoir. Je m’assis entre Asuka et Kensei, laissant nos convives partager leurs souvenirs. Je sentis Asuka se poser contre mon épaule, commençant à fredonner une chanson. Son chant doux et affectueux, accompagné du bruissement des cigales, rompit les discussions guerrières. Nous écoutâmes tous le chant de ma gardienne, dégustant du saké, savourant ce moment de calme et de sérénité.
Hachiman se leva et partit se reposer, Kensei fit de même, me laissant seul avec Asuka dont le sommeil avait remplacé le chant. Je la pris dans mes bras et l’emmenai dans son futon, à côté de celui des jumelles profondément endormies, puis je fis de même, marquant ainsi la fin de cette longue journée.
Quelques temps plus tard, une fois la construction des bâtiments du clan achevée, Kensei prit ses fonctions de général et commença à mener les entraînements des nouvelles recrues. Ensemble, nous convînmes de quatre types d’unités : les légères armées de sabres, les lanciers, les lourdes équipées de boucliers, et les archers. Après une longue session de recrutement, les garnisons virent le jour.
Tout en gérant les combats contre les créatures, j’aidai le général avec Asuka, tandis qu’Hachiman vint spécialement pour nous transmettre son savoir en matière d’entraînement. Certains soldats furent choisis pour devenir les gardes du sanctuaire, sous mes ordres directs, d’autres avaient pour mission d’assurer la sécurité au sein de l’archipel, dont la population ne cessait de croître.
Bien que nous n’eussions eu aucun conflit jusqu’à présent, il semblait plus judicieux d’être préparés à toute éventualité. Ainsi, tout esprit ne faisant pas partie du clan et commettant un délit serait intégré comme soldat afin d’expier ses fautes, quel que soit son âge, ou bien serait banni du Konfuruento. Heureusement, nous n’eûmes jamais besoin de recourir à ces mesures, ce qui était sans doute mieux ainsi.
Durant les jours de repos du général, Yume et Ime me firent remarquer que Kensei passait beaucoup de temps au sanctuaire. En explorant les lieux avec mes filles, nous le trouvâmes près du Kagura-Den, discutant avec Dame Ayane, et ils semblaient s’entendre à merveille. Un peu plus tard, Kensei nous retrouva près de l’Emakake (endroit où sont posés les Ema, des plaques votives marquées de souhaits), visiblement embarrassé. Je lui demandai si quelque chose n’allait pas ; il me répondit que tout allait bien avec un regard fuyant. Ime, souriante et à voix haute, lança que le général était amoureux de Dame Ayane, ce qui embarrassa encore plus Kensei et me fit retenir un rire.
Le général acquiesça devant la perspicacité de la petite, tout en nous demandant de garder le secret. Je lui répondis que s’il voulait aimer quelqu’un, il en était libre, et qu’il aurait même ma bénédiction. Mais Kensei était maladroit avec les femmes, n’en ayant jamais eues auparavant. Je lui conseillai d’en parler à Asuka, qui saurait trouver les mots pour l’aider, et je l’accompagnai vers ma gardienne, laissant Yume et Ime aux soins de la prêtresse Aoi.
Nous retrouvâmes Asuka dans les champs de fleurs de l’île aux Sakuras, cueillant quelques bouquets en compagnie de Rei et de Konohana-no-Sakuya, la divinité des fleurs, venue nous rendre visite et nous saluant à notre arrivée. Je pris Asuka à part quelques instants ; elle me demanda s’il y avait un problème. Je répondis avec amusement qu’une mission bien plus difficile que combattre des Kokū no ikimono allait s’annoncer, au grand dam de Kensei.
De retour auprès du général, de Sakuya et de Rei, Asuka questionna Kensei sur ce qui le tracassait. Il nous raconta toute l’histoire : il cherchait un moyen de séduire Dame Ayane, mais ne savait comment s’y prendre. Allongé dans les fleurs aux côtés d’Asuka, profitant de la brise légère de l’île, j’écoutais les conseils des demoiselles tout en sombrant doucement dans le sommeil. Dame Ayane n’était pas du genre à beaucoup parler d’elle, ni de ses envies, préférant faire passer son travail au sanctuaire avant tout. Cependant, elle avait confié à Asuka que le général Kensei ne la laissait pas indifférente, même si elle ne le montrait pas.
En réfléchissant, Sakuya proposa que le général invite Dame Ayane ici, sur l’île aux Sakuras, lors du crépuscule où les couleurs orangées se mêlent aux flux d’éther, afin qu’il puisse se déclarer. L’idée fut immédiatement approuvée par Kensei.
Asuka me réveilla alors, et nous repartîmes ensemble vers le village pour faire quelques achats au marché, laissant à Kensei le soin de décider quand il ferait sa déclaration. Il ne fallut pas longtemps, lors de notre retour au sanctuaire, pour remarquer le général proposer à Dame Ayane de l’emmener sur l’île des Sakuras, un air gêné sur le visage. Nous les vîmes partir vers l’entrée du sanctuaire, ce qui nous fit sourire. Kensei nous remarqua et nous lui souhaitâmes bonne chance d’un geste commun.
Le soir même, tandis que Sakuya jouait avec les jumelles, je restai avec Asuka sur la terrasse du manoir, donnant sur notre jardin, à discuter de ses nouveaux pouvoirs, son état proche du mien et la symbiose parfaite que nous avions formés, nous avions décider ensemble de cultiver ce pouvoir et de le nommer U~eikumōdo, le mode éveil.
Kensei nous rendit visite, un visage radieux, pour nous annoncer que Dame Ayane avait chaleureusement accepté sa demande de se mettre ensemble. Je leur offris ma bénédiction, et nous les félicitâmes ensemble marquant la fin de la journée et le début du nouveau chapitre du général ayant découvert le bonheur.
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