07 Avril 1855 Hi no Senshi 火の戦士

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Durant un entraînement au sabre avec Kensei, Yume vint à moi, me disant qu’Asuka avait ressenti un appel émanant de l’Arbre du Konfuruento pendant une séance de méditation. Intrigué, je m’y rendis sans tarder et constatai qu’une prière, chargée de détresse, provenait de la préfecture de Kanagawa. Inquiète, Asuka me suggéra d’y aller ensemble pour enquêter, car cet appel m’était clairement destiné.

Revêtu de mon armure des Ombres, accompagné d’Asuka et des jumelles, nous franchîmes le Grand Torii et pénétrâmes dans la région concernée. Sur place, nous découvrîmes un vaste domaine dissimulé au cœur d’une forêt de cerisiers, où flottait une odeur âcre de sang frais. Par précaution, nous nous préparâmes au combat.

Au fil de notre exploration, le spectacle s’avéra plus funeste encore que sur les champs de bataille : tous les habitants avaient été sauvagement massacrés. Je fis signe à Asuka d’emmener les filles à l’entrée du domaine, afin qu’elles ne soient pas témoins de cette horreur, bien plus brutale que ce que nous avions pu voir jusqu’ici. J’érigeai alors une barrière protectrice autour d’elles.

Sabre en main, je progressai seul, guidé par une faible voix féminine qui déchirait le silence pesant du lieu. C’était la même voix que j’avais perçue à travers l’Arbre, une supplique désespérée, un appel à l’aide. À mesure que je m’en approchais, la voix se faisait plus distincte, mais le tableau qui m’entourait devenait de plus en plus macabre.

Une présence obscure planait au-dessus de nos têtes, un mal insondable que je n’avais jamais ressenti auparavant, faisant croître mon inquiétude pour mes protégées et pour celle qui implorait secours.

Au bout d’un long couloir, je débouchai sur ce qui semblait être le dojo du domaine. Dans un coin sombre de la pièce, une silhouette s’y trouvait : une jeune femme aux cheveux rouges comme les flammes, gravement blessée par une profonde entaille qui traversait son corps. Elle priait avec difficulté, suppliant silencieusement mon aide.

Lorsqu’elle leva les yeux vers moi, elle poussa un cri déchirant, implorant que je l’épargne, persuadée que j’étais le responsable de ce massacre. Je me présentai à elle, lui expliquant qui j’étais, et compris rapidement que j’étais le kami qu’elle avait appelé à l’aide.

Ne pouvant la soigner sur place, je pris un tissu et lui demandai de comprimer la plaie du mieux possible en attendant de la sortir du domaine pour la confier à Asuka. Elle me raconta alors que l’un des siens, un guerrier de sa famille, s’était laissé emporter par une folie meurtrière. Mais quelque chose clochait : ses yeux étaient d’un rouge sang inquiétant. Elle s’excusa de m’avoir d’abord pris pour le meurtrier.

Je compris à cet instant qu’un Shoji-sha était à l’œuvre. À peine avais-je le temps de lui dire que ce n’était pas grave de m’avoir pris pour le responsable et de lui demander plus de détails que je sentis soudain derrière moi l’aura meurtrière du guerrier, prêt à m’attaquer par surprise. Je ripostai juste à temps, et un combat féroce s’engagea contre ce possédé.

Les attaques du guerrier étaient imprévisibles, déchaînées et sans retenue, mais trahies par de nombreuses failles. Il souriait comme un dément, riant à gorge déployée, en proie à une folie profonde. Il cherchait à me déstabiliser, mais je restais calme, analysant chaque mouvement de cet adversaire possédé.

Infusant mon sabre de l’Ether des Ombres, je tranchai d’un coup net et précis son torse, le fauchant sur le coup. Le Shoji-sha se détacha alors du corps sans vie, sortant de ce dernier pour tenter de prendre possession de la jeune guerrière.

Je lançai aussitôt un Orinasu kage autour de la Créature, l’empêchant d’envahir le corps de la jeune femme, tout en pratiquant la purification divine, arrachant son cœur corrompu pour mettre fin à cette menace.

Une fois le combat terminé, je m’approchai de la jeune femme. Je sentis son cœur ralentir, sa conscience s’effacer peu à peu. Face à l’urgence, je la pris dans mes bras et courus hors du domaine. À l’entrée, Asuka et les filles m’attendaient, le visage marqué par l’inquiétude car elles ont entendu les rires macabres du possédé.

Je levai la barrière pour qu’Asuka puisse prendre le relais et utiliser ses incantations de soin. Malgré la gravité de la blessure, ma gardienne réussit à la stabiliser. Je la pris à part, demandant à Yume et Ime de veiller sur la guerrière, puis lui racontai tout ce qui s’était passé. Asuka fut aussi sous le choc que moi, encore troublés par la violence indicible qui régnait dans ces lieux.

De retour auprès des jumelles, la guerrière ouvrit les yeux. Je lui présentai Asuka, Yume et Ime, et elle nous donna son prénom : Tomoe. Voyant l’entrée du domaine, elle me demanda où se trouvait le meurtrier. Je la rassurai en lui disant que je m’en étais occupé et qu’elle était désormais en sécurité.

Elle tenta de se relever mais la faiblesse la retint, Asuka lui demanda de rester immobile un moment. Tomoe fondit en larmes, consciente d’être la dernière survivante de son clan, rongée par son impuissance face au massacre. Ime la prit dans ses bras pour la réconforter, lui murmurant doucement que ce n’était pas de sa faute. Nous laissâmes Tomoe pleurer autant qu’elle en avait besoin.

Je fis un dernier tour dans le domaine, rassemblant les corps des défunts pour les sortir à l’abri du regards des petites jumelles. Je leur rendis hommage avec des prières solennelles.

Au détour d’une pièce, je découvris une magnifique naginata posée au sol. Pensant qu’il s’agissait de l’arme du chef du clan de Tomoe, je la pris avec moi pour la lui remettre.

En retournant au dojo, je la trouvai au centre de la pièce, une main posée sur son ventre, Avec Asuka et des filles se tenant à l’entrée, la tête baissée, murmurant des excuses. Je m’approchai et posai ma main sur son épaule. Elle releva la tête, séchant ses larmes, et vit la naginata que je lui tendais. C’était l’arme de son père. Je lui dis alors que désormais, elle était sienne.

Son regard changea, passant de la tristesse à celui d’une guerrière assoiffée de vengeance contre les Kokū no ikimono. Je lui proposai de rejoindre notre Shadoukuran en tant que général, pour accomplir sa vengeance et embrasser une nouvelle vie.

En serrant fermement la naginata contre elle, Tomoe accepta. Je l’accompagnai alors jusqu’à l’endroit où j’avais déposé les corps des membres de son clan, afin qu’elle puisse leur adresser ses dernières prières. Puis, nous la ramenâmes au Konfuruento. Avant de partir, j’apposai un sceau puissant sur le domaine de Tomoe, empêchant quiconque aux mauvaises intentions d’y pénétrer, préservant ainsi ce lieu devenu sacré.

Dès notre retour au Konfuruento, Tomoe fut prise en charge par nos prêtresses pour recevoir des soins. Elle nous raconta son histoire : fille d’une longue lignée de samouraïs, elle devait hériter du domaine familial et continuer à servir son pays. Elle avait découvert mon existence lors d’un voyage dans la préfecture de Mie, lorsqu’elle était tombée sur le sanctuaire de Ryoshi.

Élevée parmi des garçons, Tomoe avait adopté un caractère de garçon manqué, visible dans sa façon de parler et sa posture. Ce tempérament, bien que peu commun sur l’archipel, ne pouvait être qu’une force pour nous.

Hachiman était également présent sur l’archipel, aidant Kensei dans les préparatifs du clan. Lorsqu’on lui présenta Tomoe, il lui souhaita la bienvenue chaleureusement et lui proposa de l’aider à s’améliorer une fois rétablie. Tomoe, honorée, accepta sans hésiter cette proposition du kami.

Durant les semaines de convalescence et d’adaptation, Tomoe fut rapidement adoptée par Yume et Ime, qui la considéraient comme une grande sœur — ce qui déstabilisait Tomoe au début mais qui accepta ce rôle de grande sœur. Quant à moi, elle me donna le surnom de « senseï » (maître) et très vite, Asuka et Tomoe se rapprochèrent et devinrent vite amies. Toute la communauté de l’archipel l’accueillit à bras ouverts, notamment le maître forgeron, qui prit soin d’entretenir et d’améliorer la naginata de la nouvelle générale, tout en lui confectionnant une armure adaptée. Même Kensei, d’ordinaire peu démonstratif, lui adressa un chaleureux message de bienvenue, exprimant son impatience de collaborer avec elle.

Ne souhaitant pas vivre seule dans un grand logement, Tomoe choisit de s’installer dans un petit logement au cœur du village, afin de pouvoir participer à la vie quotidienne lors de ses temps de repos.

Asuka et Tomoe passaient beaucoup de temps ensemble, ce qui me rassurait quant à l’idée qu’Asuka puisse avoir une amie proche et goûter à une vie normale, loin des combats et des responsabilités du sanctuaire. Ma gardienne me confia que, malgré ses airs de garçon manqué, Tomoe possédait une douceur insoupçonnée…

Elle savait faire preuve d’une grande sensibilité envers autrui et avait un véritable attachement pour les fleurs. Elle prit rapidement ses fonctions de général aux côtés de Kensei. Entre eux régnait un respect mutuel profond, s’entraidant avec efficacité. Ensemble, ils décidèrent que Tomoe serait chargée des unités légères et des lanciers, tandis que Kensei s’occuperait des unités lourdes et des archers.

Le temps s’écoulait, et nos combats contre le Néant devenaient plus efficaces grâce à mes deux généraux, surtout qu’ils combattaient en parfaite synchronisation, presque sans avoir besoin de communiquer. Je continuais toutefois à superviser les entraînements, épaulé parfois par Yume et Ime, qui mettaient à terre des soldats en combat rapproché avec une aisance déconcertante, au grand étonnement de tous, y compris d’Hachiman.

Parmi les membres du clan, certains surnommaient Tomoe la Hi no Senshi (Guerrière du feu). Son style de combat évoquait une danse ardente, et son regard brillait toujours d’une flamme intense lorsqu’elle combattait, malgré le calme impressionnant qu’elle affichait. Plusieurs soldats lui déclarèrent leur flamme, mais tous reçurent un refus catégorique : pour Tomoe, son unique véritable amour restait le combat.

Tomoe avait pris l’habitude de me défier régulièrement en duel, à mon grand désarroi, mais sous les rires amusés d’Asuka, de mes petites jumelles et du reste du clan. Chaque affrontement était un spectacle impressionnant, où nous déployions toutes nos forces, révélant l’écart immense qui séparait un kami et ses généraux des simples soldats en termes de puissance.

Ces duels se terminaient invariablement par la défaite de Tomoe. C’est Kensei qui m’expliqua que ces provocations n’étaient pas une simple bravade, mais le désir de Tomoe de se mesurer à plus fort qu’elle, afin d’être prête à affronter des créatures de type Doragon au minimum.

Un jour, elle me suggéra d’organiser des tournois de combat dans l’arène. Ce serait une excellente manière de déceler les soldats aux compétences extraordinaires, de s’entraîner et de s’occuper pendant les pauses entre nos raids contre le Néant.

Cela apportait une nouvelle vie à l’archipel, et j’approuvai immédiatement l’idée. Je décidai donc d’organiser le premier tournoi le 5 août 1856. Bien sûr, je ne pris pas part à la compétition, car cela n’aurait pas été juste pour les autres combattants. Contre toute attente, nous eûmes de nombreux candidats, et Kensei assuma le rôle d’arbitre. Le tournoi dura toute la journée, chaque affrontement étant aussi spectaculaire que le précédent. Tomoe, avec son esprit de compétitrice acharnée, participa elle aussi et remporta la première édition du tournoi. Les villageois et les kamis, conviés en nombre, se laissèrent emporter par l’ambiance enfiévrée.

Ce soir-là, alors que je discutais avec Asuka et Tomoe sur la terrasse du manoir, nous remémorant la journée, je pris la décision de faire de ce tournoi un événement annuel, suivant les mêmes règles. Tous les cinq ans, une version plus impressionnante serait organisée, réservée à l’élite, où je participerais en tant que compétiteur, aux côtés des kamis désireux de combattre. C’est ainsi qu’est né le Shadoutōnamento (Tournoi des Ombres), et sa version EX, réservée aux plus grands combattants.

Le 13 mars 1856, le Festival du Konfuruento battait son plein au sanctuaire, un événement attendu avec impatience par tous pour célébrer l’anniversaire de la création de l’archipel. Asuka invita Tomoe à s’y joindre, tandis que je m’y rendais avec Yume et Ime, qui portaient leurs plus beaux yukatas assortis, décorés de motifs floraux.

Au détour d’un stand de takoyaki (pieuvre grillée), j’entendis des forains se plaindre que Tomoe dévalisait les stands de jeux. Quelques instants plus tard, nous tombâmes sur elle et Asuka. Cette dernière ne pouvait retenir son rire tandis que Tomoe, frustrée d’avoir été bannie du stand, tenait dans ses mains une multitude de jouets et peluches. Avec un sourire taquin, elle offrit une peluche à chacune des jumelles et distribua le reste aux enfants du festival, me confiant que c’était bien trop facile de gagner les lots. En guise de remerciement, les petites jumelles la serrèrent joyeusement dans leurs bras.

Comme chaque année, nous nous rendîmes ensuite au stand des masques pour découvrir les nouveautés destinées aux jumelles afin qu’elles puissent compléter leur collection. Le vendeur préparait toujours des masques exclusifs pour elles, et cette année, le thème était celui des Tengu (chien céleste).

La soirée se conclut par le traditionnel feu d’artifice. Je portais Ime dans mes bras, tandis qu’Asuka, fatiguée, se laissa reposer contre moi. Tomoe, quant à elle, portait Yume sur ses épaules. Les explosions illuminaient le ciel d’une beauté sans pareille, sublimées par les flux d’éther qui dansaient parmi les couleurs, offrant un spectacle magique à tous les yeux présents.

En regardant Tomoe, captivée par les lumières qui émanaient du ciel, je pu lire sur son visage de la sérénité, de la reconnaissance et d’apaisement, ses tourments étaient certes encore présent mais elle avait trouvé une méthode pour vivre avec et s’en servir comme d’une force.

Nous étions tous des orphelins dans cet immense monde qui est le Konfuruento mais ensemble nous avions fondé une grande famille.

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