24 Janvier 1860 Kagaku no josei 科学の女性

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Nous entrions dans une période sombre pour le Japon. L’arrivée des Kurofune — ces « navires noirs » commandés par un certain Perry — suivie de la signature des traités inégaux en 1858, annonçait l’arrivée de visiteurs venus de contrées lointaines. Si certains vivants voyaient cela d’un bon œil, pour nous, au sein du Konfuruento, c’était le signe d’une possible augmentation des apparitions des failles.

Bien que le Shadoukuran ait pris de plus en plus d’importance depuis que Tomoe avait pris le commandement des unités légères et des lanciers, nous restions encore limités pour gérer certains combats. Je réfléchissais à des solutions pour pallier ce problème, conscient surtout qu’une ressource cruciale nous manquait: le renseignement, indispensable pour anticiper les attaques potentielles des Kokū no ikimono.

Au début de l’année 1860, plongé dans une étude approfondie du Néant, mes recherches furent brusquement interrompues par Ime. Elle m’alertait qu’une instabilité se faisait sentir dans l’Orijinaruwārudo : les Flux d’Éther environnants étaient agités, et l’Arbre du Konfuruento émettait un tintement frénétique. En consultant l’Arbre avec Asuka, nous comprîmes qu’une forme de maladie mystérieuse se propageait dans un village de la préfecture de Saitama.

Si l’Arbre réagissait ainsi, c’est qu’une Kokū no ikimono, sans doute un type encore inconnu, était à l’œuvre. Par précaution, je confiai Yume et Ime à Dame Ayane. Immunisé aux maladies — tout comme Asuka — nous nous rendîmes dans l’Orijinaruwārudo pour constater les faits.

Sur place, nous découvrîmes un petit village enveloppé d’une sombre brume pourpre. Avant d’y pénétrer, Asuka érigea une barrière spirituelle protectrice autour du sanctuaire du village, purifiant le lieu de la contamination pour en faire un refuge sûr pour les villageois. Ma gardienne resta auprès du sanctuaire tandis que je m’aventurais dans les ruelles à la recherche de survivants. Chaque personne ramenée était purifiée par Asuka du mal qui les rongeait.

Au détour d’une ruelle, je tombai sur une femme aux longs cheveux noirs, vêtue d’un kimono violet, qui tentait de soigner les victimes de la maladie. À mon approche, elle prit peur, redoutant que je sois la cause de ce mal, effrayée par le bruit de mes pas dans la neige. Mais après m’être présenté et lui avoir expliqué la raison de ma venue, elle accepta de me suivre jusqu’au sanctuaire, auprès d’Asuka et des autres victimes que j’avais pu secourir.

En arrivant au sanctuaire, la femme demeura stupéfaite de constater que le lieu était épargné par la brume, et que de nombreux villageois y avaient trouvé refuge en vie. Je lui expliquai que c’était grâce à l’intervention d’Asuka qu’ils étaient ainsi protégés.

La jeune femme se présenta alors sous le prénom de Makoto. Elle se décrivit comme une femme de science, passionnée par l’herbologie et l’étude du potentiel spirituel. Avec son amie d’enfance, elle cherchait un remède aux symptômes de cette mystérieuse maladie, mais ses recherches n’avaient jusqu’ici donné que peu de résultats. Makoto ajouta que son amie avait disparu peu de temps avant l’apparition de la brume. Sans hésiter, elle proposa son aide à Asuka, se mettant à sa disposition pour préparer des remèdes à base de plantes médicinales, afin de compléter les purifications spirituelles, le temps que je découvre la source de cette sinistre brume.

Tandis que la neige commençai à tomber, en explorant le quartier nord du village, je remarquai une silhouette féminine errant dans une rue sombre, tenant des récipients qu’elle lançait au hasard. Malgré l’épaisse brume, je distinguai aisément ses yeux rouges luisants : elle était manifestement sous l’emprise d’un Shoji-sha.

À ma vue, elle engagea la conversation, s’exclamant avec une sombre fierté que la mort et le désespoir qu’elle semait dans ce village étaient son œuvre. D’un geste rapide, elle me lança un flacon que je tranchai en deux d’un coup précis de lame, dissipant aussi la brume et révélant son visage. Sa tenue ressemblait à celle de Makoto ; j’en conclus qu’il s’agissait de sa fameuse amie disparue.

Ivrogne de sa propre création, son sourire macabre déformait son visage, me glaçant le sang. Ne pouvant supporter plus longtemps ce spectacle, je lui tranchai les avant-bras d’un coup sec, puis lui coupai la gorge avant qu’elle ne puisse réagir. J’ai toujours abhorré devoir accomplir de tels actes, mais la situation ne me laissait aucun choix. Je gardais l’espoir de trouver un jour une solution pour sauver les âmes de ceux sous l’emprise des Shoji-sha.

Du corps sans vie émergea alors la Créature que je purifiai sans hésitation. Au sol, trempant dans une mare de sang, je remarquai un bracelet composé de boules de noyer. Je le recueillis pour le remettre à Makoto, puis j’ordonnai une purification massive du village afin d’endiguer l’épidémie grâce à l’Ether de Lumière.

Une fois la brume dissipée, je retournai au sanctuaire. Asuka, inquiète, voulut me voir, mais me trouva marchant d’un pas lourd, la tête basse, en direction de Makoto. Reprenant ma forme humaine, le demi-masque de Oni toujours fixé, je tenais fermement dans ma main le bracelet de son amie.

Lorsque je lui tendis le précieux objet, Makoto fondit en larmes. Je lui présentai mes condoléances, m’excusant de ne pas avoir pu sauver celle qu’elle aimait. Je lui expliquai que son amie avait été sous l’emprise d’une créature du Néant, responsable de cette épidémie.

Peu après, je rejoignis Asuka et lui confiai la haine qui brûlait en moi contre les Shoji-sha, ainsi que ma faiblesse d’avoir échoué à sauver l’amie de Makoto. Elle me prit alors dans ses bras, murmurant avec douceur que nous trouverions une solution pour les prochaines fois, que cette âme était désormais libérée de ses souffrances, et que je ne devais pas me blâmer.

Quelques heures plus tard, Makoto revint vers nous. Elle ne m’en voulait pas d’avoir mis fin aux jours de son amie, mais confia ne plus se sentir à sa place dans l’Orijinaruwārudo, redoutant la solitude. Elle me demanda s’il existait un moyen pour elle de mettre ses talents au service de la lutte contre le Néant.

Je manquai de force pour répondre, encore tourmenté par mes actes. Asuka prit le relais, expliquant que pour cela, Makoto devait entrer dans le Konfuruento, où son corps se transformerait en esprit. Après plusieurs minutes de réflexion, Makoto accepta, sous une seule condition : que je cesse de m’en vouloir, car selon elle, cela ne convenait pas à un kami de se tourmenter pour un acte accompli afin de protéger le Monde. Je me ressaisis alors, et ensemble, nous partîmes vers le Konfuruento.

L’arrivée de Makoto au sein du Konfuruento provoqua un bouleversement majeur pour le clan. Ses études approfondies sur l’Ether lui permirent de développer des pouvoirs spirituels d’un niveau exceptionnel. Elle créa de nouveaux types d’Ether élémentaires, ainsi que les glyphes qui leur étaient attribués : terre, feu, glace, vent et tonnerre.

À sa demande, j’acceptai la construction d’un centre de recherches dédié à l’Ether, avec une salle d’entraînement, que nous installâmes sur l’île du clan. Par la même occasion, je lui offris le titre de général.

Réticente au début, elle accepta après que je lui eus expliqué que ce rôle lui permettrait d’enseigner l’usage des Ethers élémentaires aux membres du clan sensibles à ces pouvoirs. Ainsi, elle fonda la branche des Ēteru shugi-sha (Ethernéistes) du clan.

Makoto prit sous son aile plusieurs femmes sensibles à l’Ether, leur enseignant à s’en servir dans un but stratégique. Je proposai à Makoto et à son unité de privilégier les soins et les frappes d’Ether à distance, réservant le combat rapproché aux situations critiques. Pour cette dernière éventualité, Makoto demanda à Tomoe d’enseigner aux Ēteru shugi-sha l’art du combat au katana, afin qu’elles puissent se défendre efficacement.

En assistant aux sessions de cours de Makoto avec Asuka, nous remarquâmes qu’elle était très appréciée de ses élèves, grâce à son tempérament calme, attentionné et consciencieux. Même mes petites Messenjazu venaient assister à ses cours, simplement pour le plaisir de voir la Masutāīsanisuto (Maître Ethernéiste) à l’œuvre.

C’est durant l’hiver 1860 que Makoto découvrit un moyen de séparer un Shoji-sha de sa victime sans lui infliger la moindre blessure en utilisant l’Orinasu kage. Cette méthode fut mise en pratique peu de temps après, lorsqu’un Shoji-sha prit le contrôle d’un prêtre, transformant un sanctuaire shinto en une secte vouée au Néant et à la luxure. je parvins à extraire le Shoji-sha du corps du prêtre sans difficulté, confirmant que la recherche de Makoto était juste, J’enseignai alors la technique d’Orinasu kage à Asuka pour qu’elle puisse l’utiliser à son tour dès notre retour au sanctuaire.

Comme à son habitude, elle m’impressionna en maîtrisant rapidement la technique ; je reconnus bien là ma gardienne.

Ainsi, ensemble, nous pourrions purifier davantage de Shoji-sha et refermer les failles avec une plus grande efficacité, je remercia Makoto avec les honneurs pour cette grande découverte.

En dehors de son centre de recherche, Makoto vivait simplement dans une petite maison en bordure du village. Elle était très appréciée de tous, en particulier des enfants.

Comme pour Tomoe, Yume et Ime considérèrent Makoto comme une grande sœur, rôle qu’elle accepta avec une grande joie.

On pouvait souvent la trouver, un livre à la main, assise sous le cerisier de la place centrale du village.

Elle avait tissé une forte amitié avec Asuka et Tomoe, partageant régulièrement des moments autour d’une tasse de thé dans le jardin du sanctuaire, ou venant me rendre visite pour discuter de mes recherches sur le Néant.

Un jour d’un calme presque irréel, je me trouvais aux côtés de Makoto, penché sur nos recherches autour du Néant. Dans le silence complice de l’étude, je lui ouvris mon cœur : je lui confiai que la colère sourde, celle qui me rongeait depuis le jour où j’avais ôté la vie à son amie, accumulée à toutes les âmes que j’ai du prendre depuis que je suis un kami, s’était enfin apaisée… ou du moins, s’était tue.

Je lui jurai, d’un serment né de mes entrailles, que jamais plus je ne plongerais quiconque dans une telle obscurité. Car si elle avait su me pardonner, moi, je ne le pouvais. Mon cœur, marqué au fer de la culpabilité, refusait l’oubli.

Makoto m’écouta en silence. Puis, d’une voix douce comme une pluie d’automne, elle me dit que, malgré mes fautes, malgré le fardeau porté pour protéger les Mondes, certains, ici, savaient. Ils savaient pourquoi j’avais agi. Et ils ne m’aimaient pas pour ce que j’avais fait, mais pour ce que j’étais. Parmi eux, il en existait trois — trois cœurs purs — prêts à déposer un baume sur mes blessures les plus anciennes, à effleurer la douleur avec l’amour comme seul remède.

Mon regard dériva alors vers le jardin, ouvert sur l’extérieur comme un souffle de paix. Là, sous la lumière dorée, je vis Asuka jouer avec les petites jumelles. Leurs rires s’élevaient comme des clochettes dans le vent.

Et lorsque ma gardienne tourna les yeux vers moi, son sourire me frappa de plein fouet — lumineux, absolu. Ce simple geste, ce regard empli d’évidence, me murmura une vérité profonde : tant qu’elles seront là, je ne serai jamais seul dans l’ombre. Car elles sont la lumière qui adoucit mes ténèbres, les mains qui retiennent mon cœur avant qu’il ne sombre.

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