13 mai 1865 Yama no ninja 山の忍者
Cette année fut marquée par de sombres événements dans l’Orijinaruwārudo, en grande partie à cause des assauts toujours plus nombreux des Kokū no ikimono. Notre quotidien fut davantage rythmé par les champs de bataille que par la sérénité de l’archipel. Sans le soutien du général Makoto et de son bataillon d’Ēteru shugi-sha, il nous aurait été bien plus difficile de reprendre l’avantage.
Lors d’une bataille dans la préfecture de Gifu, près d’un village caché, nous rencontrâmes Ryu, un ninja du clan de Musashi. Nous ignorions alors que son village avait déjà été ravagé par les créatures. Ensemble, nous formâmes une alliance pour venir à bout de cette sanglante bataille. Mais l’arrivée d’un type Doragon changea la donne : il réduisit le village en cendres avant que nous ayons pu riposter. Fou de rage, Ryu se jeta sur le monstre, parvenant seulement à lui transpercer les yeux et l’aveugler.
Avec Asuka en U~eikumōdo, nous l’achevâmes ensemble, écrasant sous son poids la majeure partie des créatures restantes. Makoto lança une incantation foudroyante ciblée, tandis que Tomoe fonçait dans le tas pour éliminer les derniers Heishi encore présents. Je refermai alors la faille.
Les pertes furent lourdes, aussi bien dans les rangs du clan de Musashi que parmi les nôtres. Nous restâmes auprès de Ryu pour accomplir les rites funéraires des défunts de son clan.
Plus tard, dans sa demeure, Ryu me demanda d’où venait notre armée, car il n’avait jamais entendu parler d’une telle armée dans la région. Il trouvait plus qu’étrange que nous soyons arrivés au même moment que ce conflit. Je lui racontai alors toute notre histoire, et il me confia la sienne en retour.
Son clan était né au début des années 1600, initialement destiné à servir discrètement les différents shogunats. Cependant, en 1750, ils furent bannis à cause d’accusations infondées. Depuis, ils œuvraient dans l’ombre, pour leur propre compte, et s’entraînaient sans relâche, attendant le jour où une guerre éclaterait. Rongé par le désespoir, Ryu avait envisagé de mettre fin à ses jours, ne voyant plus de raison de continuer sans son clan.
Je lui proposai alors de rejoindre le Shadoukuran en tant que général. Il serait chargé de l’entraînement et de la gestion des unités de renseignements et de reconnaissance, et trouverait en cela une nouvelle vie. Il souhaita prendre le temps d’y réfléchir et d’en apprendre davantage sur les Kokū no ikimono et le clan. Je l’invitai alors à me suivre dehors.
Je lui expliquai que la meilleure manière de connaître le clan était simplement de l’observer. Il fut alors stupéfait de voir les membres du clan en plein nettoyage du village : Makoto soignait les blessés, Asuka priait pour les âmes des défunts, Tomoe et Kensei aidaient les soldats à dégager les passages. L’ambiance qui régnait était calme et respectueuse.
Ryu me demanda pourquoi ils faisaient cela. Je lui répondis que le clan ne se composait pas uniquement de guerriers avides de combats ; nous étions là pour protéger et aider les vivants de l’Orijinaruwārudo face aux Kokū no ikimono, et ce qu’il voyait n’était que la partie visible de notre mission.
Alors que nous discutions des créatures, Yume et Ime arrivèrent en courant, me sautant dans les bras. Asuka apparut à ce moment-là, d’un pas serein, s’excusant avec amusement pour le comportement espiègle des filles. Je présentai donc à Ryu mes deux petites filles adoptives, ainsi qu’Asuka, ma plus fidèle amie et mère adoptive des petites jumelles.
Ryu, comprit que le clan faisait passer les autres avant soi-même. Ime, dans toute sa franchise, lui demanda s’il voulait venir avec nous, car elle ne voulait pas qu’il se retrouve seul. En regardant le soleil se coucher, Ryu accepta l’invitation de la petite messagère, expliquant que ses arguments avaient plus de poids que les miens, ce qui nous fit rire. Il est vrai que les paroles d’une jeune demoiselle peuvent parfois être plus convaincantes que celles d’un kami.
Ensemble, avec le clan, nous terminions de remettre de l’ordre dans le village de Musashi. Avant de partir, j’apposai un sceau de protection, à l’image de celui que j’avais placé sur le domaine de Tomoe.
De retour sur l’archipel du Konfuruento, Ryu fut accueilli par la douceur de l’atmosphère et les sourires chaleureux des prêtresses. Il semblait mal à l’aise, se cachant sous sa cagoule. Je posai alors fermement ma main sur son épaule et lui fis un clin d’œil pour le rassurer. Il me confia que l’ambiance dans son village était bien différente : plus sombre, moins joyeuse.
Peu après cet accueil, Asuka partit s’occuper de ses prêtresses, tandis que, avec l’aide de Yume et Ime, je fis visiter à Ryu l’île du clan ainsi que les différentes structures qui la composaient. Nous allâmes ensuite voir les artisans pour lui faire construire sa demeure, lui proposant en attendant de loger au manoir.
Pendant notre promenade sur l’archipel, nous croisâmes Kensei et Dame Ayane sur la place du village, heureuse de revoir le général, suivis de Tomoe, qui discutait avec le forgeron pour améliorer son arme.
Devant un étal de fruits, Ryu me demanda s’il était normal qu’aucune réunion n’ait eu lieu dès notre retour, et que nous semblions agir comme si la bataille d’il y a quelques heures n’avait jamais eu lieu. Pendant que j’achetais des pommes, je lui répondis que la priorité était avant tout la famille, les amis et la vie tout simplement.
Nous nous installâmes sur un banc sous le grand cerisier de la place centrale pour déguster les fruits. Yume, assise entre Ryu et moi, lui raconta des histoires du Konfuruento qu’il écouta avec une grande attention. Ime, posée sur mes genoux, mangeait sa pomme, tandis que la vie paraissait bien plus paisible ici que dans l’Orijinaruwārudo.
Asuka nous rejoignit, ayant fini ses tâches. Je la félicitai et lui offris la dernière pomme que je venais d’acheter. Elle s’installa à mes côtés, et Yume se blottit sur les genoux de sa mère. Avec son tendre sourire habituel, elle demanda à Ryu ce qu’il pensait de notre archipel. Il répondit avec franchise qu’il l’aimait beaucoup et qu’il s’y sentirait bien même si il n’étais pas habitué à voir un environnement si calme et serein, le regard perdu dans les aurores boréales flottant au-dessus de nous.
Après notre tour de l’archipel, ponctué de nombreux arrêts pour discuter avec les villageois, nous sommes retournés au manoir. Yume et Ime tenaient absolument à montrer leur collection de masques à Ryu, alors Asuka et moi-même lui confiâmes nos filles pendant que nous préparions le repas. Pour marquer le coup, Asuka avait décidé de cuisiner une fondue japonaise. J’aimais ces moments passés ensemble en cuisine, aussi chaleureux que les fumées douces qui embaumaient la pièce. Parfois, j’entendais Asuka fredonner de tendres mélodies, rendant l’atmosphère encore plus agréable.
Yume et Ime revinrent dans la cuisine, suivies de Ryu, le visage marqué par la fatigue. Il était clair que nos petites tornades lui avaient donné du fil à retordre, mais dans la bonne humeur. Avec un sourire, Asuka annonça que le repas était prêt et demanda aux jumelles de dresser la table. Portant le plat de fondue, je souhaitai au ninja la bienvenue dans la famille avec un enthousiasme sincère.
Le repas se déroula dans une ambiance conviviale sous le chant des cigales et la lumière des lucioles, et se conclut par une dégustation de saké sur la terrasse du manoir. Là, nous discutâmes de son rôle de nouveau général du clan ainsi que des secrets des Kokū no ikimono. Il décida alors de commencer dès que possible. Je lui proposai d’abord de faire un détour par le centre de recherche du général Makoto, afin de déterminer s’il possédait une affinité avec l’éther — un atout qui pourrait lui être précieux sur le terrain.
Le lendemain, nous nous rendîmes auprès de Makoto. Elle fit passer des tests à Ryu et découvrit qu’il avait une affinité avec l’Ether. Elle lui proposa d’essayer les glyphes élémentaires en lui expliquant comment procéder. Seuls ceux du feu et du tonnerre répondirent à son appel. Ryu reçut alors un entraînement spécial avec Makoto pour développer ses pouvoirs et créa les ninpos, une forme différente, plus discrète, qui ne requérait pas l’usage visible des glyphes. Avec la Masutāīsanisuto, ils façonnèrent le Kaminari kekkai ninpō (Ninpo de la barrière de foudre) ainsi que l’Hiryū ninpō (Ninpo du dragon de feu).
Peu après, je lui concédai un bâtiment pour former ses unités. Kensei et Tomoe n’hésitèrent pas à lui dire qu’en cas de problème, il pourrait compter sur eux. La session de recrutement fut lancée. Étant donné la pratique des ninjas, les tests de sélection furent plus exigeants, axés sur l’infiltration, la discrétion et l’utilisation d’outils spécifiques.
Seules vingt personnes furent reçues, dont deux soldats aux compétences particulièrement impressionnantes : Joe et Momiji. Tous deux étaient sensibles à l’Ether — Joe développa les glyphes du vent et de la terre, tandis que Momiji perfectionna ceux du feu et de la glace. Ryu fit d’eux ses ninjas d’élite. Avec Makoto, ils travaillèrent ensemble pour explorer les combinaisons possibles entre différents glyphes depuis la découverte des ninpos.
C’est ainsi qu’est née l’unité de reconnaissance et de renseignement du Shadoukuran. Leur mission consistait à s’infiltrer partout dans l’Orijinaruwārudo pour prévenir les invasions de Kokū no ikimono ou débusquer les Shoji-sha. Je leur donnais l’autorisation d’agir dans la limite du possible : protéger les vivants, œuvrer dans l’ombre et éviter tout danger inutile.
Je supervisais les différents corps du clan, intervenant parfois comme instructeur et comme adversaire durant les entraînements.
Le moral des troupes était au plus haut, et rapidement, le clan se composait de guerriers prêts à combattre. Les effectifs s’organisaient ainsi :
- Unités d’assaut légères de Tomoe : 200 soldats spécialisés contre les U~ōkā et les Heishi.
- Unités d’assaut lourdes de Kensei : 300 soldats spécialisés contre les U~ōkā, les Heishi, les Ryoshu et les Doragon.
- Unités d’ Ēteru shugi-sha de Makoto : 30 soldats, apportant un soutien à distance autant en combat que en défense.
- Unités de ninjas de Ryu : 20 soldats.
Pour un total de 550 soldats, ce qui nous semblait largement suffisant pour affronter le Néant, sachant que la plus grande bataille que nous avions eue à mener comptait environ 400 Kokū no ikimono ennemis.
Il aura fallu un peu plus de deux siècles pour ériger ce clan, mais cela en valait la peine. Lors d’une réunion stratégique avec Asuka, Yume, Ime et les Généraux, Tomoe fit remarquer qu’il nous manquait un élément important : notre emblème. Kensei confirma ses dires, tout comme Ryu et Makoto.
Nous prîmes le temps d’y réfléchir ensemble. Makoto suggéra d’utiliser mon casque comme référence. Je leur expliquai que lors de ma renaissance, le masque de crâne était apparu de mon désir d’implanter la peur dans le regard des Kokū no ikimono.
Le casque avait été conçu peu avant l’arrivée d’Asuka. Il fut décidé à l’unanimité que nous utiliserions l’image de mon casque sur un fond blanc et rouge, sans aucune objection. La nouvelle se répandit alors comme une traînée de poudre.
Pendant mes rares moments de répit, je m’isolai dans la bibliothèque pour esquisser notre emblème. Dessinant à la main, je reproduisis mon casque à la perfection, y ajoutant les détails que nous avions définis ensemble. Une fois l’esquisse achevée, je la présentai à Asuka qui l’approuva d’un doux sourire, tandis que Yume et Ime, bien qu’impressionnées, le trouvèrent un peu effrayant… ce qui signifiait qu’il était parfait.
Je le fis ensuite valider par les généraux — aucun ne s’opposa au design, bien au contraire. Accompagné de Tomoe, nous descendîmes au village afin de passer commande auprès des maîtres tisserands pour confectionner les étendards, et chez les armuriers pour qu’ils puissent peindre le symbole sur les armures de nos soldats.
Ainsi, le Shadoukuran avait enfin son emblème et était prêt pour toutes les batailles à venir.
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