California dreamin'

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« C'est sex /

So sex... » (1)

***

La piaule d'un motel sans charme, échoué sur la Route 66.

Un paddock vintage, une chaleur écrasante.

A mes côtés, une fille en tenue d'Eve gémit dans ses rêves, les paupières encore trop lourdes de sommeil.

Moi aussi je suis à poil, le corps en sueur mais sans la moindre envie lubrique.

J'ai déjà dû l'assouvir la veille.

Des images en flash-back me reviennent alors en mémoire, des images qui crépitent comme des stroboscopes syncopant un dance-floor dans mes nuits nébuleuses...

***

« Aéroport, aérogare /

Mais pour tout l'or m'en aller... »

***

Une voix cristalline crachouille en sourdine dans le transistor.

Je me souviens de la cabine, des jambes trop longues et court-vêtues de la fille qui point-phonait sous mes yeux alors que je venais juste de débarquer à L.A, et que je longeais lentement les docks, le bras accoudé à la portière de ma Mustang 64.

La fille quitta la cabine et tendit le pouce pour stopper ma bagnole, mon pare-choc chromé manqua presque de lécher ses gambettes quand je tapai dans les freins.

Aucunement effarouchée par ma « presqu'étreinte », elle contourna l'interminable capot de mon rutilant cabrio avant de m'arracher mes sun-glasses :

— Alors, beau brun, tu m'emmènes quelque part ?

***

« Changer d'optique, prendre l'exit /

Et m'envoyer en Amérique /

Sex-appeal, c'est Sunset /

C'est Marlboro qui me sourit... »

***

Sa clope au bord des lèvres, délicatement glossées, la fille jeta son sac à main sur la banquette arrière et s'installa sur le cuir craquelé du siège passager.

Et moi (émoi ?), je zieutai ses jolies jambes avant d''engager une vitesse pour démarrer sur les chapeaux de roue.

De là à passer la seconde direct et lui proposer le septième ciel en version décapotée, il n'y avait qu'un pas que je franchis de ce pas, émoustillé...

***

« C'est sexy le ciel de Californie /

Sous ma peau, j'ai L.A en overdose /

So sexy le spleen d'un road-movie /

Dans l'rétro, ma vie qui s'anamorphose... »

***

Sans vergogne, je taquinais les quatre-vingts miles à l'heure pour échapper au temps et à toutes les petites pépées que je m'étais jadis envoyées sur la Côte ; il n'y avait plus qu'elle qui comptait.

***

« C'est l'osmose, on the road /

De l'asphalte sous les pieds... »

***

Y avait la route qui défilait, elle suspendue à mon cou, lovée tout contre moi.

C'est après que je l'ai baisée, bien après notre virée « Pacifique Palissade », dans cette piaule, un peu à l'étroit.

Après l'avoir déshabillée de mes doigts, après sa vodka-orange et ses deux ou trois cigarettes, à un souffle de moi.

***

« C'est sex /

So sex... »

***

Le lit se met à grincer tout à coup, me tirant subitement de mes songes.

C'est elle qui s'éveille.

— Salut, beau brun ! me sourit-elle. T'as pas une clope ?

Je fais non de la tête et la dévisage un instant.

Bon Dieu de merde, même la tignasse en bataille, elle est à tomber !

Et puis, sans crier gare, alors que je me noie dans ses prunelles comme un benêt, elle braque sur ma tempe son flingue, un calibre 38 sorti de nulle part.

— Les clés de ta bagnole, beau gosse ! Magne-toi, vite !

Je ne réfléchis pas, farfouille dans les poches de mes fringues qui s'amoncellent sur le sol, comme un dératé.

Elle se rhabille, le gun toujours braqué sur moi, pin-up cow-girl, Texane de loi.

— C'était pas mal, beau brun, mais faudra que t'apprenne à te méfier des filles comme moi...

***

« La chaleur du canon /

C'est comme une symphonie... »

***

La voix cristalline se vrille sous l'impact de la balle du vieux colt sur le poste-radio has been.

Elle a claqué dans l'air comme une gifle.

— Je suis jalouse. Parce que c'est dingue le pouvoir que peut avoir sur un gars la voix de cette nana...

Comment a-t-elle pu savoir ?

A moins que ce ne soit l'érection de mon chibre qui m'ait trahi, un brin sournois...

(1) : Paroles extraites de la chanson California, écrite et interprétée par Mylène Farmer. La musique est signée Laurent Boutonnat et le clip a été réalisé par le cinéaste Abel Ferrara.

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