Le costume de l’impossible

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Le Touquet, une modeste chambre d’hôtel au confort sommaire

Assis sur une chaise paille, Malik déverse le contenu de son sachet plastique sur un coin de table usé. A la lueur d’une lampe désuète ornée d’un abat-jour miteux, il compte les maigres économies qu’il lui reste avant de rentrer sur Paris. Cinq euros et soixante-cinq centimes, juste de quoi payer un petit déjeuner décent à Saïd. Un croissant et un chocolat chaud dans un salon de thé, un endroit plus chic, plus classe qu’un vulgaire bar-tabac hanté par des piliers de comptoir.

Malik n’en avait pas les moyens, mais son fils était comme tous les gosses, il avait un rêve : celui de voir la mer. Alors, il s’était saigné pour ça, il avait raclé les fonds de tiroirs pour monnayer les billets de train, la chambre d’hôtel, les sandwiches, et même le Coca. Parce que dans les rêves, on ne prive jamais les minots de Coca.

Dès leur arrivée, ils avaient acheté un cerf-volant et ils l’avaient fait voler sur la plage. Dans la pénombre de la pièce, cette image de félicité danse encore devant les prunelles sombres de l’homme fourbu par sa rude existence : Saïd courant dans les vagues et riant aux éclats. Les frimas de l’automne, ils s’en étaient moqués, tous les deux, parce que rien n’avait plus d’importance que ces petits moments de bonheur, trop rares pour les oublier sur le sable fin, face à l’immensité bleutée.

— Papa ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu dors pas ?

— Pas encore… Mais je vais bientôt venir me coucher, t’en fais pas, fils…

— Elle était géniale, cette journée, tu sais ! Tu crois qu’on pourra revenir ici ?

— Peut-être… Allez, rendors-toi mon grand…

Saïd ferme ses paupières, un sourire sur ses lèvres. Malik s’inquiète, il ne subsiste pas grand-chose pour finir le mois. Mais ça valait la peine de l’enfiler, de le revêtir, ce costume de l’impossible. Celui des gens normaux, des parents qui peuvent offrir de vraies vacances à leurs enfants.

L’homme fourbu sirote un verre d’eau, pensif. Se réjouit déjà à l’idée de ce que Saïd pourra raconter à ses copains d’école, lundi matin. Avec des étoiles plein les yeux et un cerf-volant dans la tête. Et pour Malik, le bonheur de son fils n’a jamais eu aucun prix.

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