Cornouailles

3 minutes de lecture

« Ainsi moi je /

Prie pour que tu /

Fuis mon exil... »

Ainsi sois-je

Paroles / musique : Mylène Farmer / Laurent Boutonnat

Interprète : Mylène Farmer

Point de rupture.

Les portes qui claquent, les débris de verre une fois de plus. Une fois de trop. On ne s'aime plus, on se déteste. Je te déteste tellement que j'ai envie de cogner.

Faut qu'on arrête. Les crédits, la bagnole, les gosses, toutes ces excuses qu'on s'invente pour continuer, faire semblant, parfois même faire l'amour ensemble. Juste comme ça, parce que c'est tout ce qu'il nous reste : un désir furtif quand on s'endort et frôle malgré tout très tard le corps de l'autre. Instinct primal quand la haine, momentanément, s'évente. Et cette sueur qui me colle encore à toi certains soirs de canicule, elle ressemble au dernier souffle d'un couple qui suffoque ; elle nous raccroche au souvenir d'une love story qui s'asphyxie, qui agonise, quand on se fantasme d'autres partenaires de vie, de luxure, plus dociles.

Besoin de tout casser, de tout détruire ce qui nous enchaîne. Besoin d'exil.

Plier bagage. Une toute petite valise fera l'affaire ; le superflu ne sert à rien, il nous retient juste à un fil. Jeter les clés, mon smartphone, et partir.

Tu m'en empêcheras, tu voudras tout contrôler, comme toujours, sauf les nuits où tu t'abandonnes, mais tu ne pourras rien y faire puisque je m'échappe déjà. Ça y est, je suis dehors, tu ne m'as pas vu sortir... Je n'ai pas claqué la porte, je ne ferai plus d'esclandre. C'est fini, Nina. J'effacerai les traces de l'amour que nous avons fait ensemble, ne subsiteront que Clara et Manon. Et cette ultime gamine qui n'a pas survécu : celle qu'on aura pour toujours en mémoire, qui sonna brutalement le glas d'un indéfectible « nous deux ». Je n'emporterai rien de tout ça, rien que du vide et une envie folle de me barrer, de te rayer de mon existence. De tout oublier.

Dans mon maigre bagage, quelques Bics de couleur, des feuilles de papier, un carnet. Le Horla pour contrer mes nuits de solitude, Le Grand Meaulnes pour mes rêveries romantiques quand j'en aurai marre d'être trop seul, quelques autres bidules, un nécessaire, et une polaire pour les jours de grand froid, toujours plus intense quand plus personne ne vous réchauffe.

***

Cornouailles : havre de paix loin des tumultes continentaux. Un bout du monde, une péninsule britannique caressée par le vent. C'est ici que je fais escale : une campagne retirée, une chambre d'hôtes.

J'ai du mal avec la langue des autochtones, et leur bouffe dégueulasse. Ils font tous semblant de ne pas entendre, et restent sourds à mes supplications lorsque je décline une seconde assiette qu'ils se croient inlassablement obligés de me proposer par politesse.

A part ça, je suis bien ici. Je me suis remis à lire, à écrire... Ouais, ici c'est tranquille, reposant. Personne pour me faire chier. Rien que le bruit des vagues. Et pour les yeux, une figure adolescente...

Je t'ai presque oubliée, Nina, au pays des Grands-bretons. Ils cuisinent d'ailleurs tout aussi mal que toi, sauf qu'à eux je ne sais pas dire non. Peut-être pour plaire à cette incandescente incandescence qui parcourt quotidiennement la grève, un vélo à la main. Elle a seize, dix-huit ans dans mes rêves d’idylle, celle que je déflore dans mon lit marin. J'ai envie de me perdre dans une blondeur sauvageonne, quasi océane, m'accrocher au soleil de son sourire pour venir butiner les arborescences et autres mosaïques de son corps nichées sous sa robe à fleurs.

Et si c'était ça qui me manquait, Nina ? L'amour d'une femme, comme celui que l'on faisait les soirs d'été, dans les draps bleu lavande. Demain, j'irai lui parler. L'aborder de mon anglais approximatif. Et elle restera sourde, comme à chaque fois qu'elle me sert à table. Et si elle l'était vraiment ?

Tu n'es plus là, Nina. C'est elle que je fantasme, que j'apprivoise en langage des signes, langage des mains. Elle qui frissonne de désir, de plaisir sous mes caresses, parfumée d'embruns. Elle ! Enfin, je crois...

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