« Les filles sans en avoir l’air /

Ça électrocute... »

Les filles électriques

Auteur, compositeur et interprète : Alain Souchon

Il y a des mots qui arrivent comme ça, sur le fil de ma vie, qui m’électrisent. Des voix féminines, des chuchotements, des murmures. Des champs magnétiques qui m’attirent comme un aimant, me foudroient subitement au détour d’une allée, une arcade ou un terrain vague.

Je me prends du jus, souvent, à trop caresser des yeux le bleu électrique des filles, à effleurer le cuir de leur peau sur l’alcantara d’un sofa grisé enseigne. Je les aime, et m’embrase dans des corps-à-corps éperdus qui nous connectent dans un courant continu. Des cœurs à l’unisson, un orgasme puissant, et puis tout explose, tout disjoncte ; plus de flamme dans nos prunelles, un court-circuit.

Et après ? Après, plus rien. Après, je me sens comme une veilleuse en fin de vie, vidée de toute énergie, et l’esprit nébuleux, presque confus. Une batterie faible. Alors, j’agonise et clignote doucement, jusqu’à ce qu’une autre nana m’allume et recharge le sexe à pile dans mes veines. Et le lapin Duracell se réveille, prêt à bondir sur la jolie demoiselle, moins chaude que moi ! De bouche-à-bouches en électrochocs, on se retrouve dénudés comme des fils sur l’alcantara d’un sofa grisé pareil. Sans autre alternative que celle de s’emboîter prise mâle dans femelle, jusqu’à faire tilt, des étincelles…

Pourtant, dans mes nuits étoilées, quand je m’endors sans elles, déconnecté depuis la veille, parfois je songe à une rencontre plus durable, plus solaire. Un baume au cœur qui réchauffe sans brûler, à qui je vouerais un amour sans borne ; un amour qui ne s’éteindrait jamais.

Mais à trop rester niché à l’ombre des pylônes, entouré de trop de filles dénudées, parviendrai-je vraiment un jour à capter l’essentiel, la même longueur d’ondes que cette femme qui deviendra mon soleil ?