Mission : Russie (Série Z) (1)

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Une image se met à danser dans l’ombre…

***

Grand Hôtel Europe, Perspective Nevski, Saint-Petersbourg, quatre ans plus tôt…

Moulée dans l’organza pourpre d’une robe fourreau de créateur et parfumée de Mugler, Savannah Fletcher grime ses yeux de fard à paupières et mascara. L’omniprésence du marbre de Carrare, les boiseries précieuses sertissant, tapageuses, d’immenses miroirs qui n’auraient dépareillé au beau milieu de la galerie des glaces de Versailles... Toute cette profusion de luxe, cette ostentation démesurée que vomissent les murs de la salle de bains de la « Presidential Suite » est tellement éloignée du quotidien de la jolie blonde qu’elle devrait en être mal à l’aise. Elle ne l’est pas. Au contraire, elle semble parfaitement se fondre dans ce décor, cet univers de nantis.

Un trait de gloss cerise pour habiller ses lèvres, celles qui embrassaient Del tout à l’heure, dans le lit king-size. Del, dont le reflet jouxte le sien, alors qu’il s’encadre torse nu dans l’embrasure. Ses mains viennent enlacer sa taille fine, si féminine, tandis que sa bouche parcourt son cou gracile.

Sav’, chuchote-t-il à son oreille, j’ai envie de toi…

Il plaque son corps musclé, viril, contre elle ; Savannah peut sentir son désir mais… A cet instant précis, celui-ci l’agace.

On a rencart avec Pavlov dans une demi-heure… souffle-t-elle en se dégageant de son étreinte pour lui faire face.

C’est parfait ça, une demi-heure ! poursuit le beau mâle en égarant son regard dans ce décolleté pigeonnant qui met si bien en valeur l'exquise poitrine de l'agent Fletcher. T’imagines pas tout ce qu’on peut faire en une demi-heure…

Les mains de l'homme se font baladeuses, ses lèvres aussi mais la jeune femme ne semble pas très consentante.

T’es pas obligé de faire semblant, Del. On n’est pas en public… réplique-t-elle en le repoussant fermement.

Son visage hautain, quasi aristocratique, se fige, ses iris azur luisent à présent d'un éclat presque glacé. Et lui tombe le masque.

Je fais pas semblant, Sav’ ! Avec toi, j’ai jamais fait semblant… Enfin si, au début, mais pas cet après-midi. Cet après-midi c’était vrai, et toi non plus tu ne trichais pas.

On est en mission d’exfiltration, Del. Et en mission, faut jamais s’attacher, je le sais mieux que personne…

On est mari et femme, oui ou non ?

Uniquement pour donner le change à Pavlov, et pour sauver la peau de Micky !

Putain, qu’est-ce qui lui a pris, aussi, de raconter n’importe quoi ?

Il a improvisé, il n’a pas eu le choix. Mais il a sous-estimé Pavlov, et si on ne le sort pas rapidement de là, il va morfler.

De là à me faire passer pour son père !

L’AIR a pensé que…

Je me fous de ce qu’ont pu penser tous ces ronds-de-cuir vissés derrière leur bureau, Sav’ ! Micky c’est mon pote, OK ? C’est la seule raison pour laquelle j’ai accepté de bosser pour ta boîte.

Alors grouille-toi d’enfiler un costard ! Parce que les minutes nous sont comptées…

***

D’un clic sur sa montre high-tech, l’agent Fletcher interrompt le film holographique de leurs souvenirs communs projeté sur le mur en parpaings grisâtres.

― Je me rappelle de rien, Sav’ ! Je te jure, de rien du tout…

― On a fait l’amour, et même ça, même cette sensation, tu l’as oubliée… Remarque, je ne t’en veux pas. Je peux pas t’en vouloir. C’est à eux que tu dois tes trous de mémoire. Et c’est à eux que je dois la perte de mon bras…

― Qui ça eux ? Putain, c’est quoi ce merdier dans lequel vous m’avez embarqué tous les deux ?

― Calme-toi, vieux… intervient Micky.

― Non, je me calmerai pas ! Je veux savoir qui a bousillé ton bras, Sav’, et qui a bousillé mon cerveau !

― L’AIR, Pavlov, quelle importance ? Moi, je suis des leurs, j’ai continué à bosser pour eux. Micky aussi, ponctuellement. C’est lui qui a conçu mon nouveau bras. Et puis il s’est foutu grave dans la merde, quand il a perdu le contrôle des Morphs.

― Le contrôle des Morphs ? Parce que les Morphs, c’est lui ? s’étonne-t-il.

― Ouais, confirme Micky. Mais ils ont muté, ils évoluent en permanence…

― Et surtout, l'un d'eux est en train de grandir dans mon ventre, ajoute Savannah.

Un vertige s'empare soudainement de la jolie jeune femme au moment où elle achève sa phrase. Elle s'évanouit dans les bras de Del, qui a tout juste le temps de la rattraper dans sa chute avant qu'elle ne s'échoue sur le sol.

― Sav’ ? murmure-t-il en la déposant délicatement sur le béton brut. Sav’, réponds-moi ! Réponds-moi bordel ! SAAAAAV’ ! SAAAAAAVV’ !

Son cri d'animal déchiré se perd dans son propre écho. Et puis le silence, à peine perturbé par les sanglots étouffés de Micky.

Une poignée de secondes plus tard, les tentatives de Del pour ranimer l'agent Fletcher commencent à faire effet. Les paupières féminines se mettent doucement à papillonner ; la jolie blonde reprend peu à peu connaissance, mais elle a du mal à respirer. La belle manque d'air, suffoque presque, s'exsangue. Parce que le Morph en elle envahit sa chair et est en train de la bouffer, de la dévorer de l'intérieur...

(1) : Extrait de la novella Collpasus Temporis, co-écrite avec les « Alliés-nés de Bookerville », collectif d’auteurs issu de la maison d’édition L’Ivre-Book, et parue en 2017 dans la collection "Imaginarium - No limit". La maison d'édition a fermé ses portes depuis lors.

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