Nuit

3 minutes de lecture

« Conquérante immobile /

Reine du sang des villes /

Je la supposais, la voilà ... »

Nuit

Auteurs : Jean-Jacques Goldman / Michael Jones

Compositeur : Jean-Jacques Goldman

Interprètes : Jean-Jacques Goldman et Carole Fredericks

Je viens de poignarder Rachel.

La lame ensanglantée se retire lentement de son abdomen, l’hémoglobine macule tout : sa robe, le couteau que je relâche brutalement comme s'il venait de me brûler, le tapis persan, ma main...

Je reste là, interdite, réalisant à peine la portée de mon acte.

J’ai assassiné ma meilleure amie de sang-froid, et pourtant, avec le recul, ça ne me fait rien.

Je ne pouvais pas la laisser médire. Je ne pouvais pas la laisser mettre en péril l'équilibre fragile de notre petite famille...

Au nom de quoi s'arrogeait-elle le droit de briser mon couple ? Au nom de quoi s'arrogeait-elle le droit de révéler notre secret ? Agathe est ma fille. Et personne ne devra jamais savoir qui est son véritable père. Pour l'état civil, c'est Pierre, mon mari. Il n'y a jamais eu d'autre homme. Antoine n'existe pas, il n'a jamais existé pour moi. Il n'y a eu que quelques nuits entre nous, rien de plus. A peine plus... Il n'a plus jamais quitté Rachel depuis lors.

Et maintenant ?

***

Je me réveille en sursaut, balaie des yeux la pièce qui m'entoure. Notre chambre. Elle n'a pas changé. Pierre dort toujours à mes côtés, du sommeil du juste. Un coup de pied dans mon bas-ventre. Agathe n'est pas encore née, c'est pour bientôt. Les images de mon sinistre songe dansent à nouveau devant moi, je les chasse d'un battement de cils.

Putain de cauchemar !

En même temps, une angoisse sourde me lacère les entrailles à mesure que je pressens cette vision comme étant possible.

Et si je l'avais réellement fait ? Si j'avais réellement tué mon amie ? Oh mon Dieu, non !

Mon smartphone se recharge sur la table de nuit, je l'avise d'un œil torve.

Il faut que je sache, que j'en aie le cœur net...

A pas feutrés, je sors discrètement de la suite parentale, mon « précieux » entre les mains. L'écran indique 3 heures 40.

Merde, je ne peux quand même pas le réveiller en plein milieu de la nuit !

Si, vas-y, envoie-lui un SMS...

Mes doigts pianotent les touches tactiles, un message court mais limpide : « Dis-moi si Rachel respire encore ! » Limpide oui, mais étrange quand même... Je parcours le répertoire, clique sur « Paray Antoine », hésite un instant avant d'envoyer mon texto.

Vas-y bon sang, tu te sentiras mieux après ! Qu'est-ce que tu attends ?

Mon doigt effleure l'écran capacitif et appuie presque malgré moi sur l'icône « envoi ». Ça y est, c'est fait.

Alors pourquoi suis-je toujours aussi angoissée qu'avant de l'avoir envoyé ?

J'ai les yeux rivés sur mon téléphone, l'accusé de réception tarde à me parvenir et quand il se signale enfin, je lâche un petit cri de victoire à peine contenu : « Yes ! » Plus qu'a attendre sa réponse. Une, deux minutes s'écoulent. Puis trois.

Mais qu'est-ce qu'il fout, bordel ? Peut-être n'a-t-il pas entendu l'alerte sonore lui signifiant la réception d'un message, peut-être est-il sur vibreur ou silencieux... Non, non, non ! NON ! C'est pas possible, du temps où l'on fricotait en douce ensemble, il savait que je pouvais essayer de le joindre à tout moment. Ouais mais ça remonte à plusieurs mois à présent...

Bon Dieu, cinq minutes, qu'est-ce qu'il fout ? Je suis trop conne, il ne répondra pas en fait... C'est moi qui l'ai jeté comme un malpropre, alors pourquoi me répondrait-il ? Et s'il répond, il va me prendre pour une folle de toute façon. Putain, qu'est-ce que je suis conne ! Faut que je sache pourtant...

Dix minutes.

Réponds-moi, bon Dieu de merde ! Ah ça y est !

Fébrilement, je clique sur son message : « A ton avis, pouffiasse ? » Sourire en coin. Le ton de sa réplique ne laisse planer aucun doute : je ne l'ai pas tuée. Et une autre certitude se dessine également : il est toujours raide dingue de moi. Même s'il m'en veut, même si je suis une garce de première, même si je porte son enfant et qu'il n'en sera jamais le père. Il m'aime, et quelque part, moi aussi je l'aime.

Pour toujours...

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