Elle

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Elle sourit. Tout le temps. Elle a le plus beau des sourires d’ailleurs. Parce qu’elle ne sait faire que ça, sourire. Jamais elle n’a dit mot. Elle est muette de naissance, ses cordes vocales étant incapables d’émettre le moindre son. Cette histoire sans parole aurait pu la rendre triste à mourir, mais elle préfère croquer la vie à pleines dents plutôt que se morfondre.

Et elle peint. Tout le temps. Elle colorie en vert ou bleu le gris des villes, elle applique partout sa gouache et ses pastels. Et moi, je me noie dans ses yeux océan.

Seulement, je n’ose pas le lui dire, de peur qu’elle ne me comprenne. Je ne suis même pas sûr qu’elle entende, ne serait-ce que le bruit des vagues s’échouant sur le rivage. Je ne suis pas sûr non plus de trouver les mots.

Je voudrais la connaître. Je voudrais pouvoir respirer le parfum de ses rêves, mais elle m’est distante. D’ici, vous vous dîtes peut-être que ces quelques mètres ne sont pas insurmontables, que les élans du cœur peuvent s’affranchir de tous les carcans. Vous n’imaginez pas combien ces quelques mètres peuvent cloisonner mon existence. Parce que je n’ai personne d’autre à aimer, rien que du vide sous mes doigts. Depuis ce jour d’octobre, il y a cinq ans.

Elle est là, sur la plage. Elle regarde la mer. Son labrador court autour d’elle, un morceau de bois dans la gueule. Elle rit. Ce n’est pas le ressac qui couvre son éclat de voix, non. Pourtant, elle rit à gorge déployée. Silencieusement. Elle ne sait pas que je suis là, que je l’observe. Je ne crois même pas qu’elle se doute.

Elle est partie. Elle reviendra demain. Sûrement. Pour peindre ou jouer avec son chien. Pour rire et sourire, les cheveux au vent. Comme chaque jour, ses saphirs se braqueront, interrogateurs mais sans dureté, en direction de ma fenêtre. Le voilage qui s’agite la trouble, l’intrigue, mais je ne me montre pas. J’attends qu’elle s’en aille. Puis, je fais pivoter mon fauteuil pour retourner à mon secrétaire. J’y dessine sa bouche, son sourire sur un carnet à spirales, y dépose des baisers chimériques, y appose mes mots. Des mots d’amour qu’elle ne lira jamais. La faute à ce fichu fauteuil...

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