Lettre à l'adolescent que j'étais

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Salut vieux - enfin, façon de parler vu que je le suis bien plus que toi !

Pas évident de te donner des conseils sans spoiler ta vie future, parce que si je t’en dis trop, tu risques de prendre un autre chemin que celui que je nous ai choisi, essentiellement par manque d’audace.

Alors, sois audacieux, ose, ne crains pas de te brûler les ailes dans des relations amoureuses que tu crois vouées à l’échec, pour ne pas avoir trop de regrets quand tu commenceras à regarder dans le rétro de ton existence, la quarantaine bien tassée, et qu’un fantôme du passé viendra hanter tes jours et tes nuits jusqu’à n’en plus dormir.

Non, ne sois pas trop sage, lâche-toi. De toute façon, tu t’en fous de ce que peut penser ton père, tu verras qu’il ne sera jamais fier de ce que tu es, ce que tu fais, même si c’est au fond plus qu’honorable.

Tu vas vivre des choses sympas en fac – sans forcément en avoir pleinement conscience sur le moment -, ce sera un peu ton âge d’or. Mais profite encore plus de la vie, vis l’instant en cessant de te projeter constamment dans un futur qui ne sera pas le tien ; fais tout ce que tu aimes tant que tu le peux, parce que notre foutue maladie nous réserve de mauvaises surprises, passé trente ans. Ce fichu handicap nous contraint déjà pas mal à ton âge, ça ne va pas aller en s’arrangeant, alors ne te limite pas dans tes envies possibles.

Et puis surtout, je sais ce qui te mine profondément, ce que tu gardes en toi et te fait passer, aux yeux du monde, pour un insensible notoire. C’est à fleur de peau mais tu ne le montres pas. Et si tu me lis, si tu m’écoutes, tu auras davantage de chance que moi de lever ce secret de famille qui nous ronge. N’attends pas de réponse des gens faussement affables avec toi, ils le sont par intérêt et ont tous des cadavres dans leur armoire. N’attends pas non plus qu’il soit trop tard, il y a quelqu’un qui sait, tout disposé à te parler, mais à qui on empêchera de l’ouvrir si tu écoutes les mauvaises voix.

Mais t’inquiète, si tu ne fais rien de plus que moi par rapport à ça, je ne t’en voudrai pas. Avec le temps, on finit par vivre avec. Parce qu’au fond de nous, à force de recoupements, on sait, avec une quasi-certitude. Les années passeront de toute manière, il y aura des moments où le manque se fera plus cruellement ressentir, mais quand tu auras franchi un certain cap, tu auras gagné en sérénité et sauras vraiment où tu vas. Tu ne te cacheras plus derrière un masque, tu t’en ficheras éperdument de l’avis de ceux qui, finalement, ne comptent pas et tu seras enfin prêt à être papa. C’est assurément ce qu’on réussira de mieux, tu verras, il n’y a pas plus fort que ça.

Bon, ben du coup, j’ai un peu spolié quand même ; sans rancune ?

Il faut que je te laisse à présent, je n’ai pas de nouvelles de mon futur moi, et ça me stresse. Nos enfants ont encore tellement besoin de nous, enfin de moi, ton toi à venir...

Voilà, je t’ai tout dit ou à peu près, l’essentiel en tout cas.

Alors à très vite, vieux, quand tu me rejoindras sur le fil du temps et que tu le seras à ton tour. Moi je t’attendrai, et quand tu regarderas en arrière, comme j’ai pu le faire avant toi, tu te diras qu’en fin de compte, on n’a pas si mal géré notre existence que ça.

Et surtout, prends bien soin de toi, l’ami, de nous...

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