Focus sur « Le Horla » de Maupassant : archétype du Naturalisme ou chef-d’œuvre fantastique ?

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Au commencement, il y eut Le Horla. En tout cas pour moi. « Horla », néologisme inventé par son auteur pour signifier « hors de là », mais qui pourrait également dériver du mot normand « horsain » qui signifie « l'étranger ».

Je ne me souviens plus vraiment à quelle époque de ma vie de collégien on m'a fait découvrir, par obligation scolaire, cette nouvelle de Guy de Maupassant, mais je me rappelle très bien de la réflexion que je me suis faite quand j'ai refermé le livre : « C'est un génie, ce type ! » - en parlant de l'écrivain. Depuis, ce bouquin est presque devenu mon livre de chevet, une référence absolue, peut-être même LE récit qui m'a donné envie par la suite d'écrire.

D'ailleurs, c'est un texte qui influence considérablement mon écriture, consciemment ou inconsciemment, en particulier dans mes œuvres courtes, notamment lorsque mes personnages perdent le contrôle de leur esprit.

En fait, ce qui m'a toujours fasciné dans ce récit, c'est cette sorte de décryptage, d'analyse d'une folie « lucide ». Folie dont était atteinte l’auteur, ce qui lui donne presque un caractère autobiographique et qui renforce la puissance de cette nouvelle.

Mais attention, il existe deux versions du Horla. La première a été publiée en 1886, sous forme de récit-cadre. Une version que je n'apprécie pas, trop extérieure. La version publiée en 1887 est beaucoup plus convaincante puisque plus immersive et se présentant sous la forme d'un journal intime, dans lequel le narrateur essaie de trouver des raisons rationnelles à des faits qui ne le sont pas. En adoptant une démarche pseudo-scientifique, comme pour se prouver à lui-même qu'il n'est pas fou. Et ce qui m'a marqué à la première lecture, c'est qu'aucun détail de ce court récit, de ce bijou de la littérature à l'efficacité redoutable, n'est gratuit. Dès le départ, dès l'ouverture, ce bateau brésilien qu'on croit anodin a son importance.

Archétype du Naturalisme, ce mouvement littéraire qui pousse à l'excès les exigences du réalisme – à l’image de ce que faisait Zola -, Le Horla est pourtant considéré comme une œuvre fantastique. Et en effet, suivant l'interprétation que l'on peut avoir de cette nouvelle - Maupassant laissant au lecteur le soin de trancher -, elle peut correspondre à la définition du genre fantastique : on parle de fantastique dès lors qu'il y a irruption de l'irrationnel dans un cadre réaliste.

En lisant les quelques lignes qui vont suivre, on peut effectivement légitimement hésiter entre Naturalisme - de par la peinture réaliste que nous fait l'auteur d'une folie consciente - et littérature fantastique - de par la présence de cet être immatériel qui bouleverse le quotidien du narrateur :

« 6 août. [...] Alors, je rentrais chez moi, l'âme bouleversée ; car je suis certain, maintenant certain comme de l'alternance des jours et des nuits, qu'il existe près de moi un être invisible, qui se nourrit de lait et d'eau, qui peut toucher aux choses, les prendre et les changer de place, doué par conséquent d'une nature immatérielle, bien qu'imperceptible pour nos sens, et qui habite comme moi, sous mon toit...

7 août. [...] Je me demande si je suis fou. En me promenant, tantôt au grand soleil, le long de la rivière, des doutes me sont venus sur ma raison, non point des doutes vagues comme j'en avais jusqu'ici, mais des doutes précis, absolus. J'ai vu des fous ; j'en ai connu qui restaient intelligents, lucides, clairvoyants même sur toutes les choses de la vie, sauf sur un point. Ils parlaient de tout avec clarté, avec souplesse, avec profondeur, et soudain leur pensée, touchant l'écueil de leur folie, s'y déchirait en pièces, s'éparpillait et sombrait dans cet océan effrayant et furieux, plein de vagues bondissantes, de brouillards, de bourrasques, qu'on nomme la démence.

Certes, je me croirais fou, absolument fou, si je n'étais conscient, si je ne connaissais parfaitement mon état, si je ne le sondais en l'analysant avec une complète lucidité. Je ne serais donc, en somme, qu'un halluciné raisonnant. »

Alors pour vous, Le Horla pencherait plutôt de quel côté ?

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