Chapitre 4 : Sérane

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    Arrivée chez moi, je jetai comme d’habitude mes affaires sur le canapé et m’affalai sur la chaise de mon bureau. Je l’avais déplacé à côté du vivarium pour surveiller mon mortel ami. Celui-ci leva la tête et me fixa, encore et toujours. Je ne savais pas encore ce que j’allais faire de lui. Mon esprit était tiraillé entre le remettre à la police, mes collègues et le garder. Je ne comprenais pas pourquoi cette envie était si forte. J'adorais les serpents certes, mais j’avais failli mourir à cause de lui. J'étais toujours vivante pour une raison inconnue.


  J'allumai mon ordinateur et me dirigeai vers la cuisine. J’avais passé près d’un an à économiser pour m’offrir une bête de compétition. J’aimais beaucoup jouer donc il fallait le matériel pour suivre l’évolution des jeux vidéo. J'ouvris le congélateur et sortis un bocal rempli de souris congelées. J'en pris deux et les posai dans un sopalin sur la table pour qu’elles réchauffassent, puis je préparai le repas de ce soir : des tagliatelles carbonaras. 

  Une fois prêt, je m’installai devant mon PC et mis un bon film de pirate en dégustant mon plat. Je jetai un coup d’œil au terrarium et vis mon serpent me fixer avec ses beaux yeux noirs. Il donna un coup de langue fourchue. 

  • Tu as faim ? Lui lançai-je.

  Il pencha la tête en avant comme pour acquiescer. Je faillis avaler mes pâtes de travers. Au lieu de ça, je dégueulassai mon bureau et mon clavier. 

  • Attends attends ! M'écriai-je. Tu comprends ce que je dis !?

  Il pencha le museau sur le côté et cligna les paupières. Je me levai et planquai les mains sur mon visage criant :

  • Je deviens folle ! Je deviens folle ! Je parle à un serpent et il me répond !

  Il me regardait comme s’il ne comprenait pas pourquoi je réagissais comme ça. Je retournais vers la table, pris les deux souris décongelées et retournai près de lui. J’ouvris rapidement le couvercle du vivarium et jetai les rongeurs avant de refermer aussitôt. Il se précipita dessus et les dévora. Je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur et caressai la glace. 

  • Je dois vraiment devenir timbrer pour te garder... Mais j’y pense ! Je ne t’ai toujours pas donné de nom. 

  Mon mamba noir avala sa dernière souris, qui forma une bosse dans son cou. Il approcha le bout de son museau de la vitre, et le posa près de ma paume. Qu'est-ce qui n’allait pas dans ma tête ? 

  • Quel nom pourrait bien t’aller ? Hhmmm...

  Je me redressai et continuai de le fixer en réfléchissant. Il siffla bruyamment. Soudain une main se plaqua sur ma bouche, et un bras encadra mon cou. Après un instant de surprise, je tentai de réagir. J’attrapai le membre tentant de m’étouffer et essayai de briser son étreinte. Mais ma force me quitta. Je perdis soudainement toute envie de résister. Mon agresseur commença à me tirer en arrière. Une voix résonna dans ma tête :

  • Résisssste !

  Ce simple mot résonna dans mon esprit telle une bombe. Cela me redonna de l’énergie. J'étais prête à me battre corps et âme maintenant. Je pris un instant pour analyser la situation. J’étais légèrement penchée en arrière. Il était plus petit que moi. J’eu une idée. Je levai une jambe et tapai du pied en mettant tout mon poids dans ce coup. Le sol trembla ce qui sembla nous surprendre tous les deux. Mais cela eut l’effet escompté. Je réussis à le soulever du sol. Je courbai le dos, envoyai mes bras par-dessus ma tête, attrapai la sienne et, dans une action digne des meilleures prises de catch, je l’envoyai la tête la première dans le terrarium. Celui-ci explosa dans un fracas de verre brisé. Réalisant ce que je venais de faire, je criai :

  • Sérane !!

  Je ne savais pas pourquoi ce nom-là était sorti de ma bouche. Mais j’étais soudainement pris d’un violent coup de panique. Où était Sérane ? Je sentis quelque chose s’enrouler autour de ma cheville. C'était froid, lisse et doux... ce contact me rassura. Je pus enfin observer mon agresseur. C'était le cliché type des cambrioleurs : entièrement vêtu de noir, une cagoule avec un trou pour chaque œil et la bouche. Il faisait à peu près un mètre quatre-vingts, large d’épaules. À vue d’œil, il était très costaud. Sa main serrait un morceau de tissu que je reconnus comme étant feu mon tee-shirt. Après une rapide analyse de tenue, je remarquai en effet que j’étais maintenant torse-nu. Je soupirai mais mon serpent me ramena à la réalité. Il grimpa autour de ma jambe, me donnant un frisson. Il remonta mon torse, passant entre ma poitrine, fit le tour de mon cou et posa sa tête sur ma clavicule. Je le regardai. Il tira la langue, humant l’air et fixa l’homme masqué. Je reportai aussi mon attention sur lui. Il s’était relevé et sortis un couteau. Le cambrioleur me dit d’une voix roque et caverneuse, presque inhumaine :

  • C’était donc bien toi !

  Il me fixait droit dans les yeux. Je me mis en position de combat, un genou en avant, les bras levés en garde. J'avais fait de nombreux arts martiaux étant enfant. Mes parents avaient espéré que cela canaliserait mon hyperactivité et me ferait prendre conscience de ma taille. 


  J’étais confiante. J’avais toutes mes chances de le battre, j’en étais sûre. Il s’élança. Sa lame fonça vers mon estomac. Je levai le genou et frappai son poignet. Sa main s’ouvrit et lâcha son arme. J’exécutai un revers du bras qui le fis décoller du sol. La force de mon coup me surprit. Il fit deux tours sur lui-même avant de retomber dans les débris du terrarium. J'écarquillai les yeux de surprise. Il tourna la tête vers moi. Je lisais la colère dans son regard. Il tendit la paume vers moi. Je ne comprenais pas ce qu’il tentait de faire. Soudain ma force me quitta. Je posai un genou à terre, le souffle court. Ma vision se troublai. C'était lui qui faisait ça ? Comment ? Je n’arrivais plus à bouger. Mon agresseur ramassa son couteau et s’accroupit devant moi. Sérane tenta de le mordre mais il le saisit à derrière la gueule pour éviter les crocs. 

  • Si je te tue damoiselle, je récupérerais les pouvoirs de ce...

         

  Je ne comprenais pas un piètre mot de ce qu’il disait cet homme. Il posa sa lame sur ma joue et la fit glisser vers le bas, entaillant ma chair. Je sentis le sang couler sur mon corps. Je fermai les yeux, attendant le coup de grâce, mais il semblait vouloir jouer avec moi. La pointe d’acier continua de lacérer mon visage.

         

  Soudain un hurlement retentit derrière moi, pas humain. On aurait dit le cri d’une bête, d’un lion ou quelque chose du genre. Mon agresseur s’arrêta et leva la tête. Il se leva et bondit en arrière mais quelque chose lui sauta dessus. Les deux êtres se battirent dans un tourbillon de coups que je ne parvenais pas à suivre, la vue toujours troublée. Mais d’après le boucan que j’entendais, ils ravageaient mon appartement. 


  Après quelques minutes je commençais doucement à reprendre mes esprits. Dans la bataille j’entendis une nouvelle voix :

  • Madame ? Vous allez bien ? Que se passe-t-il ? Mais...

  Je tournai la tête. C’était mon voisin de pallier, un jeune étudiant d’une vingtaine d’années, cheveux bruns très courts en bataille, un petit bouc, mince. Mon agresseur en profita pour sauter par la fenêtre, immédiatement suivi par l’autre créature non identifiée. Mon preux chevalier se jeta littéralement à genoux à côté de moi en me demandant, paniqué :

  • Vous allez bien ?! Que s’est-il passé ?!

  Il remarqua ma poitrine dénudée et se figea. Son visage vira au rouge. Je ressemblai mes forces et lui demandai :

  • Plutôt que de profiter de la vue, cherche mon pull... il y a.… il y a un numéro ... appelle-le... donne l’adresse de l’appartement et dit... que l’inspectrice Disperet a été agressée...
  • Oki... très bien. Mais... ce serpent... c’est un...
  • Dépêche-toi !! Hurlai-je.

  Il se leva et chercha mon vêtement dans le bordel créé par la bataille. Il le trouva. Je l’entendis pianoter sur son téléphone :

  • Allo ? Oui, excusez-moi de vous déranger, mais j’appelle car l’inspectrice Disperet a été agressée chez elle... l’adresse, vingt-cinq rue de la grande porte, au troisième étage... merci monsieur. 

  Il raccrocha et se tourna vers moi.

  • Alors ? Lui demandai-je.
  • Il arrive avec des renforts, il a dit. Il vous a insulté, moi aus...
  • Quoi ? Qu'est qu’y a ?
  • Vos... vos yeux...
  • Bin quoi ?! M'énervai-je.

  La fatigue commençait à me peser. Je n’arrivai pas à me calmer.

  • Ils sont comme ceux de votre serpent. 
  • Hein... mais qu’est-ce que tu racontes ?

  Je cherchais rapidement autour de moi quelque chose qui pourrait servir de miroir. Je trouvai un morceau de verre venant du terrarium qui fit l’affaire. Et en effet, je fus moi-même surprise. Mes yeux étaient entièrement noirs, avec de fins cercles dorés délimitant surement les pupilles. Après quelques secondes, ils redevinrent normaux, vert pâle sur fond blanc. Je soupirai et tendis la main vers lui.

  • Pourquoi vous avez un serpent mortel ? Pourquoi vos yeux ont changé ?
  • Je sais pas. Je sais pas ! Tu veux bien garder ça pour toi, s’il te plait ?
  • Mais... mais...
  • Je t’en prie...

  Je devais faire pitié à supplier comme cela. Mais s’il en parlait, ils m’enlèveraient Sérane. Et ça, je ne le supporterai pas. Je le sentis se serrer autour de moi. L'étudiant lui réfléchit quelques instant puis reprit :

  • Très bien. Mais il est pas dangereux ?
  • Non, tu vois bien qu’il ne me fait pas de mal. Tu veux bien m’aider ?
  • Euh oui oui, bien sûr.

  Il s’approcha et passa mon bras autour de son cou. Il nous releva et, malgré un faible vertige, je fus étonnée. Ce jeune homme était plus grand que moi, de cinq centimètres à vue de nez. J'examinais rapidement mon torse, mon sein gauche et ses alentours étaient recouvert de sang. Je sentais toujours celui-ci couler de ma joue, plus faiblement. 

  • Je vous emmène où ?
  • Ma chambre, fis-je en la pointant du doigt.

  Nous nous y rendîmes et il me déposa délicatement sur le lit. Celui-ci était au centre de la pièce, contre le mur du fond. Sur la gauche, une fenêtre sous laquelle se situait une commode. Dans le mur opposé se trouvait ma garde-robe. Le jeune homme observa les posters de manga accrochés un peu partout. Je voyais qu’il faisait un effort pour ne pas regarder mon corps. Il sortit de la pièce et revint un instant après avec mon pull.

  • Tenez, dit-il en me le tendant tout en détournant le visage.
  • Merci. Pourrais-tu allez dans la salle de bain ? Il y a une petite pharmacie au mur, et normalement j’ai des compresses et du désinfectant.
  • J'y vais.

  Il disparut dans la pièce en question. J'en profitai pour mettre doucement mon pull, m’arrachant quelques rictus de douleur. Celui-ci se tâcha de sang instantanément. En même temps avec ce qui était collé sur moi plus ce qui continuai lentement de couler de ma joue, cela ne m’étonna guère. Un nouveau vertige me perturba. J'avais de plus en plus de mal à tenir éveillé, mais je réfléchis à la situation. Un homme m’avait agressé quelques jours après que j’eus recueilli un serpent étrange. Quelqu’un ou quelque chose était intervenu pour m’aider. Je percutai soudainement que j’avais fait voler deux fois mon agresseur. Comment cela avait été possible ? Même si j’avais de la force, toute seule je n’aurais pas pu...

  • Voilà, j’ai trouvé !

  L’étudiant me sortit de ma réflexion. Mes paupières se fermèrent. Je n’en pouvais plus et sombrai dans les bras de Morphée.

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